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La Vénus anatomique

Xavier MAUMÉJEAN


Illustration de MANCHU

MNÉMOS (Saint-Laurent d'Oingt, France), coll. Icares précédent dans la collection suivant dans la collection
Date de parution : 27 octobre 2004
Dépôt légal : octobre 2004, Achevé d'imprimer : octobre 2004
Première édition
Roman, 248 pages, catégorie / prix : 17 €
ISBN : 2-915159-28-9
Format : 13,0 x 21,5 cm
Genre : Science-Fiction


Ressources externes sur cette œuvre : quarante-deux.org
Ressources externes sur cette édition de l'œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture
1752. L'Europe en dentelles est teintée de sang. Le philosophe-chirurgien Julien de la Mettrie, dont les ouvrages ont jadis été brûlés, mène une vie sans histoire derrière les remparts de la bonne ville de Saint-Malo. Repos troublé, un soir, par une convocation fort déplaisante : le Secret du Roi, ce cabinet obscur qui conduit la diplomatie souterraine de Louis XV, souhaite l'exposer aux feux de Versailles... Une telle invitation ne se refuse pas, mais qu'attend-on de lui ? Sur la route, les Mousquetaires noirs menacent le carrosse ; à Paris, la Chambre ardente, redoutable tribunal d'inquisition qui aime peu la science et la raison, entend bien faire respecter la justice de Dieu.
Du paradis à l'enfer, le chemin est tout droit... Ainsi bascule la vie de la Mettrie. Biomécaniciens et sculpteurs de chair, monarques cyniques, séducteurs emperruqués et femmes de tête se succèdent en des lieux que la morale réprouve — magasin d'enfants, mausolée des plaisirs ou Manufactures de Cadavres —, tandis que plane en coulisse l'ombre mécanique des automates, anatomies mouvantes de chair et d'acier...
 
« Ne craignons point la haine des hommes, ne craignons que de la mériter. »
Julien Offroy de la Mettrie
 
En quelques années, Xavier Mauméjean s'est imposé comme l'un des chefs de file de la nouvelle génération d'auteurs dans le domaine de l'imaginaire.
Empruntant aux romans d'A. Dumas pour le souffle de l'aventure, et au Frankenstein de M. Shelley pour l'histoire, le récit met en scène la Mettrie, médecin-philosophe vivant dans la France de Louis XV, que la curiosité et l'amour pousseront jusqu'à la cour de Frédéric II de Prusse. Roman uchronique, La Vénus anatomique revisite magnifiquement la question de l'homme et de la machine.
Critiques
     Médecin, chirurgien et philosophe du XVIIIe siècle, Julien Offroy de la Mettrie est tiré de sa paisible vie à Saint-Malo par le Secret du Roi, une police secrète qui va le mener à Paris, à la rencontre du biomécanicien Jacques Vaucanson puis de l'anatomiste rebelle Honoré Fragonard — cousin du peintre Jean-Honoré. Ensemble, les trois hommes devront relever le défi européen de créer un Nouvel Adam — à moins qu'il ne s'agisse d'une Nouvelle Eve, voire même d'une Nouvelle Vénus...

     La Vénus anatomique est l'extension d'une nouvelle homonyme parue dans Passés recomposés, l'excellente anthologie uchronique d'André-François Ruaud. Histoire colorée, personnages pittoresques, péripéties diverses dont quelques combats de mousquetaires, Mauméjean se prend pour Dumas et cela lui réussit plutôt bien. L'intrigue, elle, se situe dans la tradition des récits d'automates dont le XIXe siècle fut l'âge d'or, avec entre autres l'androïde mécanique de L'Ève future de Villiers de l'Isle-Adam et bien sûr la créature organique du Frankenstein de Mary Shelley, roman auquel le dénouement de La Vénus anatomique fait explicitement référence.
     La reconstitution historique est spectaculaire. Evidemment, le XVIIIe siècle que nous présente l'auteur est sans doute idéalisé, l'accent étant mis sur l'effervescence de ce siècle lumineux où l'on croise ici Casanova, là Diderot — avec un plaisir continu, même si cette surenchère de noms célèbres n'est pas toujours très utile à la progression de l'intrigue.
     Pour ce qui est de l'aspect science-fictif, il faut bien dire que l'auteur retarde autant que possible la réalisation de la « créature ». Son sujet réside plutôt dans les interrogations éthiques et philosophiques qui précèdent cette entreprise, objet de discussions passionnantes. En revanche, le lecteur pourra se sentir un peu frustré de ne pas accompagner plus loin la Vénus — même si, depuis Frankenstein, le devenir de la créature a déjà été abordé de très nombreuses fois et que l'angle d'approche choisi par Mauméjean est finalement moins rebattu.
     Enfin, alors que la majeure partie de l'intrigue pourrait relever de l'Histoire cachée, Mauméjean suggère de véritables perspectives uchroniques avec la création en Prusse de « Panopticon », cités « futuristes » peuplées d'hommes-machines, une évolution cependant à peine esquissée et qui laisse le lecteur un peu sur sa faim.

     Bref, le dénouement paraîtra sans doute un peu rapide et manquer d'ampleur pour s'avérer pleinement convaincant. Peu importe, La Vénus anatomique est un livre brillant, intelligent, récréatif, qui mérite assurément d'être lu, d'autant qu'une bonne dose d'humour — voir par exemple l'intuition de la « logique floue » ou le pastiche des trois lois de la robotique — lui confère une agréable légèreté. A ce jour, voilà le meilleur ouvrage de Xavier Mauméjean.

Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 7/3/2005 nooSFere


     L'ouvrage est supposé publié en 1753, à un appendice près, et dû à Julien Offroy de La Mettrie, médecin et philosophe malouin, matérialiste mécaniste radical, que nos dictionnaires donnent pour mort deux ans plus tôt à Berlin. Et cela commence comme un roman historique, entre bataille de Fontenoy, techniques médicales d'époque, intrigues et rivalités à la Cour, et surtout services secrets du roi, Mousquetaires noirs et hussards voleurs d'enfants, complots, bagarres et duels, plus bien entendu des personnages plus qu'intéressants, au-delà de Louis XV et de la Pompadour : Diderot embastillé, Vaucanson et ses automates, Fragonard (l'autre, le frère, l'anatomiste), Casanova ou Geneviève, chevalier d'Éon. Mieux qu'indolore, l'érudition est jubilatoire, le style imité du XVIIIe allie distanciation et clarté, tout en autorisant des remarques juste assez maniérées pour être hilarantes, les fiches de préparation sont, à (très) peu près, parfaitement fondues dans le récit, depuis la doctrine cartésienne jusqu'aux hypothèses sur la langue d'Adam et à l'intérêt d'époque pour les enfants sauvages. On trouvera même les semi-anachronismes nécessaires au genre, parfaitement maîtrisés, quand le narrateur rêve d'un spectacle dégradant qui est le cinéma, ou qu'à Berlin un sbire qualifie des êtres humains de Stücke, « morceau » ou « pièce », référence directe aux camps nazis.

     Tout cela ne serait déjà pas rien, mais n'aurait guère sa place ici si la SF ne s'y ajoutait. Indubitablement. Au-delà de l'Histoire « secrète », des sociétés tout aussi secrètes identifiées par un Christ pour lequel une roue dentée remplace la croix, des interprétations du Roman de Renard en termes d'affrontement quasi-éternel, ou du conflit entre monarchies camouflant celui entre celles-ci et les « thermodynasties » industrielles. On voit d'ailleurs venir le steampunk, peu convoqué malgré des fusils à air comprimé, mais surtout on glisse vers l'uchronie quand Frédéric II de Prusse fait construire dans sa capitale une gigantesque version du Panopticon de Claude-Nicolas Ledoux et bouleverse la cité, bien avant que l'appendice déjà cité, une lettre de Maximilien de Robespierre, n'implique d'autres sérieux dérèglements historiques. Tout ceci aboutissant à certains des thèmes fondateurs du genre (robots, vies truquées, création et recréation du vivant ou de son imitation) traités à la manière d'une hard science d'époque, laquelle pourtant — Panopticon oblige — rencontrerait la littérature d'images chère à Pierre Stolze... Par ailleurs, références et clins d'œil ne manquent pas, d'un nom, Pierre-Franche, qui mérite d'être retraduit en allemand, jusqu'aux lois de la robotique réinventées et amoureusement inversées, en passant par Descartes précurseur du problème de Turing : là encore, on est fort agréablement en pays de connaissance.

     Il n'est peut-être pas nécessaire de préciser qu'entre roman d'aventure, pastiche, et thématiques chères aux amateurs de SF, on ne s'ennuie pas une seconde, et que l'écriture, l'intelligence, l'érudition, l'humour, la qualité dans le détail sont à saluer bien bas ? Avant de se précipiter dans la lecture, bien entendu, et au triple galop.

Éric VIAL (lui écrire)
Première parution : 1/12/2004 dans Galaxies 35
Mise en ligne le : 7/1/2009


     S'il me fallait dresser la liste des auteurs les plus enthousiasmants de la jeune génération française, il ne fait pas de doute qu'avec Catherine Dufour et, dans un registre différent, Thierry Di Rollo et Thomas Day, Xavier Mauméjean ferait partie du « carré magique ». Pourtant, si son premier roman, Les Mémoires de l'homme-éléphant (publié au Masque en 2000, lauréat du prix Gérardmer), laissait augurer du meilleur, c'est à ce jour, me semble-t-il, davantage dans le registre de la nouvelle que Mauméjean a fait montre de l'étendue de son talent (on se souvient de « La Faim du monde », in Bifrost 33). De fait, les trois romans qui suivirent L'Homme-éléphant, sans être dénués d'intérêts, n'ont que partiellement convaincus... Aussi, la sortie chez Mnémos de La Vénus anatomique, cinquième opus de notre homme — livre auquel il porte un intérêt tout particulier — fait-elle figure d'événement.

     Nous sommes au milieu du XVIIIe siècle, époque où l'exaltation culturelle, à la faveur des Lumières, préfigure l'exaltation politique... Le chevalier Julien Offroy de la Mettrie, médecin philosophe, coule des jours paisibles mais désargentés dans la bonne ville de Saint Malo. Jusqu'à ce qu'un étrange personnage vienne le quérir pour une non moins étrange mission, mission pour le service du roi que de la Mettrie devine ne pouvoir refuser. Le voici en route pour Paris, ville-phare, ville piège, où, en compagnie du biomécanicien Jacques Vaucanson et d'Honoré Fragonard (cousin du peintre), il se voit éclairé sur la nature de sa mission. Les trois comparses devront, à la cour berlinoise de Frédéric II, participer au plus curieux des concours, relever le défi le plus fou : créer le nouvel Adam...

     « — Léonard de Vinci affirme que si l'homme parvient à reproduire les merveilles naturelles, il est le petit-fils de Dieu.
     — Dans ce cas, je crains fort de faire pleurer grand-père. »

     Tel est l'enjeu posé aux personnages de cette Vénus anatomique : égaler la création divine, percer le mystère de la vie en créant un androïde, ni plus ni moins, une entité mécanique douée de conscience en plein XVIIIe siècle... Quant à l'ambition de l'auteur, considérable, elle se situe dans le cadre même de son choix historique, ce XVIIIe siècle restitué avec minutie, ce siècle de l'exultation intellectuelle, celui des révolutions de toutes sortes, de tous ordres, fondateur et ô combien... Car on l'imagine, la création de ce monstre de Frankestein ne va pas sans poser des problèmes techniques, mais surtout éthiques, religieux et philosophiques... Et Mauméjean de jouer le jeu d'emblée en signant son roman du nom de son narrateur, Julien Offroy de la Mettrie. Nous sommes donc ici, en quelque sorte, non pas en présence d'un roman « moderne », mais bien d'un récit sensé avoir été écrit dans un XVIIIe siècle qui, s'il est uchronique (ou plus précisément va le devenir...), n'en est pas moins diablement crédible. Un livre donc « à la manière de », une gageure, en somme, dont l'auteur se sort avec brio tout en déroulant une érudition constante, toujours bienvenue et riche de sens.

     Pratiquement, on retrouve ici le Mauméjean de L'Homme éléphant. Point ici de multiplication des points de vue, d'un feu d'artifices narratifs et d'une foison de péripéties à l'emporte-pièce. Le style est serré, certes maniéré (encore une fois, le narrateur vit au XVIIIe siècle) mais limpide, le texte souvent drôle, sagace et constellé de références... On s'amuse, donc, on apprend beaucoup (il y a ça et là des « tunnels » de dialogues aux dimensions philosophiques redoutables de pertinence), on reste sidéré parfois devant l'étendu du savoir ici présenté. Alors ?

     Alors voici un livre brillant, d'une maîtrise quasi-parfaite, d'une ambition indéniable... mais dont on s'interrogera sur la nature du public qu'il pourrait toucher, du fait même de la difficulté à le faire entrer dans une case ou l'autre de nos littératures de genres codées et stratifiées. Livre de science-fiction, uchronie, traité philosophique, voire historique ? Un peu de tout cela, sans doute. Mais quoi ? Je râle en permanence sur ces bouquins calibrés, construits pour un public donné, du grain pour les cochons... Mauméjean s'est fait plaisir, loin de toute contingence d'étiquette. Qu'on adhère ou pas à l'ambition du livre, à son projet (il faut tout de même avoir envie de se plonger dans les enjeux philosophiques soulevés, ce qui ne va pas de soi), on salue la prouesse, la liberté de l'auteur, sa maîtrise et le courage de son éditeur. Moi, il me semble que tout cela, par les temps qui courent, c'est éminemment bienvenu.

ORG
Première parution : 1/10/2004 dans Bifrost 36
Mise en ligne le : 25/11/2005

Prix obtenus
Rosny aîné, Roman, 2005


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