Berceau d'immortelles légendes, et parcourue d'étonnants vaisseaux, habitée du chant des dieux oubliés et de voix d'hommes engloutis, la Mer déploie à l'infini les lames des histoires qu'elle tire aux écrivains, et des contes qu'elle leur inspire.

     De galions espagnols en vaisseaux d'esclaves, d'îles jamais atteintes en navires fantômes, de rêves engloutis en épaves brisées, laissez ces chants de sirènes vous porter jusqu'aux voies les plus inattendues où la magie de la Mer demeure.

     En suivant le sillage de :

     Léa Silhol :

     À travers les visions capturées par un mystérieux peintre de marines.

     Claire Garand :

     Lorsque la mer devient réellement infinie.

     Kristine Kathryn Rusch :

     À la rencontre des pirates et de leurs pactes diaboliques.

     Esther M. Friesner :

     Lorsque les déesses qui veillent sur les marins sont des déesses jalouses...

     Julien Girault :

     Quand le fantastiques se cache dans les stations balnéaires.

     Jess Kaan :

     Quand la traite des hommes noirs hante les ponts des navires.

     Gary A. Braunbeck :

     Dans l'atmosphère des tavernes de marins et des histories qu'on y raconte.

     Et pour vous guider entre les îles fabuleuses des contes et de la littérature, les explorations de Valéries Frances, Jérôme Noirez et Léa Silhol, accompagnés d'une plongée dans une légende irlandaise du début de notre ère.

     L'ensemble illustré par les encres marines de Laurent Miny.

     Après nous avoir entraînés au pays des Sortilèges, puis dans celui des Rêves, Natacha Giordano, pour ce troisième Emblèmes qu'elle dirige aux éditions de l'Oxymore, choisit d'emmener voguer ses lecteurs sur les flots. Vaisseaux errants, îles au trésor égarées, divinités maritimes, sont les balises de cette anthologie au thème ambitieux. Ici, point de plage paradisiaque. D'ailleurs, la couverture signée Laurent Miny ne laisse pas de doute : sur un fond gris, un navire, toutes voiles déployées, lutte contre l'orage.

     Léa Silhol ouvre le recueil. Avec Le Vin des Naufrageurs, elle revisite la mythologie en compagnie d'un journaliste qui, « agressif comme un roquet et arrogant comme un coq », ose dire à Ogir, un peintre renommé spécialisé dans les représentations d'après-naufrages, que ses tableaux « sont faux » . Ogir rira et l'emmènera plus loin que n'ont été la plupart des hommes. Ce texte associe curieusement la tonalité tragique à l'anecdote amusante.

     Il est hélas bien difficile de passer après Léa Silhol dans une anthologie. C'est la mésaventure qui arrive à Claire Garand. Le Dernier souvenir du capitaine Teixeira. raconte dans un style un peu laborieux l'une de ces terribles histoires de marins, telles qu'on peut les rêver bien à l'abri à terre mais qu'on ne veut surtout pas vivre...

     Vient ensuite un extrait du Voyage de Máel Dúin, un ancien texte irlandais qui relate, à l'instar de L'Odyssée d'Homère, le long voyage d'un héros d'île en île. C'est, en effet, une des particularité de la collection Emblèmes que de proposer dans chacun de ses numéros un classique plus ou moins méconnu. Il est toujours intéressant d'observer l'évolution d'un thème au fil du temps ou, au contraire, la permanence de certaines structures.

     Kristine Kathryn Rusch, plus connue en France pour son cycle des Fey, est une nouvelliste hors pair, fréquemment publiée dans les pages de l'Oxymore. Beaucoup de ses histoires ont le bord de mer pour décor. Avec Tribut, la mer devient l'un des personnages principaux, et avec elle le brouillard. Quand l'environnement brouille les sens et l'entendement, les marins croient voir des choses dont ils ne parlent pas. Seul celui qui a pour tâche de lire et de censurer leurs lettres saura ce que tous ont dans le cœur. Une très belle nouvelle, à la fin surprenante et profonde.

     La Fiancée du Marin, d'Esther M. Friesner, raconte une histoire simple, une histoire d'amour et de jalousie, mais dont l'une des protagonistes n'est autre que Janaina, la déesse de la mer qui règne au large de Bahia. Que peut une simple mortelle contre une divinité ? Une femme réussira-t-elle là où Orphée a échoué ?

     Á la Reverse, de Julien Girault, ressemble aussi à une histoire d'amour, ou tout au moins d'amitié profonde, exclusive, fusionnelle. Là, seules deux filles sont en présence. Deux filles qui fuient les dragueurs de la plage pour ne se plaire que dans l'eau et le sable. Mais il faut manger, aussi...

     Jess Kaan, avec Triangulaire, aborde l'une des plus terribles pages de notre Histoire. Le capitaine Vanblinghem vient rendre compte à ses armateurs des étranges événements survenus sur la Pieuse Julie après le chargement d'une cargaison. S'il ne se présente pas comme un auteur engagé, Jess Kaan se plaît souvent à porter témoignage, ce qui ne l'empêche pas d'écrire du fantastique dans la plus pure tradition du Nord.

     L'histoire la plus émouvante de ce recueil est sans conteste Le Rêve ivre du capitaine Jim, de Gary A. Braunbeck. On connaissait l'auteur pour ses textes sombres et violents, comme par exemple Les dépouilles abandonnées des Hommes sans Sépulture, magnifique brûlot contre la cruauté, paru dans l'Emblèmes Polar orchestré par Sire Cédric. On le découvre ici dans un registre tout autre, tout de finesse et d'émotion, avec ce drame d'un homme dont la raison de vivre est de tenir la promesse faite à son épouse sur son lit de mort.

     Pour clore ce très bon numéro d'Emblèmes selon la tradition, deux articles signés Valérie Frances et Jérôme Noirez font le tour des Monstres et des Mythes Marins, et Léa Silhol propose une bibliographie sur le légendaire marin.