Un monstre doublement pernicieux ? promenant sur les mers à la fois le redoutable péril atomique et le potentiel d'une marée noire catastrophique, tel se présente aux yeux des écologistes angoissés le pétrolier géant à propulsion nucléaire Gargantua, bientôt surnommé par eux : Léviathan.
Or, cette créature infernale se révèle doublement bienfaisante ; d'abord, de par certaines vertus insoupçonnables de la désintégration atomique, ensuite à cause d'une propriété imprévue du poison visqueux qu'elle renferme en ses flancs.
Que les écologistes humbles et sincères me pardonnent ! Ce livre ne s'en prend qu'à ceux qui pratiquent le culte aveugle et immodéré de la mode et qui, surtout, sont incapables de concevoir une possible relativité du Bien et du Mal. Cette relativité est, je le crois, le thème que j'ai tenté d'illustrer dans la plupart de mes romans et de mes nouvelles. Je m'en aperçois aujourd'hui seulement. Il m'aura fallu vingt-cinq ans pour atteindre ce degré de lucidité.
Autour du Gargantua (personnage principal) s'agitent, c'est inévitable, quelques humains. je dirai simplement un mot de Mme Bach. Comme la plupart des héroïnes qui figurent dans mes derniers romans, celle-ci n'est guère féminine : c'est un cerveau. Sans doute faut-il voir là l'intérêt soutenu que j'ai toujours porté aux caractères exceptionnels.
Pour écrire, en ces temps d'écologisme à tout crin, dès les premièrespages d'un roman « Dieu nous préserve des écologistes ! », il faut avoir une passion féroce pour le paradoxe et la provocation, surtout lorsqu'on prend pour personnage principal du récit un monstrueux supertanker de 600 000 tonnes à propulsion nucléaire et qu'on le surnomme le bon Léviathan ! Et qu'il le devient réellement, l'eau de refroidissement du réacteur devenant miraculeuse, comme à Lourdes, et la marée noire qu'il provoque sauvant des dizaines de personnes !
Mais cette aimable fable ne doit surtout pas être prise au premier degré, l'auteur de La planète des singes ne se faisant pas l'apôtre de la marée noire ou des effluents radio-actifs, ni ne s'en prenant aux écologistes sincères. Ce livre, précise l'auteur, « ne s'en prend qu'à ceux qui pratiquent le culte aveugle et immodéré de la mode et qui, surtout, sont incapables de concevoir une possible relativité entre le Bien et le Mal ». Du travail d'équilibriste qui s'amuse à prendre le contre-pied de certaines idées reçues et qui, certainement, a dû irriter bon nombre d'écolos à la triste figure, ceux sans doute stigmatisés par Philippe Curval dans son excellente nouvelle Un kilowatt à pied, ça use, ça use... (Futurs n°2), car certaines vérités ne sont pas toujours bonnes à dire, surtout sur le ton de l'humour !
Mais attention à ne pas brouiller les cartes, malgré tout. Car si dégraisser la croisade écologiste de son mysticisme, de son manichéisme et de son fanatisme est chose salutaire, il ne faut pas oublier que le nucléaire et la marée noire ne sont pas des mythes pour enfants pas sages, analogues au Père Fouettard de notre enfance, mais des réalités tout ce qu'il y a de plus tangibles et inquiétantes.