« Elle a pour ainsi dire tué ma mère ; je le sais. Mais ce n'est pas sa seule victime. Elle vous suce. Je le sais. Et c'est ce qu'elle fera pour moi ; parce que je lui ressemble — à ma mère, je veux dire. Elle a tout simplement horreur de me voir en vie. »
Walter de la MARE
A moins de cinq mètres devant lui, une main humaine rampait sur le parquet. Il la regarda, sidéré. Elle se mouvait rapidement à la façon d'une chenille arpenteuse, ses doigts s'allongeant et se repliant alternativement. Le pouce, tel un crabe, paraissait entraîner le tout. La main atteignit un tournant et disparut. Il se précipita. Il ne la vit plus.
Après « la grande anthologie de la science-fiction » (qui est loin d'être enterrée puisque 24 autres volumes sont en préparation), voici, mais passée du Livre de Poche aux Presses de la Cité, celle du fantastique (modeste, elle ne comptera que huit volumes au total), dirigée conjointement par Jacques Goimard et Roland Stragliati. Très exactement copiée sur sa consœur (une quinzaine de textes par forts volumes de 400 pages accompagnés d'un solide bagage critique : préface générale, préfaces par thèmes, notices d'introduction, bio-bibliographie soigneusement documentée), cette série mérite les mêmes louanges de principe, mais souffre d'un handicap sérieux : la « vétusté » des récits (XVIII, XVIIIe et début de XXe siècle) fait que ces volumes sont sans doute plus réservés à des amateurs ou des spécialistes qu'au, tout venant du public — encore que cette opinion soit naturellement bien subjective. Il est vrai néanmoins que toutes les phases du récit fantastique (qu'il sort romantique, gothique ou naturaliste) ont fortement vieilli (bien que des classique comme Le Horla de Maupassant ou La bête à cinq doigts de William Harvey, entre autres, restent des modèles de suspense horrifique), et que les anthologistes auraient peut-être dû davantage piocher dans les récits modernes (dont la représentativité se borne à Matheson, Dorémieux, Owen). Ce qu'on appelle « l'insolite moderne », ça existe !