LA CHANSON DE L'OISEAU ÉTRANGER

     DANS l'œuvre si variée et si remarquable de Marcel Brion, contes et romans occupent une place à part : la place de l'imagination qui est, d'ailleurs, contrainte par les strictes disciplines de l'historien et de l'historien de l'art. Mais lorsque l'imagination de Marcel Brion s'abandonne aux appels du fantastique et de l'invisible, elle le fait avec cet acquiescement total au mystère que nous rencontrons également chez les romantiques allemands, et, plus près de nous, chez Rilke et chez Hofmannsthal, auxquels Marcel Brion est lié par d'anciennes et solides affinités. Cet explorateur des énigmes de la nuit a rencontré, dans les villes où le portaient ses caprices de grand voyageur, les rendez-vous avec l'inconnu qui l'attendaient pour se révéler à lui : la Gênes ignorée de LA FENÊTRE, l'Amsterdam de SIBILLA VAN LOON, les glaciers norvégiens des RENNES. Authentiques expériences du surnaturel, promenades hardies et dangereuses de « l'autre côté du réel », les contes de Marcel Brion constituent un exemple presque unique dans la littérature française d'une intimité avec le fantastique poussée jusqu'aux limites de l'ineffable. On se tromperait toutefois si l'on séparait complètement l'œuvre du conteur et du romancier, de ces grands livres que sont ROBERT SCHUMANN ET L'AME ROMANTIQUE, GŒTHE, LÉONARD DE VINCI. La connaissance des âmes complexes et des œuvres d'art a bénéficié aussi de cette faculté de communion avec le mystère des êtres et des choses, du réel et de ce que l'on appelle à tort l'irréel, que l'on retrouve si aiguë, si totale, dans LA CHANSON DE L'OISEAU ÉTRANGER.