Anne RICE Titre original : Interview with the Vampire, 1976 Première parution : États-Unis, New York : Alfred A. Knopf (Random House), mai 1976 Cycle : Vampires (chroniques des) vol. 1
Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang aura la vie éternelle...
De nos jours, à La Nouvelle-Orléans, un jeune homme a été convoqué dans l'obscurité d'une chambre d'hôtel pour écouter la plus étrange histoire qui soit. Tandis que tourne le magnétophone, son mystérieux interlocuteur raconte sa vie, sa vie de vampire. Comme l'interviewer nous nouslaissons subjuguer, fasciner et entraîner à travers les siècles dans un monde sensuel et terrifiant où l'atroce le dispute au sublime.
Véritable livre culte, « Entretien avec un vampire » renouvelle totalement l'un des mythes les plus riches et les plus ambigus du fantastique.
Anne Rice commence, il y a une quinzaine d'années, ce qu'elle croyait être « une courte nouvelle sur le thème du vampirisme ». Sa saga des vampires, poursuivie dans « Lestat le vampire » et « La reine des damnés » (Pocket), est l'un des monuments de la littérature de terreur et de la littérature, tout court.
Il est toujours étrange de lire quarante-cinq ans après un livre qui a connu un énorme succès, une adaptation cinéma, de nombreuses suites aux qualités assez variables, et dont on n’est pas le public visé. C’est donc plus avec curiosité qu’avec intérêt que j’ai enfin lu Entretien avec un vampire, le roman d’Anne Rice.
Est-ce vraiment utile de vous le résumer ? Louis, un vampire, raconte sa vie à un jeune homme qui l’enregistre de nos jours (enfin, les années 70) sur bande magnétique. Cette longue vie a commencé à la fin du 18e siècle dans une plantation de Louisiane, quand Louis a croisé Lestat, le vampire qui l’a transformé. Après avoir passé quelques décennies ensemble et ajouté à leur groupe Claudia, une enfant de cinq ans, Louis et Claudia se débarrassent de Lestat et partent en Europe à la recherche d’autre vampires. Ils y croiseront à Paris Armand et le théâtre des vampires.
On comprend dès les premières pages l’intérêt du roman : l’histoire est racontée par le vampire lui-même, contrairement aux récits précédents du genre où le vampire est l’antagoniste du narrateur. Cela fait de Louis un personnage complexe, passant de victime à meurtrier, réfléchissant et se plaignant de sa condition, à mi-chemin entre ses deux compagnons : Lestat, tueur sans état d’âme, profitant de son pouvoir au maximum, et Claudia, dont le seul but est de se venger de celui qui l’a vampirisé. Claudia, certainement le personnage le plus marquant du récit, à la fois par son jeune âge (encore une originalité du roman) et par son esprit en opposition avec son corps. Entretien avec un vampire est aussi un livre qui évoque ouvertement l’homosexualité de ses personnages : les relations entre Louis et Lestat ou Louis et Armand, entre autres, sont décrites sans ambiguïté. Enfin, Anne Rice finit de dépoussiérer le mythe en jetant aux oubliettes les histoires d’ail, de crucifix ou de pieu planté dans le cœur, notamment lors d’une séquence assez savoureuse en Transylvanie.
Pour autant, le livre n’est pas sans défaut : la narration adoptée, cet entretien entre Louis et le jeune homme, est parfois lourdingue ; Louis est un personnage qui subit et se plaint plus qu’il n’agit et certains passages, notamment la fin de la première partie à la Nouvelle-Orléans, trainent en longueur, quitte à sauter quelques paragraphes. Mais tout cela est secondaire et Entretien avec un vampire reste un roman marquant malgré ses faiblesses.