Voici les mémoires passionnantes — et hilarantes ! — d'un des plus grands noms de l'édition française de la fin du XXe siècle. Un des quatre grands qui ont donné ses lettres de noblesse à la science-fiction dans l'hexagone.
Dans cette autobiographie, Jacques Sadoul livre enfin ses souvenirs de 35 ans d'édition des littératures de genre, dont la création d'une collection SF chez J'ai lu. À travers des rencontres prestigieuses, des hasards saisissants et une foule d'anecdotes, il se fait chroniqueur d'une époque où tout était possible, car tout était à faire.
De plus, et pour la première fois, vous découvrirez les visages de vos écrivains préférés grâce à une galerie de portraits photographiques appartenant à la collection personnelle de l'auteur.
Si vous voulez entrer dans l'intimité des grands de l'édition et du roman populaire, rencontrer Barbara Cartland, Gotlib, van Vogt ou Stephen King, savoir comment les mangas sont apparus en France, qui étaient Jacques Bergier ou Frédéric Ditis, participer à la bataille de Librio... alors vous tenez entre vos mains la référence essentielle que tout fan de BD, passionné de SF ou apprenti historien se doit de posséder. C'est dans la poche ! est notre héritage, car nous sommes tous les enfants de Sadoul.*
* C'est sa femme qui va être surprise...
Jacques Sadoul est fou. Et vu sa carrière, c'était nécessaire. Né entre les deux guerres mondiales du siècle dernier, il passe sa vie à apporter un peu de fantaisie dans ce monde et à en capturer l'essence en bon photographe amateur qu'il est. Des mythiques éditions Opta aux éditions J'ai lu dont il a assuré la direction éditoriale pendant plus de 20 ans, ce bibliophile carnivore est également auteur de romans et d'essais : on lui doit entre autres la fabuleuse Histoire de ia science-fiction moderne.
Critiques
Confidences d'éditeur
Le coup de génie de Jacques Sadoul a été de lancer une collection de science-fiction chez l'éditeur J'ai Lu en omettant volontairement d'indiquer « SF » sur la couverture ! Ainsi, les acheteurs de tels livres lisaient parfois de la SF à leur insu et découvraient sans préjugés les grands auteurs du genre.
C'est une anecdote parmi d'autres révélées par Sadoul lui-même dans un livre autobiographique qui jette un regard en arrière sur trente-cinq ans d'activités dans le milieu de l'édition parisienne. Ces mémoires n'intéresseront pas seulement les passionnés de SF, mais aussi les fans de BD, car Sadoul — « inventeur » du mot « bulle » pour désigner les phylactères — s'est aussi montré très actif dans le domaine.
Rencontre avec de grands auteurs (Barbara Cartland, Stephen King), des personnages (Jacques Bergier), des éditeurs (Frédéric Ditis), le regard rétrospectif jeté par l'auteur sur sa carrière est riche de souvenirs et démystifie passablement le métier d'éditeur, la chance étant un des principaux moteurs de son succès dans la profession.
On évitera cependant les réflexions de Sadoul sur le sport et la politique. En la matière, il est resté provincial.
En 1970, les éditions J'ai Lu eurent la chance de publier les mémoires de Marcel Dassault — qui dépensa de sa poche en promotion quelque chose comme 400 fois ce que lui rapportèrent ses droits, aubaine pour un éditeur ! Mais le livre était bref au point de passer sous silence certains des faits les plus passionnants de la vie de l'avionneur. C'est dans la poche est bref aussi, écrit vite, gonflé de vingt pages de photographies d'auteurs de SF et de listes de films et de chansons à la mode dans chaque année envisagée. Quoique n'ayant jamais parcouru la prose de Tonton Marcel, je suis prêt à parier que celle de Tonton Jacques est bien plus drôle, et j'ai dévoré en un clin d'œil ces mémoires sans prétention (mais non sans coups de griffe).
Jacques Sadoul est très content de lui-même, multiplie les digressions, aime à rappeler qu'il a (par inadvertance) inventé l'usage du mot « bulle » pour désigner les « ballons » de la BD et fut intronisé « pape de la SF ». Il liste ses hauts faits éditoriaux, création des livres à dix francs, de la BD en poche, importation en France de Barbara Cartland et du bodice ripper... Circonstances atténuantes : un, ce qu'il raconte est sans doute vrai (même si, à en croire le chœur des auteurs, la sincérité doit chez les éditeurs constituer une sorte de faute professionnelle) ; les amateurs de SF ne peuvent oublier la création du CLA, puis de la série « SF » de J'ai Lu. Et deux, Sadoul ne se prend jamais trop au sérieux. C'est un fan, qui aime raconter des anecdotes sur les personnes célèbres qu'il a côtoyées (de la famille Flammarion au groupe II Était Une Fois !), avec un côté been there, done that que l'on pourra trouver agaçant. Il porte au crédit du hasard ses bons coups éditoriaux, le plus souvent mesurés à l'aune de leur succès de librairie. Sadoul ne croit à la littérature que populaire, et raille l'élitisme avec un brin d'insistance. Mais il raille aussi régulièrement les adeptes du marketing, car il éditait avec ses tripes plutôt qu'avec sa calculette, et réservait une place à ses passions. Ce qui, au bout du compte, vaut sans doute mieux qu'un brillant intellectuel, prêt pour réussir dans le commercial aux plus étonnantes compromissions, on en a connu.
Avouons-le, je suis un fan moi aussi, j'aurais aimé encore plus d'anecdotes et de bons mots douteux, j'ai tété la SF dans les années 70 avec les van Vogt, les Asimov et les Sturgeon qui paraissaient chez J'ai Lu, je me sens même envahi d'un sentiment de confiance atavique quand j'entends l'accent gascon de Sadoul. J'ai dévoré le livre, et je n'ose le recommander qu'aux passionnés du milieu SF. Mais qui sait ? L'ouvrage lui-même fourmille d'exemples de livres tenus pour invendables que Jacques Midas transforma en best sellers...
On ne présente plus Jacques Sadoul, éditeur qui travailla aux éditions OPTA où il fonda le Club du Livre d'Anticipation, avant d'entrer en 1968 chez J'ai Lu, où il restera jusqu'en 1999, date de son départ à la retraite. De par sa position, Sadoul a donc joué un rôle important pour la SF, car il faisait partie de ceux qui façonnèrent son évolution pendant 35 ans. Il avait déjà publié un ouvrage de référence sur le genre, « Histoire de la science-fiction moderne », dont le but était de dresser un tableau relativement objectif de ses origines, son développement et ses perspectives. Ici, il s'agit d'un livre de mémoires tout ce qu'il y a de plus subjectif, même si l'auteur sait rester factuel et donner par exemple des chiffres de vente. On a néanmoins davantage affaire à un catalogue d'anecdotes, mais qui au-delà de nous faire sourire (la visite à Barbara Cartland, par exemple, car il faut rappeler que Sadoul ne s'est pas contenté de publier de la SF), sont riches d'enseignements sur le milieu de l'édition en France. Bien sûr, l'auteur prêche un minimum pour sa paroisse — et il serait donc intéressant de confronter ce livre aux mémoires d'autres éditeurs — et ne se prive pas de piques envers les auteurs (Philippe Djian !), ses concurrents ou ses collaboratrices. Mais toujours dans un but de décortiquer l'édition, d'en faire davantage appréhender les arcanes à ses lecteurs. Qu'importe alors si Sadoul se laisse aller à de multiples digressions, ce sont elles aussi qui sont le sel de ce livre, et de toute façon le fil conducteur est toujours respecté, à savoir des années égrenées au rythme de ses coups de coeur musicaux, cinématographiques, BD... Et le lecteur quittera à regret ce livre gorgé de souvenirs, qui se lit d'une traite. A noter un cahier central de photographies issues de la collection privée de Sadoul, et dont nombre de fans auraient aimé ne prendre qu'un seul cliché avec leur propre appareil. Il est des existences plus monotones...