La Chasse Sacrée se classe dans la catégorie du fantastique médiéval avec chevaliers, sorcières et sortilèges en tout genre. L'ouvrage rentre dans le Cycle de Chalion composé précédemment par Le Fléau de Chalion, 2003, et Le Paladin des Âmes, 2004 (prix Hugo et Nebula 2005).
Le conte n'est pas à proprement parler une suite des précédents, mais après avoir lu ces deux ouvrages, on est, tout de même, mieux immergé dans le bain. Les cinq divinités sont bien là, les ordres religieux aussi. La sorcellerie, la notion de destin et de sortilège sont bien présentes. Il y a des lieux où les dieux ne vont pas. L'homme a sa liberté, même au passage à la mort. L'idée de la nécessaire purification de l'âme apparaît et il faut la satisfaire. C'est le moteur caché du récit. Et bien caché. Ne lisez pas à l'envers, ce serait dommage.
L'histoire se déroule dans des décors semi montagneux parmi les châteaux forts, les forêts denses et immenses, les torrents et les rivières, souvent dans la pluie, le froid et la brume. Les chevaux sont partout, c'est le moyen de locomotion le plus rapide dans une contrée à l'aspect moyenâgeux. L'atmosphère est bien posée avec de belles et précises descriptions des montures, de leur harnachement, des écuries, des chevauchées, des chariots. Lois aime le cheval qui a meublé sa jeunesse. L'architecture des bâtiments n'est pas négligée non plus.
Dans Endymion (de Dan Simmons) il y a une jeune fille Aeena dont le sang purifie les humains ; dans Hallowed Hunt, il y a aussi sang et purification, mais l'abstraction est différente. Les âmes ne rejoignent les dieux (ils sont cinq) que si elles sont pures ou purifiées après l'extinction de leurs enveloppes physiques. Il y a des « désignés » (chamane) qui peuvent « purifier » et les rites religieux permettent aux prêtres (Divin, Archdivin, Shaman...) de « voir » si l'âme s'échappe du corps. Heureusement l'histoire vient au secours de ce mysticisme en développant les affrontements de deux sociétés, l'une présente avec la religion, l'autre disparue dans de fabuleuses batailles ayant tourné au génocide deux ou trois siècles auparavant.
Le fil conducteur est constitué par un couple, bien adversaire au début et dont la cohésion amoureuse va se renforcer au travers des multiples difficultés qui vont surgir. Chacun des partenaires possède ses sortilèges. Ils ne sont pas très apparents et leurs pouvoirs ne s'exercent que sur des faits plutôt étrangers à la vie quotidienne. Au début les événements se déroulent normalement puis le bizarre apparaît sous la forme d'actes ou de symboles pas toujours explicites. C'est au fur et à mesure que le récit s'écoule que son aspect évolue par inflexions si souples qu'elles semblent naturelles. Il faudra atteindre la fin pour côtoyer des actes « surnaturels » qui se dérouleront dans une forêt « presque surnaturelle ». Ce n'est pas Brocéliande, mais....nous rencontrerons dans une bataille homérique — un chef de guerre auparavant humilié qui poursuit sa soif de revanche en occupant les enveloppes de ses descendants successifs — une armée de revenants qui attend depuis des siècles son roi et sa libération — des hommes-bêtes aux pouvoirs extraordinaires. Dans ce récit, reproduisant en quelques sortes les croyances de tribus anciennes, l'âme d'une bête peut voir sa puissance multipliée de génération en génération et conférer à son 'porteur' les sortilèges qu'il en attend.
Ainsi un prince utilise ce moyen illégal (sorcellerie) pour essayer de violer l'une de ses servantes, mais ce n'est pas n'importe quelle servante il se retrouve au sol, mort pour le compte. Le Héros, Ingrey (en gris, pourquoi en gris ? Je crois que Lois aime cette couleur) est chargé de ramener la servante Ijada (l'héroïne) devant le tribunal du comté. Ce ne sera pas sans nombre d'aventures palpitantes qui prendront la moitié du livre en nous instruisant aussi sur les mœurs de l'époque.
Enterrements, obsèques, temples, cérémonies funèbres et religieuses, conciliabules, complots en tous genres, visiteurs étrangers, de nombreux évènements nous attendent. La ville n'est pas trop grande et l'on y marche. Le Héros, bien introduit dans la famille royale (ce sont tous des contes) se paye de ces marathons dignes d'un athénien. Obligé de boire, soumis à des traquenards, il commence à s'en tirer avec ses dons. Le vieux roi The Hallow King va mourir. Qui va lui succéder physiquement parlant ? Où va aller son âme ?
Une chevauchée fantastique va suivre. Attention : Lois prend bien soin de tenir compte des contingences terrestres et physiques. Pas de sorcellerie pour parcourir un trajet, fort long ma foi. Elle respecte le nécessaire repos physique entre deux courses et les chevaux ne sont pas magiques. Cela apporte de l'intensité au récit qui ne demande, là, rien au fantastique. (Ces montures qui parcourent cent lieues en planant à mille mètres, quelquefois à la vitesse du son !) Elle a tout de même concédé à une cavalière, une résistance physique hors du commun. La chevauchée sera double, car les cavaliers fuyards, enfin le fuyard et ses deux accompagnants, sont poursuivis par une bonne troupe. C'est là qu'est le coup de maître : presque tous les personnages du roman se retrouvent pour assister, au bouquet final.
L'épilogue voit l'un de nos deux héros dire à l'autre : — Si nous voulons à jamais être des ancêtres et pas simplement des descendants, nous devrions peut-être retourner à ce lit de plumes.
Gérard BOUYER (lui écrire) (site web)
Critique déjà parue sur ce site
Parution sur nooSFere : 7/4/2010 Les Lyonnes de la SF
Mise en ligne le : 3/5/2010