New York, 1835. Archie Prescott, journaliste, vient de perdre sa maison, sa femme et sa fille Jane dans le grand incendie qui a ravagé la ville. Ce qu'il ignore, c'est que Jane a été sauvée des flammes par une sorcière mexicaine pour être offerte en sacrifice à d'antiques dieux aztèques.
Bien d'autres événements étranges sont en marche, entre autres au musée des Curiosités de Phineas T. Barnum, où gît une effrayante momie sur le point de ressusciter.
C'est en enquêtant pour le New York Herald qu'Archie va démêler les multiples fils d'un complot qui le conduisent, loin de la ville, à la fabuleuse caverne du Mammouth, un lieu empreint d'une magie puissante et très ancienne.
Alexander C. Irvine est né dans le Michigan. Diplômé de théâtre et d'anglais, il est aujourd'hui enseignant à l'Université du Maine. Nouvelliste brillant, il publie son premier roman, le Soleil du Nouveau Monde, en 2002, pour lequel il obtient les Locus et International Horror Guild Awards. Depuis, deux autres romans sont parus, One King, One Soldier et The Narrows. Alex Irvine est un descendant de Barnum à qui il rend un hommage étonnant dans ce roman !
Critiques
New York, décembre 1835. Riley Steen, surnommé Grand Chapeau par sa servante indienne, provoque l'incendie de la maison des Prescott afin de marquer la chair de leur fille Jane. L'enfant est destinée à devenir l'incarnation de Nanahuatzin le Buboneux, divinité aztèque qui doit être immolée pour faire advenir Tlaloc dont le nouveau soleil embrasera toute chose, afin que naisse un nouveau monde sur les cendres de l'ancien. Sept ans plus tard, Archie Prescott n'est plus qu'une loque. Depuis la mort de son épouse et de la petite Jane, ce typographe au New York Herald Tribune continue de vivre sans raison d'exister. Pourtant, une enquête à l'American Museum de Phineas Taylor Barnum va lui révéler les desseins de Riley qui, par l'entremise du Chacmool, momie précolombienne revenue à la vie, œuvre plus que jamais au retour de Tlaloc. Des bas-fonds de la cité tenus par le gang des Lapins Morts aux boyaux sans lumière de la caverne du Mammouth, Archie empruntera un chemin de douleurs, sillonnant l'Amérique afin de revoir sa fille qu'il n'avait jamais quitté du regard...
Il est des dictons communs dont on use sans se soucier de leur origine. Ainsi, « La beauté véritable est la beauté intérieure » est certainement le fait d'une personne laide, et un pauvre a dû dire le premier que « L'argent ne fait pas le bonheur ». Il faut être européen pour parler de « Rêve américain », singulière expression jamais déclinée au pluriel. Le roman d'Alexander C. Irvine décrit au contraire l'extrême complexité d'un pays qui autorise des songes antagonistes, désirs d'une nation unique que l'on ne souhaite pas de la même façon. Comment en effet concilier la ferveur religieuse de la Méso-Amérique, l'ardente foi d'un Cortès, le Libéria rêvé d'un esclave noir et l'éducation d'un New-yorkais « chrétien par accident du simple fait d'avoir grandi en Amérique » ? L'historien, parce qu'il se veut objectif, est impuissant à rendre compte de cet imaginaire foisonnant dont le sacré est la meilleure part. A l'inverse, l'écrivain le peut, à condition de s'en tenir à ce qui fait l'essence même de la littérature américaine : la road story et les mille métiers qui sont deux manières d'initiation. L'Amérique d'Irvine est un personnage à part entière, décrit du ciel par les dieux, en surface par le héros, des profondeurs par Stephen Bishop, esclave qui n'est libre qu'à condition d'être enfermé. Riley Steen et Archie Bishop ne cessent de bouger, en charrette, bateau ou train, accumulant les emplois : Grand Chapeau est dentiste itinérant, vendeur d'élixirs et montreur de marionnettes ; Archie sera typographe, employé de bar et marinier. Une éducation américaine qui rapproche les antagonistes, dans un récit où même les dieux sont en formation. Tlaloc évolue et les populations suivent, Mexicains, Canadiens français ou Indiens delaware qui participent tous du Greatest Show on Earth si cher à Barnum. L'auteur est prétendument un descendant du célèbre montreur, parenté accessoire comme on le dit d'un ustensile destiné à assurer le numéro. Exercice réussi puisque Le Soleil du Nouveau Monde est en tout point remarquable. Sacrifices aztèques et complot, on imagine sans mal le charclage qu'en aurait fait Graham Masterton, saucissonnage métronomique débitant l'horreur toutes les trente pages. Rien de tel chez Irvine, qui semble annoncer un nouveau courant littéraire, celui d'une « science humaine fiction », pendant historique et anthropologique à la hard science, loin du steampunk qui n'était qu'un faux départ. Une tendance que nous appelons de tous nos vœux, et dont Le Trône d'ébène de Thomas Day, à paraître au Bélial (en mai prochain), s'annonce comme l'un des plus beaux fleurons. Saluons enfin le travail de Luc Carissimo, ne serait-ce que pour la traduction des poésies sacrificielles, authentiques ou fictives :
« Le cœur du soleil palpite dans la coupe. Sa chair est l'ombre des fleurs. »