POCKET
(Paris, France), coll. Le Livre d'or de la science-fiction n° 5012 Dépôt légal : 1er trimestre 1978, Achevé d'imprimer : 5 mai 1982 Recueil de nouvelles, 384 pages, catégorie / prix : 4 ISBN : 2-266-00490-5 Format : 11,0 x 18,0 cm Genre : Science-Fiction
Titulaire du prix Hugo en 1969 avec La Main gauche de la nuit, Ursula Le Guin — née en 1929 — a réhabilité magistralement l'utopie à une époque où la science-fiction semblait hantée par la proximité du cataclysme écologique ou du cauchemar totalitaire. S'inspirant d'une conception relativiste du devenir humain, son oeuvre — qui est loin d'être achevée — met à profit les ressources d'une culture ethnologique exceptionnelle. Ses romans (le Monde de Rocannon, La Cité des illusions, Planète d'exil, Terremer, notamment), comme les nouvelles présentées dans ce volume, édifient des univers chatoyants où des personnages étrangement sereins s'essaient à tenir compte des autres, à respecter leur identité, à vivre ensemble tout simplement. Beaucoup d'études critiques ont mis en valeur l'importance novatrice de cette oeuvre visionnaire.
1 - Gérard KLEIN, Une définition de l'humanité, pages 7 à 25, préface 2 - Jean BAILHACHE, Remarques sur la traduction, pages 27 à 28, article 3 - Le Collier de Semlé (Semley’s Necklace / The Dowry of Angyar, 1964), pages 31 à 64, nouvelle, trad. Jean BAILHACHE 4 - Avril à Paris (April in Paris, 1962), pages 67 à 87, nouvelle, trad. Jean BAILHACHE 5 - La Règle des noms (The Rule of Names, 1964), pages 91 à 108, nouvelle, trad. Jean BAILHACHE 6 - Le Roi de Nivôse (Winter's King, 1969), pages 111 à 145, nouvelle, trad. Jean BAILHACHE 7 - Neuf vies (Nine Lives, 1969), pages 149 à 193, nouvelle, trad. Jean BAILHACHE 8 - Plus vaste qu'un empire (Vaster Than Empires and More Slow, 1971), pages 197 à 248, nouvelle, trad. Claude SAUNIER 9 - Étoiles des profondeurs (The Stars Below, 1974), pages 251 à 281, nouvelle, trad. Jean BAILHACHE 10 - Champ de vision (Field of Vision, 1973), pages 285 à 317, nouvelle, trad. Jacques POLANIS 11 - Le Chêne et la mort (Direction of the Road, 1973), pages 321 à 331, nouvelle, trad. Jean BAILHACHE 12 - A la veille de la révolution (The Day Before the Revolution, 1974), pages 335 à 360, nouvelle, trad. Jean-Pierre PUGI 13 - Ceux qui partent d'Omelas (The Ones Who Walk Away from Omelas, 1973), pages 363 à 373, nouvelle, trad. Henry-Luc PLANCHAT 14 - (non mentionné), Bibliographie d'Ursula Kroeber Le Guin, pages 375 à 381, bibliographie
Dans sacollection de SF aux Press pocket, J. Goimard n'a jusqu'ici commis aucune erreur : œuvres bien choisies, illustrations correctes, présentations soignées. Aussi est-ce avec attention qu'il convient de suivre le lancement de cette seconde collection qui s'intitule Le livre d'Or de la SF, et dont le premier volume, consacré à Le Guin, indique les choix. Il faut dire que l'idée est séduisante : les titres de SF déferlent et s'accumulent ; les amateurs ne peuvent plus tout lire : pas le temps, pas assez d'argent. Ce ne serait pas dramatique si on pouvait choisir, dans ce magma. Cela devient impossible : les libraires les plus compétents ne peuvent, eux non plus, guider le lecteur, et pour les mêmes raisons : on ne peut tout lire. Les critiques ? Disons que d'une part elles sont relativement rares et les ouvrages critiqués ne constituent qu'une infime partie de ce qui est édité. D'autre part, elles arrivent comme les carabiniers, bien après la bataille. Enfin, elles sont presque systématiquement bienveillantes, sinon qu'est-ce qu'on entend ! J'en ai encore les antennes qui vibrent ! Résultat : les amateurs se désolent, même si les ventes se maintiennent par l'afflux d'un public éclectique. Mais ce qui donnait à la lecture de la SF un charme particulier, cette connivence, cette appartenance à une « subculture » cela tendait à disparaître. Il était donc tentant de proposer un nouvel objet qui à la fois vise les amateurs et permet au public éclectique de prendre goût à la SF par des textes de qualité, à un prix très abordable. Un produit à garanties multiples. Pour ce volume, les garanties sont quadruples. L'auteur, Ursula Le Guin, n'a encore jamais déçu : l'amateur n'a pas oublié La Main Gauche de la Nuit ou Les Dépossédés(Laffont) : un univers profondément neuf. Certaines nouvelles de ce recueil y renvoient explicitement : Ceux qui partent d'Omelasqu'avait déjà présenté Planchât dans sa Frontière Avenir(Seghers). D'autres renvoient à la trilogie publiée par le CLA Le sorcier de Terremer, d'autres, enfin sont inédites en français et enrichissent notre compréhension de ces mondes. J'ai trouvé un ton au-dessous de l'ensemble la première nouvelle publiée de Le Guin — Avril à Paris — mais son intérêt historique justifie sa présence. Pour le reste c'est presque toujours un enchantement. Le recueil est présenté par G. Klein, dont on n'a pas oublié Malaise dans la SF (FICTION N° 285, pour le CR). Sa situation d'U. Le Guin dans les divers possibles de la SF américaine est exemplaire : c'est un des rares auteurs qui refusent de se laisser enfermer dans le ressassement nostalgique de l'âge doré, tout comme elle refuse le nouveau credo du « no futur ». Une bibliographie complète, dans les deux langues, portant à la fois sur les œuvres de fiction et sur les essais, permet à l'amateur de se mettre à jour, au profane de commencer sa quête. Enfin, les traducteurs sont remarquables : voir l'accord rendu en notre langue entre le thème de la nouvelle et l'impression de tristesse que la musicalité de la phrase rend perceptible dans la dernière nouvelle du recueil, par exemple. Donc, même si tous les textes ne sont pas inédits en français, un recueil dont l'achat se justifie amplement. Cela étant, et le plaisir de lecture acquis, je me demande si c'est — comme le propose Klein — « parce qu'elle est femme et que comme telle l'affirmation obsessionnelle de la puissance du phallus la concerne peu » que Le Guin peut proposer ce monde neuf « sans principe central, sans domination » et suggérer ainsi « une culture des femmes a-centrique, tolérante ». Moins que ces infrastructures et ces axes idéologiques, ce qui me touche c'est une qualité d'émotion, un bonheur d'écriture que j'ai du mal à mettre en relation avec l'appartenance de l'auteur à un sexe plutôt qu'à un autre. Non que le problème de la SF « féminine » ne puisse se poser : on connaît les anthologies de P. Sargent Femmes et Merveilles (Denoël) et de M. Leconte Femmes au futur (Masque) ; comme les réflexions menées par Monique Battestini, qui a participé à l'Ecole Normale Supérieure au mois de février à des débats sur le sujet. La lecture du recueil de Le Guin vous permettra peut-être de consolider votre opinion là-dessus. Ce n'est pas son moindre charme.