La main de Xanetia l'effleura ; il poussa un cri d'horreur, un hurlement atroce qui mourut dans un râle. il regarda bouche bée, les yeux exorbités, la forme aveuglante qui venait de la toucher, mais ce fut bref.
Après cela, son expression fut impossible à distinguer. Sa chair se liquéfia, coula comme une bougie, changée d'un coup en un liquide sanieux. Ses joues et ses lèvres dégoulinèrent sur son menton, sa mâchoire tomba. Il voulut crier encore, mais la putréfaction avait atteint sa gorge, et sa bouche dépourvue de lèvres n'émit qu'un gargouillis. La chair glissa le long de son bras, dénudant les os, et sa main de squelette laissa échapper sa dague.
Ses jambes le lâchèrent ; le résidu visqueux de ce qui avait été sa peau, ses nerfs et ses tendons ruissela sur ses vêtements.
Le cadavre pourrissant s'affaissa sur le sol tapissé de feuilles mortes où il continua de se désagréger. Inexorablement, la malédiction de Xanetia poursuivait son œuvre.
Difficile de rendre justice au livre de David Eddings sans évoquer quelque peu le titre anglais du roman. En effet, l'expression the Shining Ones sert à désigner une catégorie d'êtres mythologiques présents aussi bien dans les mythes égyptiens que dans la philosophie druidique ou les rites hindouistes et bouddhistes (les Devas). ils désignent tantôt des êtres humains supérieurs, ayant atteint l'illumination, tantôt des êtres surnaturels et infernaux. Par le choix de ce titre, David Eddings manifeste une fois de plus sa volonté de ressusciter les vieilles légendes et d'envoyer ses héros se battre contre des mythes redevenus vivants. Et, de fait, ce livre comporte une fois de plus toute la panoplie du parfait petit livre d'héroïc fantasy, au point que l'on finit par avoir l'impression de se trouver dans un scénario de jeu de rôles.
L'idée des Delphae aurait pourtant pu apporter beaucoup de profondeur au roman. Ennemis héréditaires des Styriques depuis la nuit des temps, ils donnaient l'occasion d'explorer davantage les problèmes de la foi religieuse dans les rapports entre les êtres humains. Hélas, le couple Xanétia-Séphrénia, qui promettait quelques oppositions homériques, reprend trop vite le schéma classique des romans de David Eddings. Certes, Séphrénia va beaucoup bouder, beaucoup pleurer et même provoquer la colère de sa petite déesse, mais cela n'aura qu'un temps. Un peu comme Lelldorin et Mandorallen dans la Belgariade, il suffira de découvrir que la vieille querelle ne repose en fait que sur d'ignobles calomnies pour que nos deux ennemies héréditaires deviennent rapidement copines comme cochons. Une haine ancestrale un peu vite oubliée, quand l'on pense que, dans la réalité, il faut à cela une multitude de générations.
De la même manière, la « transformation » par Ehlana du roi-fantoche de Tamoulie, Serebian, en un monarque avisé et sûr de lui tourne vite à la farce, donnant l'occasion à David Eddings de vanter la force politique des tortillements de popotin et des roulements de hanches (idéaux pour distraire les gardes et faire passer des messages secrets) et de mettre quelques « bons mots » supplémentaires dans la bouche des différents protagonistes. Des artifices féminins comme moyen de gouvernement... la reine Layla de la Belgariade et de la Mallorée nous en avait déjà appris un rayon dans ce domaine. Bref, tout cela sent le déjà-vu à plein nez et en fin de compte, finit même par ne plus être très drôle. On se surprend à sauter des pages et à feuilleter le livre pour en arriver plus vite à la fin.
Pour conclure, le tome 2 de la Trilogie des Périls est du « made in Eddings » pur jus. On peut donc l'aimer dans deux cas : si l'on est un fan incorrigible du Monsieur, ou s'il s'agit du premier cycle que l'on lit de lui. Éventuellement du deuxième. Mais si l'on a déjà lu la Belgariade, la Mallorée, Belgarath, Polgara et la Trilogie des Joyaux, on peut légitimement éprouver un certain sentiment de lassitude devant ce manque de renouvellement.