Fredric BROWN Titre original : Honeymoon in Hell, 1958 Première parution : New York, USA : Bantam Books, août 1958ISFDB Traduction de Jean SENDY Traduction révisée par Thomas DAY Illustration de LAUDATOR
GALLIMARD
(Paris, France), coll. Folio SF n° 280 Dépôt légal : juin 2007, Achevé d'imprimer : 2 juin 2007 Réédition Recueil de nouvelles, 368 pages, catégorie / prix : F7b ISBN : 978-2-07-034272-3 Format : 10,8 x 17,8 cm✅ Genre : Science-Fiction
En 1962, l'humanité est au bord du gouffre. La guerre froide tend sérieusement vers le chaud et voilà que ne naissent plus que des filles. Ray Carmody va devoir accepter une mission sur la Lune d'un genre un peu particulier, mais si c'est pour sauver la race humaine... Al Hanley, alcoolique invétéré, va, lui aussi, mais sans le faire exprès, sauver la Terre d'un bien funeste destin. Les extraterrestres de la planète Dar n'en reviennent toujours pas !
Le professeur Braden est enfermé, seul, depuis trente ans, à l'intérieur du dôme anti-atomique qu'il a inventé. Osera-t-il enfin en sortir ? L'humanité aura-t-elle survécu à l'apocalypse ? Il aimerait tant ne pas mourir seul.
En une vingtaine de nouvelles, Fredric Brown parvient à faire rimer science-fiction et humour. Il prouve, une fois de plus, qu'il est un maître de la forme courte.
Fredric Brown (1906-1972) a exercé à peu près tous les métiers avant de débuter dans la littérature par des romans policiers. Ses nouvelles, très nombreuses et aussi côtées que ses romans, sont de petits bijoux d'humour et d'invention qui le placent parmi les auteurs cultes de la science-fiction américaine.
1 - Lune de miel en enfer (Honeymoon in Hell, 1950), pages 11 à 72, nouvelle, trad. Jean SENDY rév. Thomas DAY 2 - Rien ne cerf de courir (Too Far, 1955), pages 75 à 77, nouvelle, trad. Jean SENDY rév. Thomas DAY 3 - Un homme de qualité (Man of Distinction, 1951), pages 81 à 96, nouvelle, trad. Jean SENDY rév. Thomas DAY 4 - Une chance sur plusieurs milliards (Millennium, 1955), pages 99 à 100, nouvelle, trad. Jean SENDY rév. Thomas DAY 5 - Le Dôme (The Dome, 1951), pages 103 à 118, nouvelle, trad. Jean SENDY rév. Thomas DAY 6 - Du sang (Blood, 1955), pages 121 à 123, nouvelle, trad. Jean SENDY rév. Thomas DAY 7 - Galerie de glaces (Hall of Mirrors, 1953), pages 127 à 139, nouvelle, trad. Jean SENDY rév. Thomas DAY 8 - Expérience (Experiment, 1954), pages 143 à 145, nouvelle, trad. Jean SENDY rév. Thomas DAY 9 - Le Dernier martien (The Last Martian, 1950), pages 149 à 164, nouvelle, trad. Jean SENDY rév. Thomas DAY 10 - En sentinelle (Sentry, 1954), pages 167 à 169, nouvelle, trad. Jean SENDY rév. Thomas DAY 11 - Une souris (Mouse, 1949), pages 173 à 193, nouvelle, trad. Jean SENDY rév. Thomas DAY 12 - Géométrie plane (Naturally, 1954), pages 197 à 199, nouvelle, trad. Jean SENDY rév. Thomas DAY 13 - Vaudou (Voodoo, 1954), pages 203 à 205, nouvelle, trad. Jean SENDY rév. Thomas DAY 14 - L'Arène (Arena, 1944), pages 209 à 260, nouvelle, trad. Jean SENDY rév. Thomas DAY 15 - Entrée interdite (Keep Out / Keep Off, 1954), pages 263 à 269, nouvelle, trad. Jean SENDY rév. Thomas DAY 16 - La Première machine à voyager dans le temps (The First Time Machine, 1955), pages 273 à 275, nouvelle, trad. Jean SENDY rév. Thomas DAY 17 - Les Dieux en rient encore (And the Gods Laughed / The Earring Gods, 1944), pages 279 à 304, nouvelle, trad. Jean SENDY rév. Thomas DAY 18 - L'Arme (The Weapon, 1951), pages 307 à 313, nouvelle, trad. Jean SENDY rév. Thomas DAY 19 - Un mot de notre Direction (A Word from Our Sponsor, 1951), pages 317 à 347, nouvelle, trad. Jean SENDY rév. Thomas DAY 20 - Bruissement d'ailes (Rustle of Wings, 1953), pages 351 à 360, nouvelle, trad. Jean SENDY rév. Thomas DAY 21 - Imaginez (Imagine, 1955), pages 363 à 364, nouvelle, trad. Jean SENDY rév. Thomas DAY
Il n'y a rien, dans ce volume, qui puisse surprendre le lecteur connaissant déjà Fantômes et Farfafouilles, le précédent ouvrage de Fredric Brown paru dans la même collection. Rien, non plus, qui puisse décevoir celui qui a aimé ce remarquable recueil de récits où l'imagination de Brown, saugrenue et scintillante, se donnait libre cours…
Cet ouvrage, publié aux États-Unis en 1958, est de trois ans antérieur aux Fantômes et Farfafouilles qui le précédèrent auprès du lecteur français. Les récits qui le composent parurent dans divers magazines entre 1943 et 1955, le court roman qui donne son titre au livre ayant été un des meilleurs textes publiés par Galaxy au cours de sa première année d'existence.
Ce récit appelle d'ailleurs le principal reproche que l'on puisse adresser à ce livre – dans sa version française. Le mot hell signifie enfer en anglais ; en allemand, c'est un adjectif qui veut dire clair. En cette dernière qualité, il est un nom propre qu'on rencontre parfois dans les pays germaniques. Il y eut en particulier, au XVIIIe siècle, un astronome austro-hongrois qui s'appelait Maximilian Hœll ou Hell, et qui donna son nom à un cirque lunaire dans lequel Fredric Brown situe un épisode de son récit. Le jeu de mots, en anglais, est simple et amusant, mais il est évidemment intraduisible en français. On a cependant jugé opportun de le traduire tout de même, et il a fallu pour cela inventer un astronome au nom improbable de Maximilien Enfer. L'effet est médiocre. Mais, dira-t-on, comment intituler le livre en ce cas ? En choisissant le titre d'une des autres nouvelles, tout simplement ; il en est deux, au moins, qu'on eût vu sans difficulté sur la couverture d'un livre : Ledernier Martien et Bruissement d'ailes.
Mais une fois faite cette critique, on ne peut que complimenter Jean Sendy pour le soin avec lequel il a préparé cette version française. Il a même poussé la conscience professionnelle jusqu'à inventer un jeu de mots dans sa langue pour rendre, sous le titre fort logique de Il ne faut pas pousser grand'mère, le récit que Brown appela Too far (c'est-à-dire Trop loin). Et il donne d'ailleurs le texte original anglais de celui-ci.
Ainsi qu'on le sait, Fredric Brown est un écrivain qui ne se préoccupe guère d'imaginer minutieusement des sociétés futures, ni d'adresser des avertissements plus ou moins solennels contre les méfaits possibles de la science. Si l'on se rappelle qu'il écrit également des récits policiers d'une excellente venue, on comprend sans peine qu'il cultive très simplement l'histoire pour elle-même – ou, plus précisément, pour sa fin. Il est l'homme des surprises et des retournements, des débuts inattendus et des conclusions à l'emporte-pièce. C'est pourquoi il a su écrire, mieux que tout autre écrivain de science-fiction, de ces récits ultra-courts dont Fantômes et Farfafouilles contenait plusieurs échantillons savoureux.
Ces derniers sont moins nombreux dans Lune de miel en enfer, mais tout aussi savoureux en général. Il ne saurait être question de les résumer, mais on notera la variété des personnages qu'ils mettent en scène. Le démon qu'un étudiant peu doué appelle à son secours (Cela va de soi), l'inventeur de La première machine à temps, un autre – mais oui – inventeur d'une autre première machine à temps (Expérience), la Sentinelle qui participe à une sinistre guerre cosmique, les deux vampires qui cherchent Du sang, ce sont là quelques représentants caractéristiques de ce monde brownien qui touche à la fois au fantastique et à la science-fiction.
Le court roman qui donne son titre au livre montre le talent avec lequel Fredric Brown unit des thèmes familiers – un problème en génétique, un calculateur électronique omniscient et l'exploration spatiale – pour en faire un ensemble qui possède ce pouvoir de choc dont aucun autre auteur de science-fiction ne détient exactement le secret. Bien sûr, il y a l'effet de chute final qui donne un plaisir particulier à la découverte d'un tel récit, mais l'art avec lequel chaque élément s'enchaîne dans l'ensemble fait que l'on éprouvera une satisfaction tout aussi réelle lorsqu'on le relira. Car, à n'en pas douter, on le relira : la vitalité de ces récits est aux antipodes de la prétention compassée d'un exercice de style.
Le talent de Fredric Brown est à l'aise dans des genres très différents. Qu'il s'agisse du récit d'aventures intitulé Arène ou de l'image plausible et effrayante des martiens « synthétiques » d'Entrée interdite, du quotidien inquiétant de Bruissement d'ailes ou de Galerie de glaces, variation sur le thème du voyage dans le temps, l'écrivain sait choisir son début, son style, ainsi que le ton à employer et le rythme à observer. Il n'en devient jamais l'esclave, mais les subordonne tout au contraire à l'histoire qu'il veut raconter.
Que Fredric Brown possède d'autre part le secret permettant de tirer un parti considérable d'une substance très mince, la très divertissante nouvelle intitulée Un mot de la Direction est là pour le prouver. Le sujet relève du fantastique. Un beau jour, tous les émetteurs du monde annoncent brusquement, au milieu des programmes habituels : – Et maintenant, un mot de la Direction.
Puis, une autre voix lance un seul mot, effectivement, qui est un ordre : – Bagarrez.
L'histoire raconte, très simplement, la façon dont chacun se rebiffe, se refuse à recevoir des ordres, qu'il s'agisse de deux matelots dans un pub de Brisbane, Australie, ou des dirigeants des Grandes Puissances de ce monde qui « était au bord de la guerre. Oui, il avait été au bord de la guerre depuis des années, mais cette fois les orteils dépassaient le bord et il commençait à vaciller dangereusement ». La guerre n'éclatera pas, et la façon dont elle n'éclate pas forme un récit divertissant et qui, peut-être, ne manque pas de profondeur derrière son ton badin. C'est une des rares fois où Fredric Brown fait très discrètement la leçon, mais il ne cesse pas d'intéresser le lecteur par son histoire pour autant.
C'est là, en fin de compte, le but ultime qu'il recherche. Accessoirement, il serait possible de mettre en lumière l'optimisme foncier de Brown, optimisme que quelques récits sombres (comme En sentinelle, Et les Dieux rirent et surtout Entrée interdite) ne suffisent pas à masquer : l'homme vaincra l'espace, affirme-t-il, comme il saura vaincre la part de destructeur qu'il a en lui ; c'est une excellente raison pour ne pas perdre l'habitude de s'émerveiller, ni celle de sourire.
Le niveau de ces récits constitue, d'autre part, une raison nouvelle de respecter le talent de Fredric Brown.
Demètre IOAKIMIDIS Première parution : 1/10/1964 Fiction 131 Mise en ligne le : 1/12/2023