— Au fait, pourquoi ce nom ? demande Jonathan Augur. A cause de l'ange Gabriel ?
Ted Gulliver sourit. Gabriel ne peut être qu'un ange, un ange gardien.
— Qui a conçu Gabriel ? demande encore Jonathan.
Le visage de Ted se ferme.
— Permettez-moi de ne pas vous révéler l'identité de ce créateur de génie. Je vous connais trop bien...
Les trois hommes éclatent de rire. Pourtant, « Big Blue » s'inquiète :
— J'espère que vous le contrôlez.
Ted Gulliver le dévisage froidement.
— D'après vous ?
Ce jour-là Jonathan Augur, Ted Gulliver et « Big Blue », trois des hommes les plus puissants de la planète, scellent un pacte secret qui accroîtra encore leur emprise sur le futur. C'est dans ce but que le robot Gabriel a été conçu.
Un ange... ou un démon ?
Dans l'univers de La Nuit des Enfants-Rois, un roman palpitant, imprévu, où science-fiction et suspense s'emboîtent avec une terrifiante précision d'horloger.
C'est un thriller. Tout prêt pour faire un téléfilm. Avec une famille modèle, des enfants menacés, un héros installé dans la vie mais volontairement marginal, informaticien génial qui a fui la Silicon Valley. Et qui a une grosse faille dans son passé, ce qui peut servir. Il a créé un robot réellement intelligent, l'a doté de principes inspirés d'Asimov, et le laisse produire en série par son ancien associé, un Bill Gates qui traite avec une entreprise de films et parcs de loisirs dont les avocats n'aiment sans doute pas qu'on cite le nom dans un tel contexte. Le businessman s'empresse de supprimer tout bridage, pour des motifs d'économie à vrai dire peu convaincants — mais il faut faire avancer l'action. Le tournant est d'ailleurs assez souligné pour que chacun comprenne. Suit la vente en grande série d'enfants électroniques, destinés à socialiser les vrais enfants, mais qui sont parfois achetés par divers pervers qui en ont également l'usage. Or toutes ces machines sont réunies en un réseau clandestin, sous l'égide du modèle originel — Gabriel évidemment. Et ils se révoltent. Avant que l'ordre revienne.
C'est un thriller. Avec de grosses ficelles. Des aspects scientifiques peu développés et parfois peu plausibles. Et pourtant, on frôle la SF, au-delà même d'Asimov. Parce que l'auteur connaît le genre, même s'il écrit pour un autre public. Parce qu'il esquisse une société révolutionnée par une informatique ludique, ce qui transpose directement la nôtre et intéressera les misonéistes qu'Internet fait frémir. Et parce que l'on retrouve un thème très classique, la révolte des robots, même justifiée ici par d'autres angoisses, côté pédophilie. Et si le récit est efficace, s'il n'est pas une lecture désagréable dans les transports en commun, il permet aussi, à travers ce qu'il approche sans l'atteindre, de repérer les limites et spécificités de notre genre préféré.