Légèrement hypocondriaque, un poil névrosé, Charlie Asher est un type tout ce qu’il y a de plus normal. Il est ce qu’on appelle un mâle bêta. Vous savez ? Le genre à traverser la vie dans les clous, toujours là pour tendre un Kleenex à celle qui s’est fait larguer par une grosse brute de mâle alpha.
On peut dire que Charlie a eu de la chance. Propriétaire d’un immeuble au cœur de San Francisco, il tient un magasin d’articles d’occasion en compagnie de deux fidèles employés atypiques et barjos. Il a épousé Rachel, une brillante et jolie femme, qui l’aime pour sa normalité et s’apprête à accoucher de leur premier enfant.
Pour un mâle bêta, Charlie s’en sort bien. Enfin... jusqu’à la naissance de Sophie. Exténué par l’accouchement, celui-ci découvre la présence d’un étranger habillé en golfeur près du lit d’hôpital de Rachel, un type qui prétend que personne ne peut le voir — et pourtant, Charlie, le voit bel et bien.
À partir de là, c'est toute son existence qui va déraper... Des gens commencent à tomber raides morts autour de Charlie, des corbeaux géants viennent se percher sur son immeuble, des murmures lui parviennent depuis les profondeurs des égouts, les gens dont le nom apparaît mystérieusement dans son agenda meurent dans la foulée. Car Charlie Asher a été recruté malgré lui pour endosser le rôle de la Mort. Un sale boulot, certes, mais quelqu’un doit bien s’en charger.
Christopher Moore affûte son humour décapant sur un thème qui nous concerne tous : la mort et ceux qu’elle guette du coin de l’oeil. Humanité et hilarité garanties pour un texte qui a valu à son auteur le Quill Award 2006 du meilleur roman.
« Si jamais il y a un auteur plus drôle dans le coin, qu'il s'avance d'un pas. »
Playboy US
Critiques
Deuxième Christopher Moore publié dans la très recommandable collection « Interstices » (après Le Sot de l'ange, cf. critique in Bifrost 45), Un sale boulot prolonge des thèmes déjà explorés par l'auteur dans L'Agneau (disponible chez Folio « Policier »). Dieu tout-puissant et arbitraire, sens de la vie, nature de la mort, absurdité de l'existence, humour et émotion, tout est là ou presque, dans un registre toutefois plus léger et sans doute beaucoup plus personnel. Toujours attaché à des personnages curieusement crédibles, compte tenue de leur nature éminemment fictive (et dont certains évoluent avec bonheur de romans en romans), Christopher Moore navigue ici entre sérieux et comique, parfois avec succès, parfois avec lourdeur. A force de ne plus vraiment savoir où il va (un défaut flagrant dans Le Secret du chant des baleines, cf. critique in Bifrost 44), l'auteur se perd en route, un défaut qui ne doit toutefois pas faire oublier la très bonne tenue de l'ensemble et certains passages d'anthologie. Le thème, d'ailleurs, est un festival à lui tout seul. Charlie Asher a tout pour être heureux : une gentille femme enceinte, un gentil travail et tutti quanti, mais Dieu en décide autrement. La femme de Charlie meurt en couches et le moins qu'on puisse dire, c'est que l'heureux papa d'une charmante petite fille démarre plutôt mal sa paternité. D'autant qu'il a vu un type étrange penché sur sa femme juste avant son trépas. Un type étrange que personne n'a remarqué. Ni le personnel soignant, ni les caméras de surveillance pourtant installées un peu partout. Mais la vie continue comme elle peut et bientôt, Charlie passe à une nouvelle étape de l'existence. Il se rend peu à peu compte que les objets vendus dans son magasin d'occasion servent en fait de véhicules spirituels aux âmes avant le grand départ. Grâce à un livre de magie noire subtilisé un temps par une vendeuse gothico-maniaque toute déçue de ne pas être choisie par l'Etre Suprême, Charlie finit par comprendre le rôle que Dieu himself lui réserve sur Terre : la Mort. Couic. Ceci étant, le mythe est dépassé. D'abord parce qu'on ne manque pas de travail et qu'il y a donc plusieurs Morts à l'œuvre sur notre bonne vieille planète, ensuite parce qu'il existe une sorte de police mortuaire, d'affreux démons cannibales bien décidés à bouffer tout cru (famille comprise) toute Mort trop peu productive dans son travail. Charmant, donc...
Curieusement mystique sur la fin et probablement plus profond et douloureux que ne le laisse supposer son apparente légèreté, Un sale boulot est un honnête Christopher Moore. Même si certains défauts sont trop visibles pour convaincre totalement le lecteur (remarque qui s'applique aux trois derniers bouquins de l'auteur, ce qui commence à agacer), force est de reconnaître que Moore a le sens du dialogue et reste capable de construire des situations si tragicomiques qu'il est bien difficile de ne pas dévorer son petit dernier vite fait bien fait. Bref, si ce roman n'est sans doute pas son meilleur, il ne fait qu'augmenter notre envie de voir le reste de son oeuvre traduite au plus vite sous nos longitudes.