J'ai lu Papini et je l'ai oublié. Sans m'en douter, je me comportais de la manière la plus sagace — peut-être l'oubli est-il une forme profonde de la mémoire. Quoi qu'il en soit, je veux rapporter une expérience personnelle. À présent, en relisant ces pages si lointaines, je découvre en elles, avec reconnaissance et stupéfaction, des fables que j'avais cru inventer et que j'ai élaborées de nouveau à ma façon en d'autres circonstances de l'espace et du temps. Plus importante encore, la découverte d'un climat en tout point identique à celui de mes fictions.
1 - Jorge Luis BORGES, Introduction, pages 9 à 13, introduction, trad. Corinne HERNANDEZ 2 - Le Miroir qui fuit (Lo specchio che fugge, 1906), pages 17 à 25, nouvelle, trad. Nino FRANK 3 - Deux Images dans une conque (Due immagini in una vasca), pages 27 à 38, nouvelle, trad. Nino FRANK 4 - Histoire totalement absurde (Storia completamente assurda), pages 39 à 49, nouvelle, trad. Nino FRANK 5 - Une mort mentale (Une morte mentale, 1913), pages 51 à 73, nouvelle, trad. Nino FRANK 6 - Dernière Visite du Gentleman malade (L'ultima visita del gentiluomo malato, 1906), pages 75 à 84, nouvelle, trad. Nino FRANK 7 - Je ne veux plus être ce que je suis (Non voglio più essere ciò che sono), pages 85 à 91, nouvelle, trad. Nino FRANK 8 - Qui es-tu ? (Chi sei ?, 1907), pages 93 à 108, nouvelle, trad. Nino FRANK 9 - Le Mendiant d'âmes (Il mendicante di anime, 1906), pages 109 à 117, nouvelle, trad. Nino FRANK 10 - Suicidé en lieu et place (Il suicida sostituto, 1913), pages 119 à 129, nouvelle, trad. Nino FRANK 11 - La Journée non rendue (Il giorno non restituito, 1907), pages 131 à 142, nouvelle, trad. Nino FRANK
Critiques
Fantastique mélancolique
« J'ai lu Papini et je l'ai oublié » écrit Jorge Luis Borges dans sa préface à l'édition du Miroir qui fuit, de Giovanni Papini (1881-1956). Constat en forme de regret et raison de la présence de l'écrivain italien dans cette fameuse Bibliothèque de Babel, collection d'oeuvres fantastiques choisies et préfacées spécialement par le grand écrivain argentin. Les éditions du Panama rééditent intégralement les quelque trente volumes de cette fameuse collection d'auteurs inconnus, oubliés ou toujours célèbres.
La prose de Papini est proche des histoires d'Edgar Allan Poe ou des petits romantiques dits « frénétiques ». Ses contes sont des réflexions amères sur la vie et la mort. On pourrait évoquer une méthode Coué à l'envers, car il s'en dégage une philosophie pessimiste où déprimes raisonnées et suicides sont fréquents.
Répertoire d'idées folles, ce fantastique philosophique déjà ancien reste cependant actuel. C'est ainsi que La Dernière visite du gentleman malade rejoint dans son idée le propos d'un film comme Matrix. Les contes de Giovanni Papini transforment l'absurde en beauté mélancolique et en aphorismes universels.