Phénix s'affirme, de trimestre en trimestre, comme une excellente revue semi-professionnelle des genres SF (souvent) et fantastique (surtout). Après deux parutions axées sur un copieux dossier Lovecraft, le numéro 7 (décembre 86 — février 87) fait la part belle à Jean Muno, un auteur peu connu en dehors du Royaume, et pourtant aussi appréciable qu'un Thomas Owen, par exemple. Jean Muno est un des meilleurs représentants de ce courant littéraire essentiellement belge qu'on pourrait qualifier de « fantastique du quotidien ». Les romans et récits de Muno ne battent pas le rappel d'imageries grandiloquentes, ils ne sont pas hantés de goules ni de malins, ils font dans le présent et la nuance. Ces fictions s'ancrent dans la vie de tous les jours où des individus peu singuliers, fondus dans la grisaille sociale, découvrent soudain, par le détour d'un état de crise, l'absurde des conventions auxquelles ils obéissent. Parfois aussi, Muno puise dans sa mythologie personnelle pour donner naissance à des êtres fantasques, tel l'hipparion, lui-même métaphorique du sens des origines que gomme la vie contemporaine. Ce qui amène Jean Muno à dire plaisamment, dans sa longue interview, qu'il fait du fantastique par souci de réalisme. « Partie de chasse », une de ses nouvelles, illustre son talent délicat.
Car Phénix, le dossier mis à part, est aussi une anthologie permanente. Ce numéro ne manque pas à la règle avec neuf récits d'auteurs dissemblables, dont Michel Lamart, André-François Ruaud, Eric Sanvoisin, et Jacques Boireau qui a de la classe.
En mars prochain, nouveau Phénix, d'autres récits et un dossier sur Fritz Leiber, en attendant Robert Bloch, Boulgakov et l'extraordinaire Gustav Meyrink.