Avant toute chose, remercions les éditions Mnémos de faire paraître un aussi gros roman inédit en un seul volume, ce qui devient de plus en plus rare et de plus en plus appréciable dans le contexte que nous connaissons. Malheureusement, c'est à peu près tout ce qu'on peut dire de positif sur ce livre, et ça ne rattrape surtout pas la traduction lourdingue, truffée de coquilles et de fautes ortho-grammaticales en tout genre. On atteint des sommets page 322 avec la phrase suivante : « Supposons que nous trouvons une planque — qu'il y en a une — et si finalement il n'était pas notre homme ? » Je peux vous assurer que même avec le contexte, on ne comprend pas mieux... On rigole, on rigole, mais c'est quand même scandaleux de vendre un livre à 25 euros sans même le relire !
Bon, de quoi ça parle ? D'Alec, un jeune padawan emprisonné par erreur dans les geôles d'un seigneur quelconque, et qui y fait la connaissance de celui qui deviendra son mentor, Seregil, maître espion au service de la reine de Skala. Ensemble ils vont connaître de dures épreuves, rencontrer des magiciens, déjouer un odieux complot, blablabla... Le nom de Skala devrait vous dire quelque chose si vous avez lu l'autre série de Lynn Flewelling, «
Le Royaume de Tobin » (chez
Pygmalion). En fait, bien qu'elle ait été écrite avant, la trilogie «
Nightrunner » se passe dans le même univers, quelques centaines d'années plus tard. Mais là où «
Le Royaume de Tobin » propose une
fantasy inventive, complexe et sensible, ainsi qu'une intrigue maîtrisée,
Les Maîtres de l'ombre se révèle un roman trop long, d'un classicisme décevant et surtout parfaitement dispensable quand on a lu
Les Mensonges de Locke Lamora de
Scott Lynch (
Bragelonne). Ici aussi, il est question de déguisements, de cambriolages, de dissimulation et (veut-on nous faire croire) d'audace et de panache. Seulement Flewelling n'a pas le quart de la moitié des talents de conteur facétieux de Scott Lynch, et tous ses effets tombent à plat.
Bref, on oubliera bien vite ce premier roman raté, à mettre sur le compte de l'inexpérience et du laxisme de son éditeur (son éditeur original, pas Mnémos — même si ce dernier aurait pu nous épargner sa publication en français), et qui ne doit pas occulter le reste de l'œuvre de Lynn Flewelling.