« Maître ses apparences et des changements à vue, Jacques Barbéri dispose d'une arme redoutable pour nous entraîner dans ses fictions spéculatives, une virtuosité littéraire qui se joue de toutes les situations, même des plus improbables. Il dynamite le déroulement de ses histoires avec des gags à la Tex Avery, dévoie les images des films de Cronenberg, parodie la vieille science-fiction, la truffe d'horreur et de magie pour en squeezer les thèmes obsolètes » P. Curval.
Vingt et une nouvelles à l'humour noir qui reflètent les obsessions de l'écrivain : la mémoire, la perception du réel, la création des mythes et les métamorphoses de la chair.
Jacques Barbéri, né en 1954, est écrivain et musicien, son oeuvre littéraire est composée d'une dizaine de romans et de nombreuses nouvelles. Ses romans autour de Narcose sont publiés à La Volte.
1 - Philippe CURVAL, Barbéri ou les fièvres de la fermentation, pages 7 à 10, préface 2 - Le Seigneur de la guerre, pages 11 à 29, nouvelle 3 - Observations, pages 31 à 47, nouvelle 4 - La Bête, pages 49 à 68, nouvelle 5 - Les Rivages de l'oubli, pages 69 à 81, nouvelle 6 - Brise l'âme, pages 83 à 93, nouvelle 7 - La Machine à démonter le temps, pages 95 à 105, nouvelle 8 - Métrolyse, pages 107 à 119, nouvelle 9 - Les Amants du paradis artificiel, pages 121 à 141, nouvelle 10 - Isanve, pages 143 à 160, nouvelle 11 - Cadences, pages 161 à 177, nouvelle 12 - Prisons de papier, pages 179 à 188, nouvelle 13 - Mystérieuses chrysalides, pages 189 à 204, nouvelle 14 - The Incredible Dream Machine (La Machine à remonter les rêves), pages 205 à 224, nouvelle 15 - Alice en verres miroirs, pages 225 à 249, nouvelle 16 - In the court of the Lizard King, pages 251 à 272, nouvelle 17 - Les Sentinelles du temps réel, pages 273 à 281, nouvelle 18 - Les Cocktails d'étoiles du bar à Blair, pages 283 à 294, nouvelle 19 - La Stratosphère considérée comme l'enceinte-femme de nouveaux-nés prématurés, pages 295 à 319, nouvelle 20 - L'Homme qui parlait aux araignées, pages 321 à 332, nouvelle 21 - Mission Marcusbi, pages 333 à 354, nouvelle 22 - L'Âme des sondeurs, pages 355 à 379, nouvelle 23 - Richard COMBALLOT, Jacques Barbéri, de Narcose à Barjoland (posface en abécédaire), pages 381 à 394, postface
Critiques
[Chronique commune à la publication en avril 2008 de Narcose et de L'Homme qui parlait aux araignées]
Il faut avouer qu'à l'annonce de la réédition augmentée de Narcose, le lecteur barbérophile que je suis a senti les poils de son épiderme se dresser d'un plaisir intense (rien de malsain, qu'on se rassure). De surcroît, lorsqu'il a appris que la publication de l'ouvrage serait accompagnée d'un recueil rassemblant vingt-et-une nouvelles (dont deux inédites) de l'auteur, il a eu la chair de poule, comme si une accorte shampouineuse lui massait langoureusement le cuir chevelu (il n'y a toujours rien de malsain à cette image, répétons-le). En fait, cette réaction viscérale est tout simplement la transposition charnelle de la jubilation mémorielle qui me titille rétrospectivement encore l'hypophyse. Ces souvenirs se sont incontestablement et heureusement confirmés, une fois les deux ouvrages dévorés sans autre forme de cérémonie païenne. Mais avant de pousser plus loin dans le ressenti intime, il convient sans doute de clarifier les choses pour les éventuels néophytes que l'expérience tenterait. Je dois en effet attester que lire une histoire de Jacques Barbéri, c'est comme accomplir un grand saut, non pas dans l'inconnu, mais dans l'imprévu. Un saut dans un imaginaire visuel qui semble totalement en roue libre et demeure pourtant paradoxalement maîtrisé et cohérent de bout en bout. Un plongeon dans un univers nourri au sein de la science-fiction classique et qui échappe avec bonheur à ses tics et à toute classification étriquée.
Afin de démarrer en douceur et prendre la (dé)mesure de l'œuvre du personnage, il convient peut-être de conseiller de débuter par le recueil L'Homme qui parlait aux araignées, opus rassemblant un florilège de nouvelles écrites entre 1987 (« Prisons de papier », texte paru dans le recueil Malgré le monde du collectif Limite) et 2008 (pour les deux inédits). Cette démarche progressive permet de se faire une idée assez fidèle du style et de l'imaginaire singulier de l'auteur français qui, même lorsqu'il œuvre dans le domaine de l'hommage (à Lewis Carroll, Jules Verne, Philip K. Dick, Cordwainer Smith et tutti quanti...), parvient à faire exploser les contraintes du genre pour recomposer une image conforme à son paysage mental fantasque. On ne va évidemment pas résumer chacun des textes qui composent le recueil. Ceux-ci sont de toute manière inracontables, ce qui est tout naturel puisque l'imaginaire de l'auteur est indescriptible. Tout au plus, peut-on glisser un indice : derrière les apparences déjantées se dessine une profonde réflexion existentielle, pour ne pas dire une quête obsessionnelle. Lire Jacques Barbéri, c'est un peu comme lire du Lewis Carroll qui a infusé dans un bain de physique quantique. On pénètre ainsi dans un univers d'une dinguerie finalement très rigoureuse, où drame, humour et cauchemar sont intimement intriqués. Et de la même manière qu'il s'approprie les codes et les archétypes de la S-F, Jacques Barbéri fait sienne la logique quantique pour en développer tout le potentiel poétique. Univers gigognes, rêves enchâssés dans la réalité ou réalité encapsulée dans le rêve, on n'est jamais très loin non plus des mondes truqués de Philip K. Dick. Mais les mondes de Jacques Barbéri sont autrement plus vertigineux, si on peut me permettre ce sacrilège. Leur réalité prête à caution car elle est augmentée par le virtuel ou altérée par les drogues, voire par les deux à la fois. Le narrateur/observateur est exposé au principe d'incertitude auquel il ne peut espérer échapper que par la fuite dans un univers plus paisible ou par un oubli adouci au scotch-benzédrine. Ou alors, il doit redonner un sens à son existence dans un quotidien contaminé par les bizarreries : lolitrans, gigaragnes, psychomachines, métabêtes... Autant de trouvailles langagières, de mots-valises, de jeux de mots qui donnent corps aux obsessions organiques de l'auteur, aux mutations chitineuses, aux copulations sémantiques et autres chimères dignes des visions cauchemardesques d'un Jérôme Bosch mais scénarisées par Tex Avery. Bref, l'œuvre de Jacques Barbéri est proprement fascinante, quelque chose comme une Vénus de Milo parfumée aux phéromones sexuelles à qui on aurait ventousé des tentacules...
Les lecteurs accrochés aux délires de l'auteur pourront consolider leur addiction avec Narcose. [...] 1
Notes :
1. La partie de la recension consacrée à ce roman n'est pas reproduite ici. [note de nooSFere]