Alain le Bussy est né à Liège en 1947. Publié professionnellement seulement depuis 1992, cet auteur prolifique a écrit en trente-cinq ans plus de deux cents nouvelles et une grosse centaine de romans, obtenant le prix Rosny-aîné en 1993 pour Deltas et deux fois le prix Septième Continent de la défunte revue québécoise Imagine pour Les lois du hasard en 1992 et Craqueur en 1995.

     Freddy est un ressortissant de l'Empire français qui règne sur l'Europe depuis Napoléon 1^er, sur une Terre qui n'a pas encore découvert le « plus lourd que l'air ». Alors, d'où viennent ces hélicoptères qui chassent la population et enlèvent sa femme et ses enfants ?

     D'où sort ce colonel Hubert d'Izernore, marquis d'Inteville, pour qui la France a gagné la Guerre de sept ans et n'a jamais connu la Révolution ?

     Sans parler de Jacques Reusard, originaire d'une République Française ayant succédé au renversement de Napoléon en 1812...

     D'un portail à l'autre, Freddy séjournera chez des Néanderthaliens, puis à Neuwien, capitale d'un Reich triomphant, avant de faire un passage dans un département du Var où l'on circule en locomobile...

     Au-dessus de cette mêlée, les Ingénieurs des Dimensions, qui veillent à neutraliser toute rupture intempestive entre les continuums.

     Dans cette Autriche-Hongrie de 1934 où la montée du racisme inquiète de plus en plus la population juive, Albert Einstein a mis au point une machine à remonter le temps...

     Alors qu'il est en vacances à l'étranger avec sa famille, Freddy découvre que le pays a été envahi par de mystérieuses machines qui écrasent les villes sur leur passages. D'autres engins, plus lourds que l'air et ressemblant à d'énormes libellules, enlèvent les survivants, les hypnotisant pour leur donner l'envie de les suivre. Freddy, Maud et leurs enfants fuient en camion, faisant le plein de fuel et de nourriture dans les maisons qu'ils dépassent, n'échappant à un péril que pour tomber dans une embuscade... Parviendront-ils à rejoindre l'Empire Français ? D'ailleurs, celui-ci est-il toujours l'îlot de stabilité qu'il est depuis plus de deux siècles ?

     Ce nouveau roman d'Alain le Bussy commence comme une uchronie, se continue comme un road-movie, pour finir en apothéose dans un voyage à travers de multiples univers parallèles. On pense à Moorcock — à cause de son multivers — mais surtout à Philip Jose Farmer et à la sage des Hommes-Dieux, en particulier. Le Faiseur d'Univers et Cosmos Privé s'imposent naturellement à l'esprit, pas seulement à cause des portails qui permettent à Freddy et au colonel Hubert d'Izernore — transfuge d'un autre monde, ce qui nous donne une autre uchronie ! — mais aussi parce que l'obstination de ces hommes à avancer envers et contre tout, ainsi que la transformation du petit comptable en héros, rappellent fortement Robert Wolff et Kickaha. Mais qu'on se rassure : Alain le Bussy possède une imagination débordante et l'histoire qu'il nous raconte n'est en rien une resucée des romans de Farmer. Au contraire, ses multi-uchronies sont tout à fait originales ; elles révèlent d'ailleurs une grande connaissance de l'histoire européenne. Mais on peut affirmer que Ruptures peut être comparé sans rougir aux livres de Farmer, jusque dans son petit défaut : le Bussy, comme Farmer, ne développe pas suffisamment le rôle féminin et les aventures que Maud et ses enfants ont vécues sont résumées trop vite. Mais peut-être le rythme du roman, haletant, aurait-il souffert de plus longs développements.

     Les éditions Eons s'inspirant de la collection Galaxie-bis, chaque roman est suivi d'une ou plusieurs nouvelles. Ici, c'est Comment les choses se sont vraiment passées, de Pierre Gévart. Une « véritable » uchronie, cette fois, et une excellente et terriblement poignante nouvelle, qui obtint le Prix Infini en 2001.

     Pour conclure, je dirais que le Bussy et Gévart forment un duo gagnant et que Ruptures est un livre à lire absolument.