Honor emménage avec ses parents sur l'Île 365. A dix ans, elle ne comprend pas parfaitement ce qu'ils semblaient fuir lorsqu'ils habitaient les lointaines Îles du Nord, ni pourquoi il est mal qu'elle ne connaisse pas par coeur le Plan quinquennal de la Mère Nourricière, ni ce que le H muet de Honor pose comme problème dans sa nouvelle école...
Sur l'Île 365, la jeune fille découvre un monde numéroté, encadré, censuré, où les souvenirs s'effacent et permettent d'avaler sans broncher l'enseignement de la Mère Nourricière, cette institutrice qui a réussi à protéger le monde grâce à l'Enceinte, derrière laquelle les grands bouleversements climatiques n'affectent plus l'homme, au point que même les saisons ont disparu.
Pour se faire des amies, pour être « comme les autres », Honor se coule dans le moule et si elle se révolte, c'est plutôt contre ses parents qui se plient difficilement aux règles et conçoivent même un second enfant dans la désapprobation générale.
Mais un jour, les parents d'Honor disparaissent. Et la voici qui commence à se poser des questions...
De l'autre côté de l'île est une dystopie d'un très grand classicisme. On y retrouve tous les ingrédients du genre : propagande, manipulation mentale, mensonges dans l'enseignement de l'Histoire, réécriture des chefs-d'œuvre de la littérature, additifs chimiques altérant la mémoire, disparitions des éléments perturbateurs, etc.
Le personnage d'Honor se montre évidemment touchant, d'autant plus crédible qu'elle n'entre pas d'emblée en rébellion. Au contraire, elle n'a aucun mal à accepter l'univers qu'on lui propose, avec la flexibilité naturelle d'une enfant de dix ans. Elle admet même les contrevérités flagrantes qui contredisent pourtant sa propre expérience dans les Îles du Nord. Son parcours y gagne en justesse, grâce à une habile peinture de cette prise de conscience progressive.
Les habitués du genre, blasés, trouveront sans doute que ce roman demeure justement d'un « trop » grand classicisme. En effet, le récit ne se démarque guère de ses nombreux prédécesseurs, et l'arrière-plan n'est que trop sommairement présenté pour avoir d'autre intérêt que de mettre notre héroïne en situation dans cette société formatée, où son « apprentissage » ne surprendra pas.
En revanche, le jeune lecteur qui abordera pour la première fois le thème de l'utopie/dystopie avec ce livre s'identifiera sans mal au personnage principal et suivra avec passion son itinéraire, tout en trouvant matière à réfléchir. Ce roman bien écrit et d'une lecture très agréable s'affirme ainsi comme une bonne introduction au genre, tout à fait recommandable.
Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 8/6/2009 nooSFere