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Un peu de ton sang

Theodore STURGEON

Première parution : Paris : Éditions SW Télémaque, Entailles, janvier 2008
Traduction de Véronique DUMONT & Odette FERRY
Illustration de Bastien L.

GALLIMARD (Paris, France), coll. Folio SF précédent dans la collection n° 361 suivant dans la collection
Date de parution : 28 janvier 2010
Dépôt légal : janvier 2010, Achevé d'imprimer : 7 décembre 2009
Réédition
Recueil de nouvelles, 224 pages, catégorie / prix : F6
ISBN : 978-2-07-039612-2
Format : 10,8 x 17,8 cm
Genre : Imaginaire


Ressources externes sur cette édition de l'œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture
« George Smith » est un patient d'un genre un peu particulier. Ses psychiatres hésitent d'ailleurs à le laisser quitter l'hôpital, tant il semble sain d'esprit. Mais le doute n'est pas permis : il y a bien quelque chose d'étrange, chez lui. Il n'y a pourtant rien de mal à aimer la chasse ; et bien d'autres ont des difficultés avec les femmes. Alors quoi ? Et si la vérité était tout simplement inimaginable ?
On a tous besoin de quelqu'un qui sait tout réparer. Mais personne n'a jamais eu besoin de lui. Cela changera sûrement avec elle. D'ailleurs, il va lui montrer, il faudra bien qu'elle s'en rende compte.

Un peu de ton sang et la nouvelle Je répare tout partagent une thématique commune et sont deux petits bijoux d'horreur psychologique. Âmes sensibles s'abstenir !

Theodore Sturgeon, de son vrai nom Edward Hamilton Waldo, naît en 1918. Considéré comme l'un des plus grands stylistes du genre, il se consacre principalement à la nouvelle. Cela ne I'empêche pas d'écrire des romans, dont deux classiques : Les plus qu'humains et Cristal qui songe. II a également scénarisé des épisodes de séries télé cultes comme Star Trek ou Les Envahisseurs. II décède en 1985.

Sommaire
Afficher les différentes éditions des textes
1 - Un peu de ton sang (Some of Your Blood, 1961), pages 9 à 154, roman, trad. Odette FERRY
2 - Je répare tout (Bright Segment, 1955), pages 155 à 199, nouvelle, trad. Véronique DUMONT
3 - Steve Rasnic TEM, Postface (2006), pages 201 à 212, postface, trad. Véronique DUMONT
Critiques

    Si Theodore Sturgeon est avant tout connu en tant qu’écrivain de fantastique et de SF, il a pu s’essayer à d’autres genres, par goût ou par opportunisme. Un peu de ton sang en est un bon exemple : si le titre, entre autres, laisse entendre qu’il s’agit d’une variation sur le vampirisme (empruntant d’ail-leurs peut-être sa structure épistolaire au Dracula de Bram Stoker, comme le fait remarquer Steve Rasnic Tem dans sa postface), il ne s’agit pas d’un roman fantastique pour autant, car son approche est « réaliste » (annonçant l’excellent film Martin de George A. Romero). Et, s’il est parfois qualifié de « roman d’horreur », il relève probablement davantage du thriller psychologique, qui connaissait alors une certaine vogue — on peut noter que Psychose, de Robert Bloch, avait été publié deux ans seulement auparavant, et adapté au cinéma par Hitchcock l’année précédente ; en France, le court roman de Sturgeon a d’ailleurs été initialement publié dans une anthologie « Alfred Hitchcock présente »…

    Un peu de ton sang prend la forme d’échanges de lettres et de documents entre deux psychiatres militaires, évoquant le cas troublant de « George Smith », un troufion dont le comportement violent a suscité quelques interrogations devant aboutir à sa réforme. Mais l’un de ces psychiatres est convaincu qu’il y a quelque chose de bien plus étrange, et même inquiétant, tout au fond de la psyché tourmentée du jeune homme un peu simplet, en tout cas lourdaud, et visiblement guère à l’aise en société. Il incite « George Smith » à lui raconter sa vie, sous la forme d’un « récit » qui s’insère dans les échanges entres les deux médecins ; une pièce considérable du dossier, et qui achève de convaincre l’aliéniste zélé que son patient lui cache, peut-être malgré lui, un élément déterminant de sa personnalité — un élément qu’il suppose de nature sexuelle.

    « George Smith » est le vrai héros d’Un peu de ton sang : un être plus complexe qu’il n’en a l’air, dont l’enfance rude et l’inaptitude à s’intégrer parmi ses semblables ne manquent pas de rappeler d’autres personnages de Theodore Sturgeon. Il contribue énormément à la réussite de ce court roman, en lui conférant une certaine ambiguïté confinant au malaise : on devine en effet que le bonhomme est dangereux, et même criminel — mais l’approche dépassionnée (ou amicale ?) du psychiatre, en évacuant comme non pertinente toute notion de culpabilité, contribue à renforcer l’empathie du lecteur pour cette figure torturée, mais qui n’en est que plus humaine. « George Smith » inquiète, oui, mais il touche, il émeut, bien plus qu’il n’horrifie. Ici, Un peu de ton sang affiche d’autant plus sa singularité — et l’on perçoit combien les qualificatifs de « roman d’horreur » ou même de « thriller » sont trop réducteurs, voire mensongers ; le suspense ou a fortiori l’épouvante ne sont guère de mise dans ce cas clinique envisagé « après coup ». Sa force réside dans des émotions d’un autre ordre, que l’auteur manie avec habileté, ce qui lui permet de compenser quelques faiblesses du procédé épistolaire plus ou moins maîtrisé.

    L’édition française ne permet peut-être pas d’apprécier au mieux ce texte, hélas : la traduction originelle d’Odette Ferry a été conservée telle quelle dans la putassière réédition chez Télémaque, reprise ensuite en poche — et elle est tristement plate.

    Le volume y associe une nouvelle, « Je répare tout », que l’on connaissait déjà en français sous le titre « Parcelle brillante ». Accoler les deux textes est pertinent, la nouvelle, plus ancienne, étant elle aussi dénuée de tout élément imaginaire, et mettant en scène un bonhomme lourdaud qui suscite tout à la fois une extrême empathie et une inquiétude grandissante. Si Un peu de ton sang est un bon texte, « Je répare tout » est un chef-d’œuvre, un des plus… brillants textes de Sturgeon — mais, là encore, la traduction, bien qu’inédite cette fois, n’est pas à la hauteur de ce récit bouleversant et terrible.

    On devine malgré tout, derrière, la qualité de ces textes un peu à part dans la carrière de Sturgeon — à commencer par la plus notable, son merveilleux sens de l’empathie, bien entendu, un trait constitutif d’une œuvre, et ce bien au-delà des pénibles frontières entre les genres.

Bertrand BONNET
Première parution : 1/10/2018 dans Bifrost 92
Mise en ligne le : 20/6/2023

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition TÉLÉMAQUE, Entailles (2008)

     Tout nouveau livre de Theodore Sturgeon constitue un événement en soi. Ses deux grands romans, Les Plus qu'humains et Cristal qui songe, sont toujours disponibles depuis les années 50 et leur publication au « Rayon Fantastique », ensuite au « CLA » et depuis chez J'ai Lu où le second vient de se voir nanti d'une nouvelle illustration (bye bye Tibor Csernus — dommage). Ils ont enfin été repris dans le splendide volume des éditions Omnibus consacré à Sturgeon en 2005. Ses nouvelles ont été largement publiées au tournant des années 80 au Masque et chez Lattès, à l'instigation de Marianne Leconte à laquelle on doit aussi le « Livre d'or », ou à l'initiative de feu Alain Dorémieux, chez Casterman notamment. Depuis 1985 et la mort de Sturgeon, plus grand-chose. L'œuvre des novelistes peine à survivre à leur auteur. Citons Rafael A. Lafferty, Henry Kuttner ou Robert Sheckley, entre autres... Pour Sturgeon, trois recueils, dont l'excellent L'Homme qui a perdu la mer, ont été réédités aux Belles Lettres au tournant du siècle, malheureusement dans des présentations particulièrement affligeantes. Et enfin en 2005, on l'a dit, le volume chez Omnibus de près de 1200 pages qui reprend la quintessence de l'œuvre.

     Ce nouveau livre prend donc place sous les couleurs blanche, rouge et noire, de la collection « Entailles » qui, sous une présentation inspirée, semble vouée à héberger les écrits noirs ou horrifiques de plumes connues pour leur science-fiction : Jack Vance (Méchant garçon) ; Joël Houssin (Mongol)... Sur la quatrième de couverture de ce nouveau Sturgeon, qui compte deux textes : « Un peu de ton sang » (« Some of your blood », 1961) et « Je répare tout » (« Bright segment », 1955) on peu lire : « [« Un peu de ton sang »] ... publié pour la première fois en France, accompagné de la nouvelle inédite « Je répare tout »... » Alors que ni l'un ni l'autre ne sont inédits par chez nous. Si le premier semble n'avoir connu qu'une seule édition en 1965, dans Histoires à faire peur (Robert Laffont), l'autre est l'une des nouvelles les plus connues de Sturgeon, sous le titre « Parcelle Brillante », dans une traduction due à Alain Dorémieux que l'on peut lire dans l'anthologie Territoires de l'inquiétude (Casterman), Le Livre d'Or de Sturgeon (Pocket) et surtout dans le volume chez Omnibus de 2005, faisant ainsi justement partie des quelques textes disponibles de l'auteur ! Par contre, il s'agit bien d'une nouvelle traduction due à Véronique Dumont. Fallait-il vraiment republier cette nouvelle ? Et la retraduire ? Outre qu'il reste de vrais inédits (et beaucoup !), gageons que d'autres textes auraient davantage mérité un dépoussiérage qu'un de ceux traduits par Dorémieux. Certes, « Je répare tout » est un complément parfaitement approprié à « Un peu de ton sang »...

     « Je répare tout » est l'histoire typiquement sturgeonienne du pauvre type difforme qui se tait mais a de l'or dans les mains et dont personne n'a, ne veut avoir besoin. Jusqu'au jour où il ramasse dans la rue une nana blessée à coup de rasoir, mourante, l'artère fémorale sectionnée. Il ne me semble pas crédible que l'on puisse survivre aussi longtemps que dans la nouvelle avec pareille blessure. Mais peu importe. Là n'est pas le problème. Quelqu'un a enfin besoin de lui...

     « Un peu de ton sang » est plus remarquable. Il s'agit d'une novella épistolaire entre deux psychiatres cliniciens de l'Armée des Etats-Unis au sujet du cas nommé George Smith. Une enfance pauvre entre un ivrogne de père qui cogne sur sa femme, à défaut sur son môme, et une mère percluse de rhumatismes qui semble somatiser tous les malheurs du monde dont elle a été de toute façon largement pourvue. Et le gamin se réfugie dans les bois environnants, dans la chasse au petit gibier... Le Dr Al Williams voudrait que l'Armée se débarrasse du cas sans plus tarder tandis que le Dr Philip Outerbridge a l'intuition que le cas est plus difficile qu'il n'y paraît. Il recourt à diverses techniques que Sturgeon expose pour cerner la personnalité perturbée de son patient. Il lui fait tout d'abord rédiger une biographie puis passer des tests dont un Rorschach d'anthologie. Dans ces passages du roman qui s'apparentent à la littérature psychanalytique, aux études de cas freudiennes ou au Fragment d'une analyse de D. W. Winnicott, quoique Sturgeon aille à l'essentiel, on voit petit à petit poindre l'horreur. Par sa facture, ce court roman semble devoir se démarquer de l'empathie à laquelle l'auteur nous a habitué mais il n'en est rien. Au bout du compte, Sturgeon nous fait ressentir pour cet effrayant meurtrier non pas de la pitié, mais de la sympathie. On en vient à lui souhaiter du bien à lui et à la pauvre Anna, car c'est l'un près de l'autre que ces deux êtres ont trouvé le peu de bonheur que la vie leur a accordé. Depuis 1961, les assassins psychotiques de fiction se sont surpassés dans l'horreur. C'est à qui tuera le plus, le mieux... c'est la surenchère jusqu'à la nausée. Un vaste concours à qui sera le moins humain. A qui emportera la palme du dégoût... Sturgeon est à l'opposé de tout ça. George Smith n'est nullement une incarnation du mal mais celle du malheur. Il y a lieu de croire que la fatalité n'en a pas fini avec eux et qu'Anna ne le reverra pas de sitôt...

     Ce court roman a été désigné en 1995 comme l'un des plus grands classiques du genre par l'association des écrivains d'horreur américains. Il est suivi d'une postface de l'un d'eux, Steve Rasnic Tem, qui souligne combien ce texte l'a marqué. Voila une très bonne pioche — qui plus est, à un prix fort attrayant.

Jean-Pierre LION
Première parution : 1/5/2008
dans Bifrost 50
Mise en ligne le : 28/5/2009

Adaptations (cinéma, télévision, BD, théâtre, radio, jeu vidéo...)
Histoires insolites ( Saison 1 - Episode 06 : Parcelle brillante ) , 1974, Christian de Chalonge (d'après le texte : Séquence éblouissante), (Episode Série TV)

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