BÉLIAL'
(Saint-Mammès, France) Dépôt légal : novembre 2010, Achevé d'imprimer : novembre 2010 Première édition Recueil de nouvelles, 544 pages, catégorie / prix : 22 € ISBN : 978-2-84344-101-1 Format : 14,2 x 20,5 cm Genre : Science-Fiction
Dépôt légal "à parution".
Quatrième de couverture
Le meilleur de Michel Demuth
en dix-sept récits de science-fiction...
Recueil proposant le meilleur des récits de Michel Demuth, hors cycle des « Galaxiales », À l'est du Cygne se veut une photographie définitive et éclairée d'un parcours unique, cinquante ans de carrière d'un écrivain-éditeur qui « fit » littéralement la modernité du genre SF en France ; un jalon incontournable qui trouve ici, enfin, l'écrin qu'il mérite.
Il était temps.
Au programme :
• des préfaces signées Richard Comballot et Gérard Klein,
• dix-sept récits,
• un entretien,
• une bibliographie exhaustive.
Michel Demuth (1939-2006) est l'une des figures majeures de la SF française. En qualité d'écrivain, bien sûr — en témoigne la présente sélection — , mais aussi en tant que traducteur (on lui doit en français le Dune de Frank Herbert, Elric le Nécromancien de Michael Moorcock, ou bien encore 2001 : l'odyssée de l'espace, d'Arthur C. Clarke). Sans oublier son imposante activité d'éditeur — il dirigea la revue Galaxie, la collection « Galaxie-bis », ou encore le mythique « Club du Livre d'Anticipation ».
« ... je l'avais immédiatement repéré comme écrivain et sans doute comme traducteur. Demuth avait du style, du panache... »
1 - Richard COMBALLOT, Michel Demuth, un dandy galactique, pages 13 à 18, préface 2 - Gérard KLEIN, Préface, pages 21 à 27, préface 3 - Les Climats, pages 29 à 56, nouvelle 4 - Les Années métalliques, pages 59 à 80, nouvelle 5 - Translateur, pages 83 à 101, nouvelle 6 - Mnémonique, pages 103 à 124, nouvelle 7 - Nocturne pour démons, pages 127 à 154, nouvelle 8 - La Route de Driegho, pages 157 à 211, nouvelle 9 - À l'est du Cygne, pages 213 à 259, nouvelle 10 - Intervention sur Halme, pages 261 à 300, nouvelle 11 - La Bataille d'Ophiuchus, pages 303 à 329, nouvelle 12 - Les Jardins de Ménastrée, pages 331 à 344, nouvelle 13 - Lune de feu, pages 347 à 358, nouvelle 14 - Exit on passeig de Gracia, pages 361 à 395, nouvelle 15 - À Mélodie pour toujours, pages 397 à 411, nouvelle 16 - Sous le portail de l'Ange, pages 413 à 428, nouvelle 17 - Sigmaringen, pages 431 à 449, nouvelle 18 - Dans le ressac électromagnétique, pages 451 à 471, nouvelle 19 - Richard COMBALLOT, Portrait d'un homme-orchestre – Un entretien avec Michel Demuth, pages 473 à 504, entretien avec Michel DEMUTH 20 - The Fullerton Incident, pages 507 à 520, nouvelle 21 - Alain SPRAUEL, Bibliographie des oeuvres de fiction de Michel Demuth (1939-2006), pages 523 à 536, bibliographie
Critiques
Les éditions du Bélial' avaient rendu hommage à une figure de proue de la science-fiction française, Michel Demuth, en publiant en 2010 À l' est du Cygne, une anthologie de ses meilleures nouvelles. Prévu dans la foulée, le projet de parution de son cycle majeur Les Galaxiales semble pour l’instant au point mort (note de nooSFere : le recueil sort finalement en novembre 2022).
Le respect, la rigueur, l'émotion caractérisent le travail éditorial réalisé sous la direction de Richard Comballot, auquel ont collaboré Gérard Klein, Alain Sprauel et le dessinateur Caza. A l’est du Cygne est exemplaire d'une science-fiction française inclinant davantage vers la poésie et le rêve que la science ou la technologie, tout en illustrant les débats internes d'un amoureux du langage, fondu de space-opéra, inspiré par le surréalisme, et lorgnant avec envie les rivages de la new-wave.
"Le lendemain, il plut dès le matin, mais c’était une pluie douce, comme il ne pouvait en tomber que dans certaines régions, très rares, de certains mondes très rares. Une pluie presque verte comme les carrés de pelouse qui se trouvaient devant chaque maison, une pluie qui restait en milliers de perles aux longues épines des arbres. La mer, du coup, semblait en avoir perdu sa voix. Elle n'avait plus que le chuchotement très léger des gouttes."
Un chuchotement essentiel, ainsi pourrait-on caractériser l'œuvre et les engagements de Michel Demuth, auteur d'une « Histoire du futur » à la française, anthologiste, traducteur entre autres de Dune, de 2001 l’Odyssée de l'espace, et accessoirement directeur des mythiques éditions Opta. Une espèce d'élégance traverse l'écriture des dix sept nouvelles de ce recueil, rédigées pour les deux tiers dans les années 60 et relevant en majorité du space-opera. L'auteur décline les thèmes habituels du genre : explorations lointaines ("Dans le ressac électromagnétique", "À l'est du Cygne", le mini-cycle du Translateur), conflits stellaires ("Intervention sur Halme", "la bataille d'Ophiucus", "Sigmaringen"), apocalypse atomique ("Lune de feu"), robots fous/ville-machine ("Les années métalliques"). "La route de Driegho" illustre le vieux thème du jeu comme ascenseur social ; des mercenaires croisent la route d'un vaisseau spatial dont l'équipage passe exclusivement son temps à jeter des dés et batailler aux cartes, avec comme enjeu le commandement du navire.
"Intervention sur Halme" et surtout "À l'est du Cygne" émergent de cet ensemble de textes un peu uniforme et daté. Dans ce dernier, un explorateur humain essaye de préserver un peuple extra-terrestre d'une menace à la fois terrifiante et indécelable. Une sourde angoisse transpire tout au long des pages de cette belle nouvelle. L’incertitude identitaire transparaît dans les deux textes du cycle du Translateur, "Translateur" et "Mnémonique". Quelques explorateurs humains rentrent en symbiose temporaire avec une espèce E.T leur permettant de se déplacer à d'incroyables distances, au risque de ne pouvoir récupérer leur intégrité initiale. "Dans le ressac électromagnétique de l'espace", inspiré par le mythe de Jonas, reprend un sujet abordé par Robert Franklin Young (Baleinier de la nuit). Un vaisseau spatial et son navigateur entrent en fusion mentale au cours d'un voyage sans fin. Dans ce space-opera tardif (1982) Michel Demuth tente le pari d’une écriture poétique, éclatée, jusqu'à l'incandescence.
Les derniers textes consacrent ce virage. L'auteur abandonne son jardin spatial au profit de narrations expérimentales (formalistes ?) inspirées de ses voyages (la Barcelone de "Exit on Passeig de Gracia"). Le thème de la survie déjà abordé dans "À l'est du Cygne" ressurgit avec "Sigmaringen" récit à l'intrigue minimaliste dans lequel un soldat anonyme d'une guerre oubliée tente de regagner la Terre.
Selon Gérard Klein - mais l'interrogation était réciproque - Michel Demuth nourrissait quelques inquiétudes sur sa vocation ; sans doute phagocyté par son travail éditorial, l'auteur des Galaxiales a-t-il regretté de n'avoir pu emprunter le train de la new-wave dans les années 60, comme Silverberg et quelques autres ? Ce recueil lève le doute sur ses qualités littéraires. Par le soin apporté à sa réalisation, À l'est du Cygne évoque les "Livre d'or de la science-fiction", ressuscitant tout un pan de l'histoire de la SF française.
Je me préparais à rédiger la critique du recueil de Michel Demuth, A l'est du Cygne, lorsque je réalisai avec effarement que Pitou, surnommé Brad Pitt, voire Brad Pitbull à l'heure de l'apéro, l'un de mes deux chiens, de nature encore plus inconnue que l'autre, qui était pourtant sa mère, venait de se faire les dents sur les 500 pages du recueil, nonobstant et sans aucun respect pour la superbe couverture de Philippe Caza. Bon, lorsqu'il n'était encore qu'un chiot, il mangeait essentiellement des clous et rongeait des pierres, mais ce n'était pas une raison pour se faire un sang d'encre en ingurgitant un million de signes. Eh oui ! Lorsque Richard Comballot est aux commandes, vous en avez en général pour votre argent. Bref, un petit tas de carton et de papier semi régurgités, pour un roman gore ça passe, mais dans le cas présent il ne me restait plus qu'à foncer à la grande surface culturelle la plus proche pour me procurer un exemplaire flambant neuf du recueil. Ce que je fis, mais peu habitué des lieux (je fréquente plutôt les librairies du centre-ville), je hélai un vendeur. « Je cherche un bouquin de Michel Demuth. » « Deux quoi ? » « Demuth. Un auteur français... de S-F. » « De quoi ? » « De science-fiction. » « Ah, oui... Excusez-moi, mais en S-F je n'ai lu que des DVD. » « Vu. » « Vu quoi ? » « Des DVD. » « Ah, c'est bien ce qui me semblait, vous cherchez un DVD. » « Ok. Laissez tomber, je vais me débrouiller tout seul. » Après avoir traversé un rayon entier réservée à la Bit Lit — en ayant la triste confirmation qu'il ne s'agissait pas de Littérature Bitée mais d'histoires plus ou moins vampiresques parfumées à l'eau de rose — je débouchai avec effarement au rayon « Polar & Fantasy ». S-F : nada. Mais j'avais une critique à faire et j'insistai ; après avoir marché pendant ce qui me parut des siècles le long d'étagères pleines à craquer de trilogies, pentalogies, décalogies aux couvertures interchangeables, je trouvai enfin, au fond du rayon, du magasin et peut-être même de l'univers, une petite étagère poussiéreuse, où plus grand monde ne posait les doigts et où brillait d'une lu-mière tremblotante le cygne extraterrestre dessiné par Caza, entre les moirures métallisées du dernier roman de Michel Jeury et les flambées d'automne de la dernière traduction de Robert Charles Wilson en « Lunes d'Encre ».
Il ne me restait plus qu'à noyer mon désespoir dans la lecture et alimenter ce sentiment de nostalgie à la fois agréable et empreint d'amertume, car à travers celui qui fut un acteur phare de la scène éditoriale du siècle dernier, c'est un peu toute l'histoire de la S-F qui est passée en revue. Les nouvelles fraîches et naïves écrites par l'auteur dans les années cinquante puis celles, à l'écriture plus affirmée, des années soixante dressent un catalogue quasi complet des thèmes principaux de la science-fiction — exploration spatiale, catastrophe nucléaire, robots déglingués, voyage dans le temps, univers parallèles, civilisations extraterrestres, conflits intergalactiques, etc... — et rappellent par la même occasion Marginal, la superbe série d'anthologies thématiques créée par le même Michel Demuth dans les années 70.
On reconnaît ici et là les influences de nombreux auteurs américains comme Clifford D. Simak, Jack Vance, Cordwainer Smith ou Robert F. Young. L'auteur revendique d'ailleurs lui-même celles de Ray Bradbury, Robert Sheckley et Samuel Delany pour ses premiers textes. Il y a pire... Ces influences reconnues ont fait dire de Michel Demuth qu'il était le plus américain des auteurs français, certes, mais, comme Francis Carsac, Stefan Wul ou Nathalie Henneberg, avec une french touch qu'il n'a cessé d'affirmer au fil des années. Ses dernières nouvelles, absolument splendides, baroques, surréalistes, magiques, traduisent bien « cettevolonté d'accorder au style une grande importance », comme l'affirme l'auteur dans l'excellente interview menée par Richard Comballot, présente à la suite des nouvelles et juste avant la splendide autofiction « The Fullerton Incident » qui clôt cet imposant volume.
Une histoire de la S-F, disions-nous, peuplée d'auteurs que Demuth admirait réellement : « Globalement, il se raconte des histoiresdeplusenpluspassionnantesetde mieux en mieux écrites, quand il s'agit d'écrivains tels que Jonathan Carroll, Dan Simmons, William Gibson, Paul J. McAuley ou Poppy Z. Brite. Ce qui s'est perdu, c'est qu'il y a vingt ou trente ans, les grands auteurs avaient une individualitétrèsforte,ilsneseressemblaientpas.BallardétaitBallard.Dickétait Dick. Sheckley était Sheckley. »
La liste pourrait bien sûr être longue car Ellison était Ellison, Sturgeon était Sturgeon et Moorcock était Moorcock. Mais c'est une autre histoire. Celle d'avant les étagères sombres perdues quelque part à l'est du Cygne, tout au fond de l'univers.
Et un type comme Michel Demuth, qui a dirigé les revues Galaxie et Hitchcock Magazine, les collections « Galaxie Bis » et « Club du livre d'anticipation », créé la série d'anthologies thématiques Marginal, traduit entre autres Dune, 2001 l'Odyssée de l'espace et Elric le Nécromancien, écrit une histoire du futur, « Les Galaxiales », inachevée, certes, mais qui a tout de même eu le Grand Prix de la S-F alors qu'on ne le décernait qu'à des romans, ne peut décemment pas y croupir indéfiniment. Alors ruez-vous vers la grande surface culturelle la plus proche et libérez-y son recueil. Si vous embarquez au passage les romans de Jeury et Wilson, personne ne vous en tiendra rigueur.