Invitation au supplice
Vladimir NABOKOV
Titre original : Priglachenie na kazn' Traduction de Jarl PRIEL
GALLIMARD
(Paris, France), coll. Folio n° 1172
Dépôt légal : 1980 Roman, 250 pages, catégorie / prix : 6,90 F ISBN : 2-07-037172-7
Critiques
Une des caractéristiques du fantastique moderne, c'est qu'il s'est pratiquement constitué en dehors des collections spécialisées, pour surgir dans le champ de la littérature générale. Ainsi, alors que les collections spécialisées se contentent souvent de resservir un fantastique hérité du XIXe siècle et qui trouve son dernier sursaut d'originalité avec Lovecraft, le genre a évolué parallèlement, de Gogol au « réalisme magique » sud-américain, se coupant radicalement d'avec les formes figées qui continuent de se perpétuer (parfois avec un certain bonheur d'expression comme chez un Stephen King). Vladimir Nabokov fait partie de ces grands écrivains étiquetés mainstream, mais que les amateurs de polar devraient connaître pour Lolita et les amateurs de fantastique pour Invitation au supplice (entre autres.,.). Ce fantastique-là s'apparente à Kafka, en passant par Gogol (cf. Le nez in Nouvelles de Pétersbourg), et consiste, grosso modo, à présenter l'extraordinaire sur le ton du banal. Ce roman, qui remonte précisément à la première période russe de Nabokov (avant le passage à la langue anglaise), pourrait presque se donner comme la suite du Procès. Ce serait, en somme. L'emprisonnement. Comme Joseph K., Cincinnatus C. a du mal à être plus, civilement ou socialement, qu'une initiale. Il attend son exécution dans une curieuse forteresse, recevant des visiteurs qui ne cessent de le tourmenter. Le réel est gauchi par l'attente de la Mort. Mais surtout Nabokov donne à penser, sur un ton de farce tragique, que, pour paraphraser Sartre, « la prison, c'est les autres ». Un chef-d'œuvre du fantastique moderne, qui date d'avant-guerre mais qui, plus que jamais, mérite qu'on aille le découvrir. Bruno LECIGNE Première parution : 1/9/1980 dans Fiction 311 Mise en ligne le : 15/12/2010
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