De la science-fiction japonaise, on connait un peu le cinéma, davantage les anime, et plus encore les mangas, mais rien ou presque côté littérature, à l'exception de quelques auteurs aux limites du genre, dont nous nous faisons de temps à autre l'écho dans ces pages (
Murakami Ryû,
Murakami Haruki). C'est ce vide que semble vouloir combler Glénat avec cette nouvelle collection. Et si les trois auteurs choisis pour l'inaugurer sont de parfaits inconnus, leurs œuvres en revanche nous sont déjà précédemment parvenues par le biais de diverses adaptations.
De
The Sky Crawlers, on a pu voir il y a un an l'anime qu'en a tiré Mamoru Oshii, le réalisateur du classique
Ghost in the Shell. Une version loin d'avoir fait l'unanimité (je vous renvoie notamment à la critique de
Pierre Stolze in
Bifrost n°58). En tous cas, on ne pourra pas lui reprocher de ne pas avoir été fidèle à son matériau d'origine.
Le roman met en scène un groupe d'enfants particuliers, baptisés kildrens, pilotes de chasse participant à une guerre aérienne. Entre deux missions, ils passent le temps comme ils peuvent, dans une sorte de présent perpétuel et figé, sans souvenirs du passé, sans autre futur envisageable que de nouveaux combats, jusqu'à la mort. Longtemps on ne saura rien de la nature exacte de ces personnages, ni du conflit auquel ils participent. De manière assez artificielle (c'est le principal défaut de ce roman), Mori Hiroshi repousse ces révélations jusqu'aux dernières pages du livre.
Malgré cela,
The Sky Crawlers fonctionne, avant tout grâce à l'ambiance singulière qu'il distille. Baignant dans une torpeur et une étrangeté permanentes, impeccablement servi par une écriture d'une élégante sobriété, le récit nous conduit vers une conclusion aussi tragique qu'inévitable. Créés pour tuer, ces enfants, malgré toutes leurs tentatives, s'avèrent incapables de donner une autre direction à leur vie. Sous ses airs nonchalants, le roman de Mori Hiroshi est en réalité d'une terrible noirceur, et le portrait qu'il fait de cette génération sacrifiée est particulièrement touchant.
[...]
1 Premier bilan mitigé donc pour cette nouvelle collection. Si
The Sky Crawlers mérite le détour et nous fait découvrir un univers fort singulier, on conseillera en revanche d'ignorer les deux autres, produits de série des plus médiocres.