GALLIMARD
(Paris, France), coll. Folio SF n° 401 Date de parution : 27 mars 2011 Dépôt légal : mai 2011, Achevé d'imprimer : 12 mai 2011 Réédition Recueil de nouvelles, 352 pages, catégorie / prix : F7b ISBN : 978-2-07-044125-9 Format : 10,8 x 17,8 cm✅ Genre : Science-Fiction
Disponible aux formats numériques Epub et Pdf depuis le 1er juillet 2021 au prix de 7,99 €.
Et si un monstre marin répondait à l'appel lancinant d'une corne de brume ? Et si se promener seul dans votre ville vous valait des problèmes avec la police ? Et si vous receviez la visite de la sorcière d'avril ? Et si vous deviez partir demain pour Mars ? Et si vous tuiez un homme à mains nues ? Et si vous étiez l'inventeur d'une étrange machine volante ? Et si vous étiez confronté à un assassin de téléphones et de télévisions ? Et si votre fusée faisait route vers le soleil ? Et si...
Tout l'art de Ray Bradbury est concentré dans Les pommes d'or du soleil, recueil comprenant vingt-deux nouvelles : autant de perles mêlant la science-fiction, le fantastique et l'absurde, et nous faisant passer du rire aux larmes.
Né en 1920, Ray Bradbury s'impose rapidement comme un écrivain majeur, faisant paraître une série de nouvelles oniriques et mélancoliques, plus tard réunies sous le titre de Chroniques martiennes. Publié en 1953, Fahrenheit 451, qui assoit la réputation mondiale de l'auteur, sera porté à l'écran par Francois Truffaut.
1 - La Corne de brume (The Fog Horn / The Beast from 20,000 Fathoms, 1951), pages 13 à 28, nouvelle, trad. Richard NÉGROU rév. Philippe GINDRE 2 - Le Promeneur (The Pedestrian, 1951), pages 29 à 36, nouvelle, trad. Richard NÉGROU rév. Philippe GINDRE 3 - La Sorcière d'avril (The April Witch, 1952), pages 37 à 54, nouvelle, trad. Richard NÉGROU rév. Philippe GINDRE 4 - Les Grands espaces (The Wilderness, 1952), pages 55 à 71, nouvelle, trad. Richard NÉGROU rév. Philippe GINDRE 5 - Les Fruits au fond de la coupe (The Fruit at the Bottom of the Bowl / Touch and Go!, 1948), pages 72 à 91, nouvelle, trad. Richard NÉGROU rév. Philippe GINDRE 6 - Le Garçon qui était invisible (Invisible Boy, 1945), pages 92 à 110, nouvelle, trad. Richard NÉGROU rév. Philippe GINDRE 7 - La Machine volante (The Flying Machine, 1953), pages 111 à 119, nouvelle, trad. Richard NÉGROU rév. Philippe GINDRE 8 - L'Assassin (The Murderer, 1953), pages 120 à 136, nouvelle, trad. Richard NÉGROU rév. Philippe GINDRE 9 - Le Cerf-volant doré et le vent argenté (The Golden Kite, the Silver Wind, 1953), pages 137 à 146, nouvelle, trad. Richard NÉGROU rév. Philippe GINDRE 10 - Je vous vois jamais (I See You Never, 1947), pages 147 à 153, nouvelle, trad. Richard NÉGROU rév. Philippe GINDRE 11 - Broderie (Embroidery, 1951), pages 154 à 161, nouvelle, trad. Richard NÉGROU rév. Philippe GINDRE 12 - Les Noirs contre les Blancs (The Big Black and White Game, 1945), pages 162 à 184, nouvelle, trad. Richard NÉGROU rév. Philippe GINDRE 13 - Un Coup de tonnerre (A Sound of Thunder, 1952), pages 185 à 208, nouvelle, trad. Richard NÉGROU rév. Philippe GINDRE 14 - Le Vaste monde par-delà des collines (The Great Wide World Over There, 1952), pages 209 à 229, nouvelle, trad. Richard NÉGROU rév. Philippe GINDRE 15 - La Centrale électrique (Powerhouse, 1948), pages 230 à 245, nouvelle, trad. Richard NÉGROU rév. Philippe GINDRE 16 - En la noche (En la noche / Torrid Sacrifice, 1952), pages 246 à 253, nouvelle, trad. Richard NÉGROU rév. Philippe GINDRE 17 - Côté ombre, côté soleil (Sun and Shadow, 1953), pages 254 à 266, nouvelle, trad. Richard NÉGROU rév. Philippe GINDRE 18 - La Prairie (The Meadow / Meadow of the World, 1953), pages 267 à 290, nouvelle, trad. Richard NÉGROU rév. Philippe GINDRE 19 - L'Éboueur (The Garbage Collector, 1953), pages 291 à 298, nouvelle, trad. Richard NÉGROU rév. Philippe GINDRE 20 - Le Grand incendie (The Great Fire, 1949), pages 299 à 309, nouvelle, trad. Richard NÉGROU rév. Philippe GINDRE 21 - Adieu et bon voyage (Hail and Farewell, 1953), pages 310 à 322, nouvelle, trad. Richard NÉGROU rév. Philippe GINDRE 22 - Les Pommes d'or du soleil (The Golden Apples of the Sun, 1953), pages 323 à 333, nouvelle, trad. Richard NÉGROU rév. Philippe GINDRE
Bradbury a des adorateurs qui se pâment en le lisant, et des détracteurs qui méditeraient facilement de le griller à petit feu. Les uns et les autres sont fermement ancrés dans leur jugement et refusent d'en dévier seulement d'un pouce. Celui pour qui toute ligne signée Bradbury est sacrée se montre tout aussi entêté que celui qui le vomit en bloc. Pour un auteur, c'est déjà un honneur que de ne pas provoquer des réactions tièdes. Mais pourtant, il est possible de se convertir à Bradbury comme il est possible d'en guérir, selon qu'on aura à la longue discerné ses qualités derrière ses défauts ou réciproquement. Et il peut surtout être recommandé de l'aimer tel qu'il est, à cause de ses qualités et malgré ses défauts, tout en distinguant clairement ce qui compose ces deux éléments.
Chaque fois que « Fiction » parle de Bradbury (jusqu'ici, toujours pour lui tresser des louanges), il y a des lecteurs qui écrivent : « Assez ! N'en jetez plus ! À mort Bradbury ! On n'en veut plus ! » Ces cœurs farouches ricaneront peut-être de plaisir si je leur avoue que « Les pommes d'or du soleil » (The golden apples of the sun), publié chez Denoël, est son plus mauvais livre ; et ils hausseront les épaules si je leur dis que cela ne m'empêche pas de continuer à estimer Bradbury…
Les critiques américains n'ont pas été très tendres pour « Les pommes d'or du soleil » lorsque le recueil parut aux U.S.A. voici trois ans. Il faut faire là la part de la déception qui suit les trop grandes espérances. Après les « Chroniques martiennes » et « L'homme illustré » (*), on pouvait – on devait – attendre énormément de Bradbury… et certainement pas ce recueil mi-chair mi-poisson, mi-figue mi-raisin, fait de bric et de broc et pareil à un vêtement fabriqué de pièces. En fait, les circonstances atténuantes se dégageaient d'elles-mêmes de la composition de l'ouvrage : les précédents avaient été un florilège de tous ses meilleurs récits parus auparavant et celui-ci réunissait les autres, les (plus ou moins) laissés pour compte. Bradbury était victime de sa popularité qui l'avait forcé à faire paraître dans les plus brefs délais un nouveau titre. Cela explique l'aspect un peu « fonds de tiroir » du livre, qui sur vingt-deux nouvelles en reprend seize publiées de-ci de-là entre 1945 et 1952.
Défaut primordial de ce recueil : son aspect totalement hétéroclite, que le texte de présentation sur la jaquette tente désespérément d'enrober derrière un concept d'« unité humaine ». Un tiers à peu près des histoires est réaliste et n'a rien à voir avec le fantastique ou la SF ; un autre tiers s'y rattache plus ou moins vaguement ; et seul le restant y rentre véritablement. Dans un certain nombre d'entre elles, on retrouve la « patte » de Bradbury ; d'autres ne sont pas mauvaises, mais pourraient être signées de n'importe qui ; d'autres encore ne valaient même pas d'être publiées.
Chose notable, les meilleures sont pour la plupart celles de sujets purement SF ou fantastiques, et les plus mauvaises celles de sujets purement réalistes. À vrai dire, Bradbury semble aussi peu fait pour décrire la vie quotidienne du temps présent que s'il n'avait jamais regardé le monde qui nous entoure ; c'est exactement comme s'il vivait sur une autre planète (vous savez laquelle !).
Le thème de l'aboutissement psychologique monstrueux de la civilisation mécanisée, qui lui est cher, a fourni le prétexte de deux excellentes histoires : « Le promeneur » (inoubliable et déjà classique, depuis que « Fiction » en a présenté en février 1954 une traduction intitulée « L'arriéré ») et « Le criminel », où l'on voit un homme « tuer » tous les appareils à faire du bruit et à dévorer l'âme.
Très bradbury en aussi, ce si joli « Désert semé d'étoiles» (dont vous avez également pu lire une traduction dans notre numéro 28 sous le titre « Le désert d'étoiles »), incantation sur le mode mineur pour célébrer l'amour et conjurer la nuit.
« Un coup de tonnerre » mérite une mention spéciale, étant une des rares histoires de Bradbury à rouler sur les voyages dans le temps ; elle est frappante et un peu facile, car les données sont trop ouvertement truquées. (Comparer avec la rigueur de Poul Anderson expliquant « L'autre univers », dans notre numéro 32).
Les scientifiques riront bien en lisant « La sirène » et « Les fruits d'or du soleil» (il s'agit bien là des « pommes » du titre, mais elles ont mystérieusement changé de dénomination dans le corps du livre), deux histoires où on voit respectivement un monstre préhistorique se réveiller en « entendant » (?) la sirène d'un phare… depuis le fond de la mer, et un astronef « entrer » (??) dans le soleil… pour en voler un morceau (!!!). D'ailleurs les scientifiques auront tort, puisque Bradbury se soucie de poésie et non de science, et que sur ces thèmes absurdes il a brodé deux vignettes ravissantes.
Dans un autre domaine, celui du fantastique pur, il nous donne également « Adieu et bon voyage », curieuse histoire d'un enfant-homme, et cette délicieuse réussite qu'est «La sorcière du mois d'avril », évocation troublante et tendre qui a toute la grâce d'un conte de fées.
Dans le reste des histoires, se côtoie le meilleur et le moins bon. Récits « engagés » concernant une fois de plus la suprématie morale des hommes de couleur sur les blancs (« La grande partie entre noirs et blancs », « Soleil et ombre »), portraits psychologiques touchants (« Le vaste monde au-delà des montagnes ») ou factices (« Station génératrice »), morceaux attachants où le quotidien débouche sur un irréel ou un merveilleux « internes » (« Les fruits posés au fond de la coupe », « La prairie »), petits apologues moralisateurs nettement stupides (« La machine volante », « Le cerf-volant doré et le vent argenté»), « tableaux vécus » maladroits, aux attraits faibles ou inexistants (« Je ne vous reverrai plus jamais », « En la noche » ; « Service de voirie », « Le grand incendie »). Enfin, dans une catégorie à part, rangeons « L'enfant invisible», conte baroque et plaisant sur un faux thème fantastique, et « Broderie», morceau symbolique assez hermétique qui peut faire penser aux trois Parques, à l'autodestruction atomique du globe, et à tout ce qu'on voudra.
En anglais, « Les pommes d'or du soleil » valent, comme de juste, par une prose admirable que la traduction d'un honnête tâcheron a ici considérablement banalisée. Les bourdes ne sont qu'épisodiques, mais l'ensemble est d'une platitude que nul essor ne vient animer. Naguère aussi, dans la même collection, «L'homme illustré » fut abîmé par son traducteur, mais c'était un livre qui pouvait se suffire à lui-même. Pour « Les pommes d'or », c'est plus ennuyeux…
(*) J'omets volontairement « Dark carnival », remarqué à sa parution seulement dans le cercle des amateurs de fantastique
Alain DORÉMIEUX Première parution : 1/10/1956 Fiction 35 Mise en ligne le : 2/7/2025