Sorg Lancray est le maître des redoutables Chimères de la Mort, des créatures mi-tigre, mi-gorille, obtenues par manipulations génétiques et dressées pour tuer.

     De retour d'une mission sur la Lune, Sorg découvre avec stupéfaction que Bran, son frère maudit qu'il ne voit plus depuis des années, est mort. Ce dernier lui a légué le fruit de ses recherches rigoureusement interdites  : Onyx, une chimère aux étranges pouvoirs.

     Dans le secret du fort de la Conchée, la demeure familiale au large de Saint-Malo, Sorg entreprend de dresser la mystérieuse chimère...

     En 2075, les exploits du général Conan Lancray sont célèbres dans toute la Confédération. A sa mort, son fils cadet, le lieutenant Sorg Lancray, est devenu le seul maître des « chimères de la mort  », trente créatures mi-tigre mi-gorille obtenues par manipulations génétiques. Ces bêtes féroces, effrayantes et puissantes obéissent aveuglément à Sorg et constituent une redoutable troupe d'élite. Appliqué, efficace et intransigeant, le jeune militaire espère ainsi pouvoir suivre les traces de son père...

     Mais sa première mission d'envergure se solde par un échec. Envoyées sur la Lune pour mater une rébellion, les chimères ont inexplicablement échappé à son contrôle et elles sont désormais bloquées dans le grand observatoire lunaire. Renvoyé sur Terre dans l'attente des décisions de l'état-major, Sorg découvre une stupéfiante chimère mi-humaine mi-panthère léguée par son frère aîné récemment décédé. Ce dernier a transgressé les règles qui interdisent les manipulations génétiques humaines. Dans quel but  ?

     Ce nouveau roman d'Eric Simard est captivant à plus d'un titre. D'abord, l'action y est rapide et les nombreux rebondissements mènent le lecteur de surprise en surprise jusqu'à un dénouement qu'il est bien difficile d'imaginer à la lecture des premiers chapitres. On pourrait d'ailleurs être légèrement déçu par la rupture thématique qui survient vers la fin, si l'auteur n'avait pas exploré une autre voie possible dans la nouvelle Clarisse, disponible dans l'anthologie Les Visages de l'humain.

     D'autre part, le personnage de Sorg est particulièrement intéressant car complexe et doté d'un riche entourage familial. Tourmenté, avec dans le regard « autant de lumière que de ténèbres », il vit dans l'ombre de son père, dont la personnalité demeure écrasante même après sa mort. Au point que Sorg s'est forgé un père de substitution, un programme informatique auquel il confie ses doutes et ses espoirs, comme s'il pouvait retrouver en lui le guide perdu. Mais Sorg est aussi tenaillé par une jalousie tenace envers son frère, parti du domicile pour avoir tenté trop tôt de rivaliser avec le père.

     Le poids de ce passé et le désir de se montrer à la hauteur ont fait de Sorg un être apparemment froid, peu accessible à la pitié, peu « humain  » pourrait-on dire. Bref, il n'est a priori guère sympathique. C'est lors du « dressage  » d'Onyx, la chimère féline, que son ambiguïté est la plus flagrante  : le conditionnement qu'il tente de faire subir à Onyx, recourant à une terrible violence, n'est pas si différent de l'éducation qu'il a lui-même reçue. Façonné par un enseignement rigide, n'est-il pas une créature modelée selon la volonté d'un autre, un être dressé, manipulé non pas génétiquement, mais mentalement ?

     Enfin, disons un mot du décor  : Saint-Malo et les îles de sa baie, lieux bien connus de l'auteur malouin, forment un cadre romanesque finalement plus original que bien des planètes lointaines  : le vieux fort où Sorg demeure avec son serviteur zélé, non loin des quelques chimères restantes, est digne d'un repaire d'aventurier ou de super-héros.

     Les Chimères de la mort réussit à coupler harmonieusement d'attrayantes aventures militaires – mais non militaristes, ni même antimilitaristes – au parcours intime d'un individu dont la froideur dissimule une fêlure. Illustrant une application possible des manipulations génétiques, ce roman propose d'abord une réflexion sur la nature de l'humain pour déboucher de manière inattendue sur la découverte de l'Autre... Cette richesse thématique en fait une œuvre aussi passionnante que stimulante.

     Les Chimères de la Mort sont de redoutables créatures obtenues par génie génétique à partir de tigres et de gorilles. Utilisées pour mater la révolte des Luniens contre la Confédération terrienne, elles échappent au contrôle de Sorg Lancray, le lieutenant qui les dirige. Cet échec compromet la brillante carrière qui l'attendait. Pour comble de malchance, son frère récemment décédé, et avec lequel il était brouillé, lui a légué un héritage encombrant : Onyx, une chimère à moitié panthère et à moitié humaine, une manipulation strictement interdite par la Confédération. Au large de Saint-Malo, sur l'île de la Conchée où se trouve la demeure familiale, Sorg, après avoir cherché à se débarrasser d'Onyx, entreprend pourtant son dressage et découvre au passage ses surprenantes facultés. Elles lui permettent d'envisager la récupération de ses Chimères et de regagner l'estime de ses supérieurs. La suite réserve encore quelques belles surprises sur la nature de la chimère et les activités du frère de Sorg, sans parler des secrets de la Confédération.

     Au-delà du récit d'aventures, le principal atout de ce roman est d'élargir la notion de conscience et de plaider pour la reconnaissance de l'autre. Le dressage sévère, voire cruel, de créatures, même fabriquées, suscite la réprobation. Pour abolir encore la frontière entre humanité et non-humanité, on croise au détour des pages des extraterrestres profondément respectueux de la vie et des « confidents » informatiques assez évolués pour passer avec succès le test de Türing. Comme Sorg, le jeune lecteur devrait, au final, faire preuve de davantage de tolérance et d'empathie.