Yvan Bidiville est un jeune auteur suisse vivant à Lausanne, qui avait débuté par une trilogie publiée à compte d'auteur, Les Nouvelles Références (Publibook). Il nous revient avec un roman chez Rivière Blanche, au titre mystérieux « 33e itération ».
Le personnage principal de ce livre s'appelle Léo Siegfried, figure archétypale de l'inspecteur usé et dépassé dans le monde qui l'entoure. Pour survivre, il use de drogues ; mais celles-ci n'ont pas pour seul but de lui soulager l'existence : elles l'aident aussi dans ses enquêtes. Car, dans ce futur proche, tout le monde, ou peu s'en faut, dispose d'un implant, qui augmente la réalité et les facultés d'analyse de son porteur. Siegfried dispose d'un très vieil implant première génération, n'a pas les moyens de s'en procurer un plus récent, et se trouve donc à la traîne, notamment vis-à-vis de son métier. Et, quand un assassin s'en prend au personnel de la société qui fabrique les implants, et se joue des tentatives de la police de découvrir son identité, Siegfried sait qu'il s'agit là de sa dernière chance...
Comme on le voit, la trame prend la forme d'un polar ; on assiste ainsi à l'enquête croisée de Siegfried et d'un autre inspecteur, Jonze, qui vont tous deux peu à peu démêler le vrai du faux de l'identité de ce fameux assassin, baptisé l'Usurpateur. Entre fausses pistes, scènes d'action très cinématographiques (l'attaque de l'appartement de Siegfried alors qu'il est dans sa salle de bains), rebondissements,
Bidiville gère de manière très satisfaisante l'aspect policier. D'autant plus que celle-ci est fortement teintée de cyberpunk : les implants sont au cœur de l'intrigue, et participent de la résolution du mystère de l'identité du tueur. Cette thématique, au-delà de la seule interrogation du bien-fondé et des dangers des progrès technologiques, permet à l'auteur de se lancer dans une réflexion assez intéressante sur la notion d'être humain et de son devenir. Entre les implantés et les « indigènes » (qui sont encore intègres, n'ayant pas cédé à la sirène des implants), lesquels ont au fond raison ?
Le roman ne s'arrête pas là : une couche supplémentaire est en effet présente, sous la forme du cadre général, celui d'une Suisse du futur, dans laquelle on assiste à la montée de tous les extrémismes et du racisme. Si ce décor rajoute son quota d'agitation et de paranoïa, il m'a semblé largement sous-exploité (hormis dans une scène, où l'assassin tue une personne en pleine manifestation), et pas très bien amené : les scènes d'exposition du début du roman, notamment, sont maladroites et parfois indigestes. Dommage, car si Bidiville avait su mieux intégrer cette partie de l'intrigue, il nous aurait donné un excellent livre.
Polar cyberpunk teinté de prospective proche, roman intéressant mais perfectible, signé d'Yvan Bidiville, jeune auteur suisse quasi-débutant (après des livres publiés à compte d'auteur), 33e itération se révèle une sympathique découverte, et nous prouve, s'il en était encore besoin, la vitalité de la communauté suisse de l'imaginaire.
Bruno PARA (lui écrire)
Première parution : 24/12/2012 nooSFere