Robert LAFFONT
(Paris, France) Dépôt légal : mars 1985, Achevé d'imprimer : 7 mars 1985 Première édition Roman, 636 pages, catégorie / prix : 110 FF ISBN : 2-221-01292-5 Format : 15,3 x 24,0 cm✅ Genre : Imaginaire
Au mois d'avril 1589, sous le règne d'Elisabeth, Andrew Battell, âgé de trente et un ans, s'embarque à bord d'un corsaire dans l'intention de grappiller sa part des richesses du Nouveau Monde. Mais Dieu et les vents disposent des desseins des hommes. Et Andrew fait naufrage, tombe sur la côte du Brésil aux mains de cannibales puis, remis aux Portugais, convaincu de piraterie, il est expédié incontinent en leur colonie de l'Angola.
Simple hors-d'œuvre. Car le vrai destin de Battell, c'est l'Afrique, l'énorme continent à peine égratigné par la curiosité et la rapacité de l'Europe. Il va y connaître une odyssée insensée, s'y trouver dix fois menacé d'exécution ou de mort maligne, être sauvé tantôt par une belle métisse, tantôt par un guerrier noir, l'une séduite, l'autre surpris par son teint clair et ses cheveux d'or.
Mais surtout, après avoir bourlingué, exercé tous les métiers, et pour le compte de ses ennemis portugais celui d'homme de guerre, il va être adopté par le plus féroce des peuples noirs, les Jaqqas aux dent aiguisées, la tribu des grands chaudrons. Et il va devenir lui-même un Jaqqa blanc, anthropophage, perpétuel errant, convaincu qu'il faut délivrer la Terre-mère des liens et fardeaux dont l'ont accablée les sédentaires. Il va être le confident, le frère de Calandola, l'Imbe-Jaqqa, le Seigneur des Ténèbres, recevoir de lui femme et protection, recueillir son étrange sagesse et finalement le trahir.
Cette œuvre est à la fois roman historique, récit d'aventures, de passions et de violences, évocation ethnologique et fresque toute bruissante des cris de la forêt.
Mais c'est aussi une histoire vraie, car Andrew Battell a réellement existé et Robert Silverberg s'est livré à une énorme recherche pour restituer l'ambiance de tout l'ouest de l'Afrique noire en cette fin du XVIe siècle.
Critiques
Le propre du grand auteur, ou plutôt de l'auteur « véritable », est sans doute de ne pas se laisser enfermer dans un genre particulier, surtout s'il ressent le besoin d'aller voir ailleurs quel temps il fait et de s'essayer à d'autres tonalités, à d'autres styles. C'est pourquoi des gens comme Gène Wolfe, Ursula Le Guin, Michaël Moorcock, John Brunner, Orson Scott Card, et quelques autres, sont à mes yeux plus que de simples auteurs de S.F., de très grands Écrivains, pour avoir osé ajouter à leurs talents (qui ne sont plus à démontrer) le fait de transgresser cette coutume selon laquelle on doit rester fidèle au créneau dans lequel on s'est précédemment distingué et fait une réputation. De la même manière, certains auteurs du mainstream, Jean Hougron en tête pour les français, doivent aller à rencontre de leurs éditeurs et autres directeurs littéraires, pour écrire et publier des textes ne relevant pas de la littérature générale et lorgnant — plus ou moins franchement selon les cas — sur la S.F. et le Fantastique, ces genres étant encore mal connus et parfois mal aimés par l'establishment littéraire et... le grand public. De fait, certaines œuvres, que l'on pourrait qualifier d'hybrides, ne voient pratiquement jamais le jour chez nous et c'est bien regrettable. Aussi pouvions-nous nous réjouir en voyant sortir un tel roman chez Laffont, en espérant que l'on en parlerait et qu'il permettrait de faire connaître l'œuvre du père de L'oreille interne et Les monades urbaines à ce même grand public. Or, rien. La presse générale ne s'en est pas fait l'écho et à ce jour, plus d'un semestre après sa parution, la presse dite spécialisée, à l'exception de Science-Fiction, sous la plume d'Emmanuel Jouanne n'en a pas fait mention ! Une fois de plus, dommage. Car Le seigneur des ténèbres, roman d'aventures basé sur une histoire véridique, fait incontestablement partie de ce que j'ai lu de meilleur ces derniers mois. Son histoire solide et charpentée est tout à fait crédible, son atmosphère également, ses personnages ne sont pas de simples fantoches mais vivent véritablement, tout comme le décor... tout ce qui chez d'autres n'est que prétexte à tirer à la ligne.
Tout commence — nous sommes à la fin du seizième siècle — lorsque Andrew Battell part sur mer, à bord d'un corsaire, chercher fortune. Fait prisonnier par les portugais, il est envoyé en Afrique. Là, commencent pour lui de nouvelles aventures, dépassant en intensité tout ce qu'il aurait pu prévoir, qui donneront à ce livre un tour inattendu qui risque d'en surprendre plus d'un, même parmi les familiers du vieux Bob. De plus, le style employé est des plus riches et l'on ne peut que féliciter Natalie Zimmermann, la traductrice, pour avoir su restituer parfaitement le ton et la langue — pourtant des plus délicates vu l'option prise par l'auteur de recréer le langage de l'époque — d'origine.
Alors, s'il vous reste un peu de temps et une centaine de francs à consacrer à vos lectures, n'hésitez pas une seconde et achetez Le seigneur des ténèbres qui, soyons en sûr, et ce n'est pas si fréquent pour que l'on puisse le signaler, fera le bonheur de tout votre entourage !