GALLIMARD
(Paris, France), coll. Série noire Dépôt légal : janvier 2015 Première édition Roman, 514 pages, catégorie / prix : 19,90 € ISBN : 978-2-07-014548-5 Format : 15,5 x 22,5 cm Genre : Science-Fiction
Couverture d'après photo (c) Blen Images - Colin Anderson / Getty Images.
Dans le Wyoming, une petite fille perçoit en un clin d'œil les secrets les plus sombres de tout un chacun. À New York, un homme décrypte les fluctuations des marchés financiers et engrange 300 milliards de profit en une semaine. À Chicago, une femme maîtrise le don d'invisibilité en sachant d'instinct se placer là où personne ne regarde. On les appelle les « Brillants », et depuis les années 1980 1 % de la population naît avec ces capacités aussi exceptionnelles qu'inexplicables.
Nick Cooper est l'un d'eux : agent fédéral, il a un don hors du commun pour traquer les terroristes. Sa nouvelle cible est l'homme le plus dangereux d'Amérique, un Brillant qui fait couler le sang et tente de provoquer une guerre civile entre surdoués et normaux. Mais pour l'arrêter, Cooper va devoir remettre en cause tout ce en quoi il croit, quitte à trahir les siens.
Originaire du Michigan, Marcus Sakey a suivi des études en communication et sciences politiques avant de se consacrer à l'écriture. Auteur de plusieurs best-sellers aux États-Unis, il nous offre dans ce premier volet de la trilogie des Brillants un thriller doublé d'une critique sociale subtile et corrosive. Le monde des Brillants est une légère uchronie qui met cruellement en relief l'horreur du nôtre. Où naître doué d'humanité peut s'avérer la pire des malédictions.
Critiques
Soudain, des enfants naissent un peu partout dans le monde avec des pouvoirs spéciaux. L'origine de leurs talents est inconnue, mais la société se modifie énormément. Comment, en effet, s'occuper de gamins dont les capacités dépassent de mille fois celles des adultes qui en ont la charge ? Les Brillants, considérés initialement – c'est-à-dire quand ils étaient peu nombreux – comme un cadeau du ciel, deviennent peu à peu encombrants, voire menaçants – quand ils commencent à devenir très nombreux et à représenter le futur stade de l'évolution humaine. Ils sont ainsi considérés comme des parias, des inadaptés. Certains Brillants se révoltent, et l'un d'entre eux commet l'irréparable : un acte terroriste sanglant. Dès lors, ils deviennent les ennemis numéro 1 de la société. Le Département Analyse et Réaction est créé, qui est chargé d'éliminer les risques potentiels liés aux doués les plus dangereux, tandis que les autres sont envoyés dans des fondations afin de leur inculquer les bonnes manières. Nick Cooper est un agent fédéral qui travaille au DAR. Signe distinctif : il est lui-même Brillant, tente de faire comprendre à ses pareils qu'ils doivent faire profil bas pour que la situation s'améliore, et est prêt à tuer d'autres doués comme lui s'il considère que leur présence est néfaste à la réconciliation globale...
Très curieusement publié dans la Série Noire de Gallimard (certes, il s'agit d'un polar, mais la composante science-fictive est quand même extrêmement présente, voire prédomine), ce gros roman fera inévitablement penser aux X-Men. Il y a les gentils (Nick Cooper) prêts à cohabiter avec les humains normaux, et les méchants (John Smith) qui usent de moyens hautement condamnables pour faire entendre leur voix. Toutefois, on n'est pas ici dans un film de super-héros, on ne trouvera aucune cape, mais bien dans un policier où un homme seul va tenter de mettre fin à la menace, tout en essayant de ne pas trop exposer sa famille. Le terme de film utilisé plus haut est volontaire, car l'écriture très efficace et visuelle de Sakey la rend propice à une adaptation cinématographique. Diablement rythmé, le roman ne laisse guère de temps mort au lecteur, et se lit donc avec un grand plaisir... jusqu'à un twist aux deux tiers du roman. Un rebondissement, qu'on se gardera bien de dévoiler, mais qui est parachuté sans aucune espère de travail de crédibilisation, se révèle donc tellement gros et invraisemblable qu'il ravale ce roman, qui présentait jusque-là un vrai capital sympathie, au rang d'énième variation hollywoodienne autour de la théorie du complot. Dommage, Sakey avait fait un travail remarquable sur la psychologie de ses personnages, qu'il gâche donc dans les grandes largeurs. Le ressort est cassé et, même si le roman conservé sa dynamique et sa force d'impact, on ne peut s'empêcher d'imaginer à ce qu'il aurait pu être si son auteur n'avait pas cédé aux bonnes grosses ficelles du thriller cinématographique.
Premier volet d’une trilogie. Tout est dit : Les Brillants est la longue mise en place d’une intrigue qui n’explose véritablement que dans le dernier chapitre, le temps pour le lecteur de se dire qu’il devra attendre 2016 pour lire la suite. Que l’on ne se trompe pas : Les Brillants est un roman éminemment sympathique. Oui, sympathique : c’est bien cela. Tout dans ce livre fonctionne parfaitement. L’intrigue est sans réelles surprises, mais on la suit avec assez d’intérêt pour continuer à tourner les pages. La construction de l’ensemble est habile, évitant l’écueil du thriller qui s’essouffle une fois les prémices posées. Les personnages sont soit les salauds attendus, soit des héros torturés par leur mission et ses enjeux. Sans oublier une histoire d’amour contrariée.
Le point de divergence se situe en 1980, quand ont commencé à naître des Brillants. Des personnes qui ont développé en grandissant des talents leur permettant, selon les individus, d’être de géniaux mathématiciens, de sublimes musiciens ou des économistes incroyables. John Smith, lui, a choisi la voie du terrorisme, tuant un sénateur et entraînant les États-Unis dans une situation impossible. Comment vivre alors avec ces Brillants ? Comment être sûr de ne pas disparaître à terme ? Certains, à Washington, les considèrent comme des dangers pour la société, voire pour l’ensemble de l’humanité, rendue tellement faible par sa banalité génétique. Entre en jeu le DAR, organisme d’état bénéficiant de moyens colossaux, spécialisé dans la poursuite de ces criminels d’un genre nouveau. Nick Cooper est un agent d’élite, un des meilleurs « extincteurs de réverbère ». Il est lui aussi un Brillant, capable de percevoir les intentions d’une personne avant même qu’elle n’agisse.
Jusqu’à ce qu’un attentat terrible frappe New York et que Nick se propose d’être désigné comme coupable afin de pouvoir rejoindre les cercles terroristes, trouver John Smith et le tuer. À moins que la guerre civile n’éclate avant.
Il est possible d’être très sévère avec un tel livre. Les X-Men, Jason Bourne, les influences sont tellement nombreuses que l’on peut sans forcer lui reprocher son manque d’originalité. Est-ce un tort ? On peut s’autoriser à en douter. À défaut de révolutionner le genre de l’uchronie, Les Brillants s’avère être un thriller assez efficace pour qu’on se promette de jeter un œil à la suite.