Isaac ASIMOV Titre original : The Bicentennial Man and Other Stories, 1976 Première parution : États-Unis, New York : Doubleday, août 1976ISFDB Traduction de Marie RENAULT Illustration de Stéphane DUMONT
DENOËL
(Paris, France), coll. Présence du futur n° 255 Dépôt légal : 1er trimestre 1978, Achevé d'imprimer : 6 mars 1978 Première édition Recueil de nouvelles, 288 pages, catégorie / prix : 2 ISBN : néant Format : 10,9 x 17,9 cm✅ Genre : Science-Fiction
12 nouvelles du grand ancêtre, qui ne raccroche pas, à son propre étonnement d'ailleurs. Nouvelles reliées par de petites notes qui renvoient à la genèse des histoires, ou à leur commande, éclairant les rapports des auteurs US et du SF-Business. Récits récents : de 1966 à 1976. Ils permettent de saisir la présence feutrée, dans l'œuvre d'Asimov, des thèmes de la nouvelle SF, moins inconditionnelle de la Science. Et malgré tout, il me semble que cela illustre un changement subtil chez l'auteur. Mais nuancé : il ne faut pas dérouter le public fidèle, et chacun sait à quel point il est — en SF comme ailleurs — conservateur. Chaque génération de lecteurs érige en âge d'or les auteurs et les textes qui correspondent à son adolescence, toute variation brusquée l'amène à penser que décidément la SF n'est plus ce qu'elle était. De mon temps... On peut imaginer sans peine que les nouvelles « robotiques » d'Asimov correspondent assez bien à l'idéologie de la science et des couches attirées par la technique à l'époque de Campbell. Cette idéologie, la SF à la fois la reflète et la constitue en mythe du progrès. Dans le paysage qui achangé, ces textes qui en gros reprennent les mêmes thèmes ne vont-ils pas paraître anachroniques ? Comme des promesses électorales quelque temps après les élections, qui rendent un son curieux, et qui se révèlent comme du creux sous la luxuriance des images qui amusaient le regard. Asimov évolue prudemment. On ne peut plus aujourd'hui accepter sans un rire jaune des discours comme celui-ci « Tous les, hommes et les femmes de la Terre peuvent faire ce qui leur plaît pourvu toutefois que Multivac (l'Ordinateur) qui juge tous les problèmes humains d'une façon parfaite, ne considère pas que le choix en question est contraire au bonheur humain ». Ce bonheur-là nous semble insoutenable ( ! !).
Aussi Asimov est-il obligé de déplacer,sans la renier, sa problématique. Comparer aux variations déjà présentes dans Toute la Misere du Mondein Après (Marabout).
Curieusement, les textes relevant des trois lois fameuses sont aussi repris et gauchis, sauf dans la 1re nouvelle. Celle qui donne son titre au recueil est une sorte d'inversion du thème : un robot qui, par greffes successives, se transforme en humain, pour acquérir enfin le repos de la mort. Pessimisme ? Non, c'est présenté comme une promotion. L'inverse aussi : dans L'incident du tricentenaire, un robot efficace a pris la place d'un président dépassé : doit-on le dénoncer ? En notre époque de délation organisée, valorisée, on peut tout craindre, même ça ! En apparence, ce sont bien les mêmes thèmes, les mêmes lois, les mêmes environnements scientifiques — encore que la fameuse firme qui construit — pour Asimov les robots positroniques semble poursuivre des buts de moins en moins avouables (cf Homme bicentenaire).En fait, à la manière des libéralismes avancés, on récupère ici un certain nombre de thèmes : comparer Simulacres de Dick, et l'Incident du tricentenaire,par exemple. Ou le désir d'un rythme authentique, opposé à la mécanisation de la vie (Marchin in). Des recueils de cette sorte, outre leur intérêt propre — Asimov reste lui-même — amènent à réfléchir sur la prégnance des rêves sociaux d'une époque antérieure, qui continuent de fantasmer nos sociétés, bien après qu'on a vu leur aspect enfantin. L'image de la Science-Idole continue de nous imposer même si... Avec Asimov, on voit la SF négocier le virage, comme un grand pétrolier qui tente un changement de cap. Le public auquel il s'adresse a sans doute été modifié : sur 12 textes, 8 ont paru ailleurs que dans des magazines de SF, pour des lecteurs plus ouverts à la réalité des problèmes. Est-ce seulement un paradoxe ?