ALMA
, coll. Jean Ray Dépôt légal : avril 2016 Réédition Roman, 256 pages, catégorie / prix : 18 € ISBN : 978-2-36279-179-6 Format : 13,5 x 18,5 cm Genre : Fantastique
« TRIGGS EUT UNE DERNIÈRE VISION DE LA GRAND-PLACE, VIDE À PRÉSENT, ET SOUDAIN ELLE LUI PARUT AVOIR UN ViSAGE ÉNORME, HAGARD, TORDU PAR UNE ÉPOUVANTE LIVIDE. »
Ingersham ? Une placide petite bourgade de l'Angleterre profonde où les jours s’empilent comme du courrier en souffrance et où les notables s’égrènent une petite vie notablement réglée comme une horloge. L’arrivée, en plein été caniculaire, du retraité Sidney Terence Triggs, grognard de la police londonienne, va, sans qu’il s'en doute, affoler la routine pendulaire d’Ingersham. Soudain, « Ils » sont là ! Venus du fonds des siècles, heurtant les portes comme des béliers d’agonie, les spectres aux mains tremblantes entament leur funèbre sarabande : la petite ville coite et sans remous devient La cité de l’indicible peur. Les notables y meurent les uns après les autres, la mort rôde « cherchant qui dévorer ». À Triggs de descendre dans la fosse. Il y frôlera la folie, y jouera sa vie.
Publié en 1943, La cité de l'indicible peur est, avec Maipertuis, le chef-d’œuvre de Jean Ray. Il y met, sans barguigner, tout son génie : dramaturgie fantastique portée par une écriture scintillante et charnelle fastes sanglants d'un réalisme panique. Beau comme la rencontre, pour un thé arrosé, de Lovecraft et de Miss Marple, autour d'un guéridon périlleux.
Œuvre figurant parmi ce que les amateurs considèrent comme étant les chefs-d'œuvre de Jean Ray, La Cité de l'Indicible Peur,a été maintes fois rééditée depuis sa parution originale en 1943, ceci sans compter l'adaptation (peu convaincante) qu'en a fait Jean-Pierre Mocky pour le cinéma.
Construit comme un roman policier qui hésiterait à jouer au récit fantastique, l'histoire contée par Jean Ray se révèle fascinante tant que l'auteur n'en arrive pas au pensum de l'explication finale, tellement tirée par les cheveux qu'on croit relire avec stupeur les essais confus d'un mauvais imitateur d'Agatha Christie. Pourtant, les 180 premières pages s'étaient révélées pleines de trouvailles pour décrire cette atmosphère qui s'épaississaient au fur et à mesure des meurtres étranges et inexplicables qui s'étaient subitement mis à ensanglanter la frileuse petite bourgade anglaise d'Ingersham : l'aile de l'angoisse planait au-dessus du récit et des personnages de manière fort originale et tout pouvait laisser supposer que le roman allait se terminer de façon satisfaisante... Ce n'est malheureusement pas le cas et même le bref chapitre final bien venu ne parvient pas à effacer la désagréable impression que Jean Ray n'a pas vraiment su se tirer de sa propre intrigue. Dans un genre assez proche, j'avoue finalement préférer un Nous Avons Tous Peur de B.R. Bruss (réédité aussi chez NéO) même s'il est moins original et même si son « explication » semble tout droit sorti d'un récit populaire des années trente... Mais Bruss avait au moins l'avantage de rester cohérent d'un bout à l'autre de son roman.