Site clair (Changer
 
    Fiche livre     Connexion adhérent
La Plaie

Nathalie HENNEBERG

Première parution : Paris, France : Hachette, le Rayon Fantastique, 1964

Illustration de LERAF

L'ATALANTE (Nantes, France), coll. La Petite dentelle précédent dans la collection suivant dans la collection
Dépôt légal : septembre 2017
Réédition
Roman, 512 pages, catégorie / prix : 10 €
ISBN : 978-2-84172-830-5
Format : 10,8 x 17,8 cm
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture
An 3000. Une force d’origine inconnue, que l’on nomme la « Ténèbre » ou la « Plaie », s’est emparée de la Terre pour la plonger dans la souffrance, le meurtre et l’ignominie. Par l’entremise des « Nocturnes », ses agents, elle étend son règne dans l’univers des Astres libres.
     Mais la Terre elle-même sécrète l’antidote au mal qui la ronge ; il s’agit de mutants aux pouvoirs mal définis, que les Nocturnes redoutent et pourchassent : voyants, sensitifs... ou vireurs d'univers, les plus puissants, les plus mystérieux.
     Au terme d’un exode vertigineux sur des mondes hallucinants, c’est une armée hétéroclite qui fera route vers Sigma, capitale des mondes arcturiens, où l’attend l’ultime affrontement avec les forces du mal.

     Jamais le terme d’ « opéra de l’espace » ne fut plus justifié que pour désigner La Plaie, épopée lyrique, joyau de la science-fiction française. Parue en 1964, c’est l’œuvre majeure de Nathalie Henneberg, un auteur devenu mythique et qu’il faut aujourd’hui redécouvrir.
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition L'ATALANTE, Bibliothèque de l'évasion ()

La lutte sera dure, mais n'est-ce pas le plus beau sort : être personnages et spectateurs d'une épopée incomparable ? (p. 113)

     Espaces interplanétaires et altérations spatio-temporelles, guerre et invasions, mutants et pouvoirs psychiques... pas de doute, nous sommes bien dans un space opéra... mais dans l'un des plus étonnants jamais écrits.
     Le thème premier paraît manichéen, la Ténèbre semblant la représentation du mal absolu, qu'il va falloir combattre... Pourtant, la réalité est beaucoup plus complexe, et les notions pures de bien et de mal ne semblent guère intéresser l'écrivain, beaucoup plus subtil.
     Le récit de ce curieux fléau qu'est la Plaie, dont la nature exacte nous échappe, permet ainsi à l'auteur de dresser d'impressionnants parallèles aussi bien avec l'Histoire et les malheurs de l'humanité, qu'avec la Divine Comédie de Dante.
     L'intrigue, non linéaire, n'est pas centrée sur un seul héros mais sur plusieurs personnages, dont aucun n'est véritablement un héros. Bien que ces personnages soient assez complexes, Nathalie Henneberg n'approfondit pas leurs personnalités propres et n'essaye pas de les rendre particulièrement attachants ou humains. Ils sont avant tout les personnages d'une épopée incomparable et sont des figures de légende plutôt que de simples individualités.
     Porté par un style superbe, un lyrisme foisonnant, une poésie baroque et visionnaire, ce roman métaphysique particulièrement riche est donc une oeuvre dense, complexe, parfois inégale, souvent difficile, qu'il faut savourer lentement et qui marque profondément.

     Cette réédition, amplement méritée et magnifiquement illustrée par Caza, devrait permette la redécouverte du talent de Nathalie Henneberg, dont l'oeuvre personnelle est longtemps demeurée dans l'ombre de celle de Charles, son mari décédé en 1959, à laquelle elle collaborait pourtant.
     A noter l'existence d'une suite, Le dieu foudroyé paru chez Albin Michel.

Pascal PATOZ (lui écrire)
nooSFere


Edition L'ATALANTE, Bibliothèque de l'évasion (1999)

     Roman épique, grandiose par sa démesure, éblouissant par son style, les qualificatifs ne manquent pas à propos du chef-d'œuvre de Nathalie Henneberg qui, curieusement, ne connut qu'une seule réédition depuis sa sortie, en 1964.
     Le récit s'ouvre au moment de la condamnation à mort d'Airth Reg, alors qu'il s'apprêtait à sauver l'univers. Au xxxe siècle, le mal absolu est enfin identifié. Il s'agit d'un virus, qui a contaminé la Terre à différentes périodes de son histoire et dont l'origine ne serait même pas extraterrestre mais extratemporelle, voire issue d'un autre espace-temps. On l'appelle la Plaie ou la Ténèbre. Identifié, il n'a cependant pas de visage. Ses agents propagateurs, les Nocturnes, ne sont jamais clairement décrits même si les protagonistes qui s'opposent à eux les voient. La Terre attaquée risque de succomber  ; les seuls opposants crédibles à la Plaie sont les mutants, plus particulièrement ceux capables d'affecter le temps, car c'est sur ce plan-là qu'il importe de chasser le virus.
     Airth est probablement le plus puissant des mutants, mais il l'ignore encore. Deux jeunes filles, dont on suit la trajectoire dans la première partie du roman, se joindront à sa croisade  ; Villys et Thalestra, aux caractères bien tranchés, mutantes unies pour la bonne cause, se jalousent cependant pour l'amour d'Airth. D'autres protagonistes hauts en couleurs parsèment le récit, Lès Carroll, intrépide astronaute, le savant Orozov, l'ambigu Ralp Valeran qui complote pour le pouvoir... La quête est jalonnée de quelques beaux épisodes, comme la Fosse aux Cygnes où le temps et l'espace sont à ce point distordus que des images du passé apparaissent comme des fantômes.
     On est parfois frappé par la modernité de certaines idées  : Henneberg joue avec les univers parallèles et évoque sans les nommer ou en usant du vocabulaire disponible à l'époque ce qui ressortit aux manipulations génétiques et à l'informatique. Mais il faut remarquer qu'elle manipule ainsi un matériau poétique plutôt que des concepts scientifiques. Si le livre a vieilli sur quelques points mineurs, sa charge émotive est intacte  ; la splendide écriture, haute en couleurs, au lyrisme parfois excessif, finit par faire mouche.
     Quête d'absolu, réflexions philosophiques sur la nature du mal, considérations sociales au hasard des escales sur des mondes étranges, l'imposant roman de Nathalie Henneberg est avant tout à lire pour son formidable pouvoir d'évocation, pour les images qu'il déploie dans l'esprit des lecteurs. On a souvent dit de ses romans qu'il s'agissait de space-operas flamboyants. Trente-cinq ans plus tard, ce flamboiement est intact.

     [NDLR  : Une version sensiblement abrégée de cette chronique est parue dans L'Écran fantastique n° 191, novembre 1999.]

Claude ECKEN (lui écrire)
Première parution : 1/12/1999
dans Galaxies 15
Mise en ligne le : 17/5/2001


Edition L'ATALANTE, Le Rayon fantastique (1965)

    Voici le plus récent roman de Nathalie Charles Henneberg, lequel est en même temps le plus long qu'elle ait signé jusqu'à présent. Il occupe un volume double de la collection, et compte 512 pages. Il témoigne du pouvoir de renouvellement de son auteur, puisqu'il diffère de ses récits précédents, tout en portant, clairement reconnaissables, les marques de sa personnalité : style et puissance d'évocation.

    L'action se déroule au trentième siècle, alors que la terre est en proie aux attaques des Nocturnes, qui lui communiquent la Plaie. Cette plaie est morale : soif de destruction, désir de détruire, attirance du mal pour le mal. Les Nocturnes, l'auteur ne les montre jamais face à face lorsqu'ils sont en groupe. Seules leurs victimes les voient, d'ailleurs.

    Le roman raconte des épisodes de cette lutte dont la terre et les terriens ont à souffrir. L'on suit, dans leurs aventures d'abord distinctes, les êtres qui se connaîtront et se grouperont pour la part importante qu'ils doivent prendre à la confrontation finale. La conclusion est optimiste, puisqu'elle exprime le triomphe final de l'humanité et de la lumière, mais elle représente la seule partie décevante du livre – par sa brièveté, et non par son caractère. La victoire naît des pouvoirs inouïs qu'un Mutant se découvre, et le caractère brusque et expéditif de cette fin nuit à l'équilibre du roman : on a l'impression d'assister, en une vingtaine de pages, au dénouement bâclé de ce qui a été exposé sur un espace vingt ou trente fois plus grand. On est amené à se demander si cette conclusion n'a pas été « condensée » ou simplifiée pour les exigences de l'édition.

    Mais c'est là l'unique faiblesse de ce roman. Pour le reste, celui-ci possède les qualités qui rendent les écrits de Nathalie Charles Henneberg si aisément reconnaissables dans la science-fiction française actuelle. La manière de raconter est restée Inchangée, même si le développement du récit s'est modifié.

    Celui-ci est assimilable aux chants d'une épopée. Non seulement parce qu'on y suit, épisode après épisode, ce qui arrive à des personnages différents, dont les destins n'ont pas encore convergé, mais encore par l'ampleur et la vie des scènes évoquées. Ces réfugiés du trentième siècle, qui abandonnent ta terre comme leurs ancêtres avaient quitté leurs cités, revivent une tragédie qui a accompagné tous les conflits, mais qui est ici amplifiée par la gravité d'une lutte se déroulant à l'échelle cosmique. Il y a, dans cette partie du récit, des notations d'une cruauté qui n'est ni sadique ni fantastique, mais sombrement réaliste : leur intensité est nouvelle chez l'auteur.

    Pourtant, c'est lorsque certains de ces fugitifs arrivent dans la Fosse du Cygne que Nathalie Charles Henneberg se retrouve complètement dans son élément. Les épisodes précédents étaient autant de réquisitoires contre le déséquilibre d'une civilisation dont les perfections techniques n'empêchent pas certains malheureux de connaître le sort des réfugiés. La préoccupation de ce sujet n'est d'ailleurs point abandonnée, puisque les fugitifs ont la vision de groupes de déportés harcelés par les nazis au cours de la seconde guerre mondiale. La Fosse du Cygne est en effet, dans le roman, une région dans laquelle le temps et l'espace subissent d'étranges torsions, où le passé ne cesse de revivre par l'image, et où ce qui devrait normalement être lointain fait brusquement irruption au premier plan. On devine tout le parti que Nathalie Henneberg a pu tirer de telles données. La cruauté et la tragédie de l'exode cèdent la place an fantastique de l'aventure.

    Un autre élément qui acquiert une importance nouvelle dans ce roman est le facteur social non une quelconque lutte de classes, mais bien la suggestion des liens et des animosités qui pourront se créer dans une communauté cosmique de planètes diverses. Ainsi, l'auteur postule que les terriens sont traités en parents pauvres – bien que parfois nécessaires – par les habitants de l'opulente et un peu décadente Sigma d'Arcturus, où les humains remporteront leur victoire ultime. L'influence du milieu sur la psychologie des personnages est suggérée avec discrétion et vraisemblance. On peut voir là un effet de la puissance visionnaire de l'auteur, qui a une nouvelle fois créé des décors qui font appel à tous les sens humains – bien qu'ils soient parfois esquissés seulement. Mais Nathalie Henneberg sait choisir la notation qui fera penser par le lecteur ce qu'elle ne dit pas explicitement. Son talent consiste à donner à ce qui est flou, dans ses évocations, la mobilité et le caractère changeant de la vie, plutôt que l'arbitraire de la simple ébauche. 

    Changement, aussi, sur le plan des personnages. On ne retrouve pas, dans La plaie, le thème de la femme qui trouve ou retrouve celui qui lui était prédestiné, après avoir été aimée d'un autre homme. Mais on trouve une opposition entre deux jeunes femmes, Thalestra et Villys, dont le contraste est beaucoup plus subtil que celui du bien avec le mal. Que Villys soit une idéalisation, cela éclate dès son entrée en scène – mieux, avant qu'elle n'entre en scène : lorsqu'un condamné à mort pense à elle. Mais Thalestra n'est pas du tout méchante ; elle est moins pure, plus animalement femme – en puissance – que Villys. C'est en elle que naît la jalousie, mais elle ne devient pas méchante pour autant. C'est elle, aussi, qui tue l'Élu des Nocturnes ; Villys en eût été bien incapable. Mais la chose remarquable est que Villys n'est pas simplement une sainte en son auréole ; elle découvre l'amour, lorsque le roman s'achève, et elle est, à sa façon, au moins aussi attachante que Thalestra.

    La fuite des terriens, dans la première partie du livre, est racontée à travers les aventures de ces deux jeunes filles. C'est autour d'elles que se formera le groupe des protagonistes : Les Carroll, l'astronaute sans peur et sans reproche, qui eût pu être le personnage central dans quelque autre roman de l'auteur ; Ralph Valeran, dernier rejeton d'une famille régnante et sur lequel pèse toute la lignée de ses ancêtres, avec en plus quelque chose de confusément inquiétant ; Ivan Morozov, qui est, d'une manière peu conventionnelle, la personnification du savant ; et Alrth Reg, qui possède sans le savoir le moyen de mettre un terme au conflit. La plupart de ces êtres sont des Mutants, mais ils restent fermement humains devant le fond fantastique où se joue le destin de la terre. 

    Ce destin se développe d'abord sur plusieurs plans, jusqu'à ce que les protagonistes se soient rencontrés ; ensuite, c'est une progression régulière jusqu'à l'embrasement final. L'ensemble a la simplicité et la grandeur d'une épopée. C'est plus large et plus dramatique qu'un space-opera. Et cela permet à l'auteur de faire valoir son style, tourmenté, haut en couleurs et plein de contrastes. Après La forteresse perdue et Le sang des astres, Nathalie Henneberg apporte, sur un ton différent, une nouvelle confirmation de son talent qui demeure, au sens strict du mot, incomparable dans la science-fiction française. 

Demètre IOAKIMIDIS
Première parution : 1/2/1965
Fiction 135
Mise en ligne le : 21/9/2023

Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantes
Annick Béguin : Les 100 principaux titres de la science-fiction (liste parue en 1981)
Association Infini : Infini (3 - liste francophone) (liste parue en 1998)

retour en haut de page

Dans la nooSFere : 87292 livres, 112201 photos de couvertures, 83728 quatrièmes.
10815 critiques, 47164 intervenant·e·s, 1982 photographies, 3915 adaptations.
 
NooSFere est une encyclopédie et une base de données bibliographique.
Nous ne sommes ni libraire ni éditeur, nous ne vendons pas de livres et ne publions pas de textes. Trouver une librairie !
A propos de l'association  -   Vie privée et cookies/RGPD