Dennis E. TAYLOR Titre original : We Are Legion (We Are Bob), 2016 Première parution : Worldbuilders Press, 20 octobre 2016ISFDB Cycle : Nous sommes Bob vol. 1
« Sans fard et pleine d’autodérision, la voix de Bob est l’âme de ce palpitant récit, qui rappelle celui de Mark Watney dans Seul sur Mars. Un trait d’esprit à chaque occasion, un cerveau d’ingénieur super-rationnel et créatif et un optimisme increvable en toutes circonstances. Un héros que le lecteur aura envie de soutenir jusqu’au bout ! » Fantasy Literature
« Un livre conçu pour plaire à tous les amateurs de science-fiction, avec une intrigue qui présente une série de problèmes techniques à résoudre comme Seul sur Mars d’Andy Weiret une multitude de références à la culture geek comme Ready Player One d’Ernest Cline. » BookRiot
Bob Johansson vient de vendre sa start-up et va pouvoir profiter de la vie. Tant de lieux à visiter, de livres à lire et de films à voir ! Pas de bol, il se fait écraser en traversant la rue.
Lorsque Bob revient à lui, un siècle plus tard, c’est pour découvrir qu’il appartient désormais au gouvernement. Téléchargé dans un ordinateur, il est pressenti pour devenir une IA capable de se répliquer à volonté, aux commandes d’une sonde interstellaire destinée à la recherche de planètes habitables. Les enjeux sont considérables. S’il refuse cette mission, on l’éteindra et un autre prendra sa place. S’il accepte, il devient une cible de choix. Au moins trois autres puissances se verraient bien envoyer leur sonde en premier, et tous les coups sont permis.
Pour Bob, l’endroit le plus sûr, c’est dans l’espace, le plus loin possible de la Terre. C’est du moins ce qu’il croit…
Dennis E. Taylor a été programmateur informatique avant de devenir écrivain à plein temps depuis le succès foudroyant de la série Nous sommes Bob, nommée au prix Hugo en 2017 et en tête de liste des best-sellers aux États-Unis.
Critiques
Bob Johansson est un homme heureux. Informaticien et geek assumé, il vient de vendre sa start-up florissante pour une somme rondelette. Il n’a plus à s’inquiéter pour la suite de sa vie et imagine sa future existence oisive pleine de possibilités alléchantes. Sauf que traverser une rue peut s’avérer fatal : il ne survit pas à l’accident. À son réveil, des années plus tard, il n’a plus grand-chose d’humain ; son esprit a été numérisé et son corps réduit à une boite. Ses « sauveteurs » lui proposent alors (non sans insistance) de prendre le contrôle d’une sonde spatiale. Son but : coloniser l’espace avant ses concurrents venus d’autres coins de la planète. Car la politique extérieure ne s’est guère améliorée avec le temps, et en 2133, certaines régions du monde sont prêtes à en venir aux mains — aux bombes, plutôt — pour affirmer leur point de vue Et c’est parti pour une immense partie de stratégie. La sonde a la capacité de se répliquer, et donc de créer de nombreux petits Bob. Elle doit choisir une destination, y parvenir et vérifier la possibilité d’une colonisation future par l’homme (pour peu qu’il reste des survivants sur notre belle planète). Tout cela en évitant les attaques ennemies et les pièges de l’espace. Un bon programme…
Voilà une lecture agréable qui ne demande pas un effort démesuré. Dans ce roman, très semblable à un jeu de conquête, les possibles questions scientifiques aigües, objets de longues et souvent passionnantes digressions dans les ouvrages de hard science, sont vite évacuées. Ce n’est pas le propos : ici, seule l’action compte. Même la psychologie du personnage central est assez sommaire : se retrouver dans une boite, transformé en un cerveau électronique, sans plus grand-chose d’humain, doit un peu secouer. On se souvient par exemple de William Hjortsberg (l’auteur d’Angel Heart, vous voyez ?) et de son roman Matières grises (traduit en 1974 chez « Ailleurs & demain »), avec ces cerveaux maintenus en vie sur des étagères cherchant désespérément à retrouver un corps. L’immortalité y était traitée avec force, ses conséquences imaginées… Or, dans le cas qui nous occupe, foin de tergiversations. Fan de culture geek, Bob maitrise parfaitement les codes de sa mission et s’éclate sans trauma apparent ; aucune séance de psy à l’horizon. Je ne suis plus qu’un cerveau dans une boite ? Cool…
Dennis E. Taylor assume parfaitement le côté ludique de son postulat : la description de notre possible avenir a quelque chose de réjouissant dans ses excès (enfin, réjouissant, tant que ce futur reste un délire de romancier, sinon, plaignons les générations futures…). Les dirigeants sont caricaturaux au possible, détestables à souhait. De même, le côté geek est présent à tous les étages : références nombreuses à cette culture un temps moquée mais désormais dominante ; action plutôt que réflexion — et surtout, histoire contée comme un jeu vidéo : vous avez un personnage initial avec des capacités bien établies, un univers à conquérir, des ennemis à vaincre, un but à accomplir. Au boulot !
Pas déplaisant, donc, mais sans doute un peu vain. Et surtout, la perspective d’une longue série (le deuxième tome est déjà paru par chez nous en septembre ; le troisième opus VO est sorti l’année dernière ; le quatrième semble sur les rails) inquiète tant le monde de Bob, sauf renouvellement pas gagné, risque de lasser assez vite, à l’image de ces séries télés incapables d’en terminer à temps — quoi, Walking Dead ?
Bob, un informaticien, vient de faire fortune en vendant sa startup. Il en profite rapidement pour prendre un contrat auprès d’une entreprise de cryogénisation qui conservera son corps s’il mourrait afin de le faire revivre quand la technologie le permettra et pourra le soigner.
Aussitôt conclu, aussitôt écrasé : quand Bob reprend conscience, un siècle plus tard, cela ne s’est pas passé comme prévu : les Etats-Unis sont devenus une dictature religieuse et Bob n’a pas récupéré son corps ; son esprit a juste été transféré dans un ordinateur. Et pour une raison bien précise : diriger une fusée pour aller coloniser des étoiles proches avant les pays concurrents, le monde étant au bord de la guerre et de l’anéantissement.
Soyons franc : si un libraire ne m’avait pas conseillé ce livre dont la couverture évoque une quelconque histoire de robot plus ou moins drôle et dont le quatrième de couverture ne se lasse pas de le comparer à Seul sur Mars, jamais cet objet n’aurait ne serait-ce que frôlé le bout de mes doigts.
Et pourtant, ce livre possède bien d’autres qualités. Après une première partie d’exposition où l’on découvre une Amérique dictatoriale et une Terre sur le chemin de la destruction totale, Bob prend son envol et avec lui le roman. Exploration et guerre spatiale, clonage de conscience, terraformation, retour à la terre, Bob et ses entités multiples vont dans tous les sens, mêlant sérieux et humour, diplomatie et science pratique, dans un ton plus proche de la satire à la Sheckley que de l’humour gentillet de Douglas Adams. Certes, les multiples pistes explorées par Bob et son créateur Dennis E. Taylor ne sont pas toutes réussies, et le roman aurait gagné à perdre quelques pages, mais le ton général, le rythme et les sujets abordés font de Nous sommes légion, Nous sommes Bob plus qu’un simple roman de détente. Ajoutons que les aspects technologiques, aussi bien pour l’exploration spatiale que pour l’informatique, sont globalement réussis et crédibles et vous comprendrez que Bob permet de passer un bon moment de lecture. Reste à voir si les tomes suivants (le deuxième sort courant septembre 2018 en français chez Bragelonne, un troisième est déjà disponible en VO) seront à la hauteur ou s’ils s’enfonceront dans les méandres des consciences multiples de Bob…