Ray BRADBURY Titre original : Death is a Lonely Business, 1985 Première parution : New-York : Alfred A. Knopf, octobre 1985 Cycle : Autobiographie romancée vol. 1
Si les romans noirs de Matheson, Sheckley ou Brown sont appréciés, on ne connaît que quelques nouvelles policières de Bradbury. En tout cas aucun roman : fallait-il s'en plaindre ? Bradbury est un cas : heureux auteur des Chroniques Martiennes, il a servi, en France, à donner de la S.F. une image « respectable », cela dit, il n'a jamais été très fort sur les intrigues. Son truc, c'est l'atmosphère, le côté de sentimentalité midinette, qui « porte à la rêverie » comme disait Emma Bovary. Donc inutile d'espérer, malgré les références au roman tough, une résurrection de Hammet, ou de Chandler (de vrais artistes, à relire). Pas même un remake à la distanciation intelligente, comme le Hammet récemment cinématographié. Pourtant, ça commence bien : les 50 premières pages sont accrocheuses, créent une atmosphère un peu mystérieuse, comme dans La foire des ténèbres. Mais la mayonnaise ne prend pas : ce qui aurait fait une nouvelle s'étire par la répétition, laborieusement et tente de se couler dans la forme d'un roman : en vain. C'est long et indigeste. Reste que c'est lisible pour d'autres raisons, intéressant là où on ne l'attendait pas : on y voit Bradbury mis en scène dans sa jeunesse, auteur de S.F. débutant, vrai « cinglé », parfois attendrissant (ses rapports avec les femmes, comme chez ses martiens), des souvenirs, de la nostalgie.
Après Asimov et Van Vogt, Bradbury tente un « come back ». Il le fait, plus intelligemment, en changeant de terrain. Mais tout le monde n'est pas Ballard, capable d'enchanter par L'Empire du Soleil, une sorte de retour aux sources des fantasmes. Bradbury se contente de nous faire visiter son bric à brac. Reste le meilleur, qui est le titre français, amélioration notable de l'original, et que l'on doit, comme la traduction, à E. Jouanne.