Conteur et romancier mondain et sportif, collaborateur littéraire de journaux quotidiens, du Gil Blas (1892-1897) puis du Journal (1897-1900) avant d’être engagé en 1902 par L’Auto, Maurice Leblanc (Rouen, 11 décembre 1864 – Perpignan, 6 novembre 1941) était un admirateur du naturalisme de Maupassant, son compatriote. Mais sa carrière prit un brusque tournant en 1905, lorsqu’il créa le personnage d’Arsène Lupin dans le magazine Je sais tout, publié par l’éditeur Pierre Lafitte. Le gentleman-cambrioleur remporta un immense succès qui amena son créateur à poursuivre la relation de ses exploits jusqu’à sa mort, délaissant presque toute autre production.
Été 1892, Marcel Prévost, romancier et auteur dramatique français, présente Maurice Leblanc à Victor Desfossés, patron de presse et homme d’affaire. Le jeune écrivain n’a alors publié, sans beaucoup de succès, qu’un petit recueil de nouvelles, Des Couples, et met la dernière main à son roman Une femme. Après la lecture de ce manuscrit, le directeur de Gil Blas propose à Maurice Leblanc d’y tenir une chronique hebdomadaire.
Gil Blas est alors, avec Le Temps et Le Gaulois, un quotidien qui compte dans la presse d’opinion de l’époque. Il invite dans ses colonnes de nombreuses plumes (Maupassant, Catulle Mendès, Armand Silvestre) qui lui confèrent une tonalité littéraire. Son caractère grivois et échotier fait recette, non sans susciter le scandale. Le lundi sera le jour de Maurice Leblanc. Il y placera ses contes pendant de nombreuses années à l’emplacement de la « chronique ».
Maurice Leblanc, pour trouver l’idée d’un conte par semaine pendant presque dix ans, se consacre à toutes les mesquineries de la vie. Il n’a ni pitié, ni préjugé, ni complaisance et son esprit caustique s’abat sur toutes les couches de la société. Porté par une ambition littéraire affirmée, il ne dédaigne aucune polémique qui pourrait le faire connaître et reconnaître, quitte à bousculer un peu l’ordre établi, à forcer le trait et à céder à la surenchère. Au long de cette collaboration avec le Gil Blas, il ne recycle que très peu et les reprises sont rares.
Si la qualité d’un écrivain ne se mesurait qu’à l’aune de sa production, Maurice Leblanc serait sans doute considéré comme un des dix plus grands écrivains français. Aujourd’hui, c’est l’intégrale des contes de Maurice Leblanc parus dans ce journal qui est offerte aux lecteurs, soit 180 contes et une dizaine d’articles, avec de nombreuses illustrations de Gil Baer, dans un fort volume de près de 740 pages, qui constituera un événement pour les nombreux amateurs de cet auteur.
Hervé Lechat, président de l’Association des Amis d’Arsène Lupin, dans sa préface Les contes de Gil Blas, de Maurice Leblanc, 1892-1904, aborde les grands thèmes et les idées fixes de l’auteur. Jean-Luc Buard (co-fondateur et rédacteur en chef du Rocambole, bulletin des amis du roman populaire, chercheur associé au LabSIC, Université Paris XIII-Villetaneuse), complète ce volume d’une bibliographie commentée des reproductions de ces contes, rééditions et traductions.