Ken LIU Titre original : The Wall of Storms, 2016 Première parution : New-York, USA : Simon & Schuster, 4 octobre 2016ISFDB Cycle : La Trilogie des Dents-de-Lion vol. 2b
FLEUVE NOIR / FLEUVE Éditions
(Paris, France), coll. Outre Fleuve Date de parution : 6 février 2020 Dépôt légal : février 2020 Première édition Partie de roman, 464 pages, catégorie / prix : 21,90 € ISBN : 978-2-265-14434-7 Format : 14,0 x 21,0 cm❌ Genre : Fantasy
Roman coupé en feux pour l''édition française. Le second tome original ("The Wall of Storms") est découpé en deux dans sa version française ("Le Goût de la victoire" et "Le Mur de tempêtes").
Après La Grâce des Rois et Le Goût de la Victoire, voici le troisième volet de cette saga unique.
Luan Zya est parti il y a plusieurs mois pour tenter de traverser le Mur de Tempêtes. Après avoir franchi de nombreux obstacles, il y est enfin parvenu. Mais ce n’est que le début de son périple. Pendant des mois, il dérive sur un océan sans fin sur un radeau de fortune. Au moment où il est prêt à perdre espoir, les fabuleuses crubènes viennent à son secours et lui indiquent la terre des Lyucu.
Pendant ce temps-là sur les îles de Dara, les Lyucu ont pris le contrôle grâce à leurs garinafins. Si l’empereur Kuni apparaît comme désarmé et désemparé depuis que son fils s’est constitué prisonnier, sa fille, la princesse Théra, et Zomi, vont mettre tout leur talent d’ingénieur à découvrir les failles des immenses garinafins.
Né en 1975 en Chine, Ken Liu émigre enfant aux États-Unis. Héritier de deux cultures, on lui doit la découverte d’auteurs chinois de science-fiction traduits par ses soins, telle Hao Jingfang. En tant qu’auteur, ses romans et nouvelles ont été récompensés par les prix les plus prestigieux (Hugo, Nebula, Word Fantasy) dont le prix Locus pour le premier tome de La Dynastie Dent de Lion : La Grâce des rois, univers inédit qu’il qualifie lui-même de silkpunk fantasy.
Critiques
Kuni Garu est empereur ! Après les nombreuses luttes, trahisons et ruses diverses qui ont émaillé La Grâce des Rois(cf. Bifrost n°92), il est sur le trône. Pas nécessairement ravi d’en être arrivé là, car il sait le poids des responsabilités et se montre assez humble pour ne pas se vanter de connaître toutes les réponses. Mais l’heure n’est pas aux doutes. Car dans l’ombre, très près de lui, un complot se met en place, gigantesque, capable de mettre à bas le nouveau monarque. Et au-delà du mur de tempêtes, un danger tout aussi immense menace le royaume. Voire même l’ensemble des peuples des îles de Dara.
Le Goût de la victoire et Le Mur de tempêtes ne forment, originellement, qu’un seul et même volume. Mais sa taille pour le moins considérable (on dépasse les mille cent pages) a imposé l’exploitation en deux volumes de l’édition VF (ce qui nous fait tout de même un total de 45 euros pour un seul roman en VO…). Si les porte-monnaies font grise mine, les poignets sont soulagés.
Ken Liu est un conteur hors pair, on le sait depuis longtemps : difficile de reposer l’ouvrage une fois qu’on l’a entamé. Riche sans être trop complexe, le récit multiplie les trahisons et les changements inopinés de situation. Dans Le Goût de la victoire, c’est le retour des intrigues de cour. La traîtrise vient de l’entourage direct de Kuni, et cela rend la manœuvre d’autant plus efficace : certains trouvent les choix de l’empereur mauvais, trop faibles, peu ambitieux, pas assez favorables à leur cause. On l’a vu dans La Grâce des Rois, Ken Liu n’a rien d’un apôtre du manichéisme. Gouverner, c’est accepter les compris et se résoudre à déplaire. Kuni Garu en est conscient, mais pas au point de suspecter ce qui va lui tomber dessus. Et même si l’auteur nous implique dans tous les camps, il parvient à nous surprendre.
D’autant que la trame qui se dessine demeure impossible à appréhender dans son ensemble, aussi bien des humains que des dieux, toujours aussi présents dans ces deux opus. On est loin, en effet, des divinités toutes puissantes de l’Iliade se combattant par humains interposés. Certes, ici aussi les dieux jouent avec les hommes comme avec des pions. Mais ils sont eux-mêmes mis en danger, remis en question par ce qui vit au-delà du mur de tempêtes. Réjouissant changement d’échelle : Le Mur de tempêtes amène de nouveaux protagonistes, au niveau des hommes comme sur le plan divin. Aucune chance que le lecteur ne se lasse : les cartes sont redistribuées, la guerre est ouverte.
Dans les combats aussi, Ken Liu fait montre de maîtrise littéraire. Aucune platitude, ni non plus de complaisance amphigourique. La tension est permanente, nourrie de retournements spectaculaires, de coups de théâtre, des actes de personnages retors. On se croirait dans ces films asiatiques où les héros virevoltent d’un toit à une arche, d’un bambou à un autre, s’envolent sur des machines faites de bois et de papier, manient les armes avec une dextérité surhumaine (l’esprit de Zhang Yimou n’est pas loin). Et on y croit. Et on en redemande. D’où une certaine impatience à guetter la suite, The Veiled Throne, prévue pour mars 2021 – car rappelons-le, Le Mur de tempêtes est paru en VO en 2016. Que les dieux de Dara lui soient favorables !