«Le voyage à travers le temps appartenait à la science-fiction... Va-t-il devenir, grâce aux dernières avancées de la science, une réalité ? » C'est une bonne question — mais une accroche de roman un peu tartignolle, dommage que vous l'ayez posée à Michael Crichton. Car Crichton n'écrit plus de science-fiction (beurk) depuis longtemps, il pond maintenant des best-sellers et, depuis l'immense succès de Jurassic Park, a tendance à utiliser la même recette tant au niveau des intrigues que des personnages : un décor exotique, un compte à rebours plus ou moins explicite, des très gentils, des très méchants, un riche mégalomane, deux ou trois scènes d'action insoutenable, une documentation lourde mais indiscutable... Bref, ça ressemble au squelette romanesque de Jurassic Park mais au Japon (Soleil levant), au bureau (Harcèlement), dans un avion (Turbulences) et maintenant au Moyen Âge... Pour tout dire, c'est beau mais c'est chiant.

     Faut-il vraiment résumer l'intrigue ? Elle est si éculée, pour ne pas dire mitée, que ça en devient la tarte à la crème du voyage dans le temps. Un riche mégalomane a fondé en secret ITC, une entreprise de technologie de pointe aux buts douteux, et a trouvé le moyen de voyager dans le temps (surprise !). Des historiens et des scientifiques se retrouvent coincés en 1357, dans la France médiévale, et risquent de ne plus jamais revenir. Il faut donc qu'ITC les sauve en moins de trente-sept heures (pourquoi 37 ? Parce que ça faisait joli ?). Heureusement, les Américains parlent couramment le bas Français et connaissent tout de l'époque...

     Plusieurs centaines de pages pour une espèce de remake inversé et vraiment pas drôle des Visiteurs, c'est cher payé en temps de lecture. Vous l'aurez compris, Prisonniers du temps doit le rester (prisonnier du temps) et ne plus venir ennuyer les lecteurs de science-fiction — désolé, Michael, ce n'est pas un gros mot !

     Un hélicoptère survole un champ de fouille ; un milliardaire convoque d'intègres savants pour leur présenter une technologie révolutionnaire — mais déjà éprouvée — avec exposé didactique à l'appui ; il leur en garantit la sécurité en occultant les quelques accidents antérieurs ; et bien sûr, ça se gâte...

     Jurassic Park ? Non : Prisonniers du temps, le nouveau roman du même Crichton. Les points commun entre les deux ouvrages sont fort nombreux, mais la différence est de taille : dans l'un, le passé venait à notre rencontre par le biais de l'ADN, dans l'autre, c'est nous qui allons visiter le passé grâce à la physique quantique.

     Soyons clairs : il s'agit d'un thriller, pas davantage. Inutile d'attendre des révélations sur la nature du temps : Crichton se contente d'expliquer que la physique quantique est incompréhensible, mais qu'elle existe... Il reprend à son compte l'idée classique des univers parallèles (le « plurivers ») mais sans en exploiter la richesse thématique, pas plus qu'il ne cherche à s'amuser avec les anachronismes possibles ou avec les paradoxes temporels, qu'il élude de façon expéditive.

     Bref, nous ne trouvons pas dans ce roman ce qui fait habituellement le sel des voyages temporels. L'intrigue se limite à une chasse à mort dans un cadre moyenâgeux, avec de féroces chevaliers en armure à la place des féroces dinosaures en écailles. Courses-poursuites, combats et joutes, rebondissements variés : la recette a fait ses preuves et elle fonctionne encore. Malgré l'absence de surprise — il n'est pas difficile de prévoir le dénouement —, le suspense joue et nous voyons se dérouler sans déplaisir le futur film qui sera basé sur ce roman.

     Au total, le récit est efficace, enlevé et distrayant. L'amateur de SF sera évidemment frustré de constater une utilisation aussi basique de l'un des thèmes majeurs de cette littérature, mais il se consolera en espérant que ce type de roman familiarise le grand public aux idées d'une science-fiction plus exigeante.