Michael Moorcock est sans conteste l'écrivain britannique de SF/Fantastique le plus éclectique, celui-ci s'adonnant avec un même plaisir et une réussite identique aux joies de l'Heroïc-Fantasy (ses cycles d'Elric, de Corum, du Runestaff, d'Erekosë...), de la Fiction Spéculative (peut-être les inédits de Jerry Cornélius seront-ils traduits un jour ? !), et d'une SF plus traditionnelle bien que d'excellente facture (Le Navire des Glaces, Voici l'Homme...) Sans compter ses fructueux essais dans les domaines du Roman Historique, de l'érotisme, et du Polar ! Et ce n'est pas tout, puisqu'il a également flirté avec la punkitude, travaillé comme scénariste aux USA (l'amateur pourra se reporter à ses Letters From Hollywood, initialement adressées à Jim Ballard, et dont quelques extraits ont jadis été publiés dans Métal Hurlant), ou comme parolier pour Hawkwind, Blue Oyster Cult et Deep Fix, le groupe qu'il anima dans les années soixante-dix ! ! !
Bon, arrêtons-nous là. Inutile d'aller plus avant dans la présentation de celui que je tiens pour un des plus grands écrivains populaires de ces trente dernières années et que vous connaissez peut-être, après tout, aussi bien que moi. Si je m'enflamme, c'est simplement que, prenant de l'avance sur ses confrères parisiens lesquels se contentent généralement de rééditer les titres épuisés, un petit éditeur de province, L'Atalante pour ne pas le nommer, met sur le marché la seconde trilogie de Corum, intégralement inédite chez nous, que nous attendions depuis sa parution outre-Manche, soit depuis quinze ans ! Et ce après avoir remis dans le circuit la première, introuvable depuis des années. Vient de paraître La lance et le Taureau, puis ce sera ensuite au tour de Le Chêne et le Bélier et de Le Glaive et l'Étalon de faire leur apparition en librairies. En attendant d'autres merveilles mais je ne vous en dis pas plus pour le moment...
Au début des années soixante-dix, après l'échec de New Worlds (échec commercial, s'entend !) et le semi-échec du cycle consacré à Jerry Cornélius, Moorcock cherchait à se renflouer. Aussi décida-t-il de relancer ses séries à succès. Corum, Hawkmoon et même Elric (quoique plus tardivement) reprirent donc du service. Dans le cas de ce dernier, ce ne fut pas bien brillant, le « roman » qui en résulta, Le Navigateur sur les Mers du Destin, n'étant que la mise bout à bout de trois novellas. Mais en ce qui concernait les premiers, il en allait tout autrement. Et même si leur auteur ne parvient plus au génie qui animait certains textes antérieurs, qui animera plus tard des romans tels que Le Chien de Guerre ou Gloriana, il existe six petits romans fort intéressants. Chez Moorcock, on le sait, même les textes mineurs présentent un certain intérêt, très peu de choses sont à jeter.
Tout commence alors que Corum Jhaelen Irsei, le Prince à la Robe Ecarlate, remis de ses émotions et de ses combats l'ayant opposé aux Maîtres de l'Epée, commence à s'assoupir au fond de son château, solitaire, songeant sans cesse à sa défunte épouse. Heureusement pour nous, des voix se mettent à l'assaillir, des gens lui apparaissent en rêve, qui lui demandent son aide dans un combat qui les oppose aux Fhoi Myore, ces monstres venus du froid les asservir et s'apprêtant à recouvrir leur royaume de neige et de glace. Après quelque hésitation, il décide de les rejoindre, franchit les portes de l'Histoire, et part aussitôt en quête de la lance Bryionak et du Taureau Noir de Crinanass, seuls capables de repousser les géants et leurs chiens...
Vous vous en doutez, on ne s'ennuie pas une seconde ! Que demander de mieux ?
Il ne nous reste plus à espérer qu'après ces six romans « porteurs » les éditeurs du géant barbu du Yorkshire et de Ladbroke Grove s'attacheront à traduire ses inédits ne faisant pas partie de séries. Ceux de qualité, bien sûr. A raison d'un titre ou deux chaque année, et même s'il s'arrêtait d'écrire, ce qu'il ne semble fort heureusement pas envisager, il y en aurait jusqu'en l'an 2000 !