ARGYLL
(Rennes, France) Date de parution : 18 mars 2021 Dépôt légal : mars 2021 Réédition Roman, 272 pages, catégorie / prix : 19,90 € ISBN : 978-2-492403-05-7 Format : 15,0 x 21,0 cm✅ Genre : Science-Fiction
« Une prose élégante, précise et somptueuse. »
Christopher Priest, auteur du roman Le Prestige
Les étoiles meurent aussi...
Suite à l’explosion de la supernova Briareus Delta, située à 132 années-lumière, la vie est complètement chamboulée sur Terre. Alors que se succèdent tempêtes et typhons, prémices d’une nouvelle ère glaciaire, l’humanité se découvre soudain stérile. Les unes après les autres, les sociétés humaines s’écroulent, victimes de dérives autoritaires autant que d’un effondrement philosophique... Car que faire dans un monde sans avenir, vidé du rire des enfants ?
Réfugiés dans le sud de l’Angleterre, Margaret et Calvin survivent tant bien que mal. Jusqu’au jour où ils découvrent une petite communauté isolée où vit Elizabeth, étrange jeune femme issue de la Génération du Crépuscule. Dans cet enfer blanc, vierge de tout espoir, serait-elle la clef de la survie ?
Fils d’un célèbre critique anglais, Richard Cowper - de son vrai nom John Middleton Murry Jr. - a publié une quinzaine de romans et près du double de nouvelles.
Bien avant Les Fils de l'Homme de P.D. James, Richard Cowper imaginait une humanité devenue stérile dans une société aux relents concentrationnaires. Un roman visionnaire, bouleversant d’humanité, dans un monde sans enfants, sans repères, sans artistes...
Suite à l’explosion d’une étoile située à 130 années-lumière de la Terre, des catastrophes météorologiques et humaines s’abattent sur le monde : les typhons et le froid submergent le Royaume-Uni, l’humanité est stérile et une partie de la population, principalement des adolescentes, semble avoir subie des changements psychiques. Le gouvernement, persuadé que la stérilité et l’apparition de ces mutants sont liées, se livre alors à des arrestations massives dans le but d’expérimentations.
Le Crépuscule de Briareus est le premier roman de la jeune maison d’édition rennaise Argyll. Précédemment publié en 1976 par la défunte collection Présence du futur, il serait certainement tombé définitivement dans l’oubli sans l’œil aiguisé des créateurs d’Argyll qui en profitent au passage pour faire réviser la traduction par l’excellent Pierre-Paul Durastanti. Et, disons le tout de suite, cela aurait été regrettable de ne pas redécouvrir Richard Cowper.
Le récit commence comme un banal post-apocalyptique, genre dont nous sommes saturés depuis quelque temps, labouré maintenant par les éditeurs de littérature générale et qui peine à se renouveler. Mais rapidement, la partie post-apo passe au second plan et d’autres thèmes sont abordés, avec ce Royaume-Uni qui n’hésite pas à contourner ses lois pour se livrer aux pires atrocités en espérant trouver un remède à la stérilité. Le Crépuscule est aussi un roman terriblement anglais : dans l’héritage direct de John Wyndham, l’auteur des Coucous de Midwich ou du Jour des triffides, d’Edmund Cooper (le Jour des fous) voire de Michael Coney, il respire la campagne anglaise, les petites villes loin de Londres ou la population vit tranquillement jusqu’au jour où l’inexplicable survient. C’est aussi un roman des années 70, abordant la sexualité avec une certaine liberté de ton mais toujours sous le regard masculin, d’une manière qui pourra paraître naïve aujourd’hui mais remplie de sentiments et de poésie.
Le crépuscule de Briareus est donc une bonne pioche : représentatif d’une certaine science-fiction anglaise des années 70, centré sur l’être humain et ses rapports au monde et à la science, doté d’une écriture légère et efficace. On remerciera aussi Argyll pour le paratexte : un article de Christopher Priest racontant sa rencontre avec Richard Cowper dans un atelier d’écriture, article où Christopher Priest fait ce qu’il fait le mieux : délivrer autant de méchancetés que de gentillesses sur un ton égal et tranquille, quitte à ne pas être très fidèle à la réalité ; ainsi qu’un long entretien avec Richard Cowper. Pour ma part, je n’attends plus que la prochaine réédition d’autres romans de Cowper annoncé par Argyll pour me replonger dans cette délicieuse prose.
Pour leur acte de naissance, les toutes nouvelles éditions Argyll, basées à Rennes et menées par Xavier Dollo et Simon Pinel, entourés d’une petite équipe, ont choisi de nous offrir la réédition de ce très beau roman de Richard Cowper paru voici 45 ans en « Présence du Futur », chez Denoël.
Construit en flash-back, le roman débute par l’explosion d’une supernova non loin de la Terre, à l’échelle cosmique s’entend. Qui veut avoir une idée de l’amplitude que permet la SF dans le traitement d’une même prémisse comparera ce roman avec Diaspora, de Greg Egan.
Richard Cowper fait partie, avec les Keith Roberts, Christopher Priest et autre Ian Watson, de la génération d’auteurs britanniques des années 1970. S’il fit incontestablement partie du milieu SF de l’époque, il en resta toujours à la marge, plus proche de la tradition, tant littéraire que science-fictive. Le roman catastrophe, et plus spécifiquement post-apocalyptique, que Cowper aborde ici a toujours été au cœur de la SF britannique, de H. G. Wells à J. G. Ballard, et lui-même y reviendra pour son grand œuvre, « L’Oiseau blanc de la fraternité ». Richard Cowper est le pseudonyme de John Middleton Murry, fils d’un très célèbre critique littéraire anglais du début du xxe siècle qui fut l’époux d’une des plus grandes dames des lettres anglaises, la néo-zélandaise Katherine Mansfield, mais Richard Cowper naquit d’un lit ultérieur. Nul autre auteur de SF, à ma connaissance, n’eut l’heur d’ainsi naître dans les plus hautes sphères littéraires de son pays, et donc de se voir donner une éducation tournée vers la tradition littéraire la plus élevée, tradition que l’on retrouve dans son œuvre SF sous forme de citations, des poètes notamment, émaillant ses livres, mais surtout par la qualité de son style, qui, loin de toute lourdeur et de préciosité, « émerveille par sa prose précise, élégante et généreuse », comme l’écrit Christopher Priest dans sa postface. Et sans omettre aussi, parfois, pour prix de cette haute extraction intellectuelle, un certain conservatisme…
En 1983 (le roman date de 1974), une supernova apparaît donc dans le ciel de la Terre et engendre des catastrophes climatiques tandis que s’installe une période glaciaire. Là n’est cependant pas le pire, car les radiations ont rendu stérile l’humanité et fait advenir une génération de mutants, les Zêta. Dans sa recherche éperdue d’une solution de continuité, l’humanité en vient à les massacrer avec leur consentement, mais en vain, car la solution est ailleurs…
C’est à partir de là que l’on entre véritablement dans la spécificité de Richard Cowper, que seul Gene Wolfe approche plus ou moins. Cowper est gnostique, il croit en l’existence de l’âme. C’est là qu’il ira puiser le remède aux maux qui accablent l’humanité – maux qui, dès lors, apparaissent d’essence biblique, l’expression d’une volonté divine quand bien même ne s’agirait-il pas d’un châtiment. De fait, on peut se poser la question de l’appartenance du Crépuscule de Briaréus à la SF en tant que conjecture rationnelle. Disons que, dans l’optique du croyant, l’action de Dieu est tout aussi réelle et opérative que… la loi d’Ohm. Il y a (p. 215) une très intéressante réflexion à propos de Judas, le réhabilitant comme le seul apôtre ayant compris que le sacrifice de Jésus était la condition de l’accomplissement de son dessein messianique. C’est l’une des clefs du roman où Calvin Johnson finira par acquérir le statut d’une telle figure. Le flux d’énergie de la supernova Briaréus Delta s’avérant alors le vecteur d’entités que l’on interprétera à la fois comme anges et extraterrestres, et dont les Zêta sont les agents. Sous cet angle, Cowper donne ici l’un des plus étranges récits d’invasion qui soit et évoque le Philip K. Dick tardif, Les Enfants d’Icare de Arthur C. Clarke ou Le Vaisseau des Voyageurs de Robert Charles Wilson. Mais là où la SF a donné des interprétations matérialistes du divin, Richard Cowper offre une vision gnostique de l’extraterrestre…
Le livre est complété par deux articles de Christopher Priest, le premier est biographique et présente Richard Cowper, le second narre la rencontre des deux auteurs en 1972. Une interview réalisée par David Wingrove vient compléter ce nécessaire portrait d’un auteur qui n’avait plus été publié en France depuis 1987 (dans Fiction).
Même pour qui, comme moi, ne partage en rien le gnosticisme de Richard Cowper, Le Crépuscule de Briaréus est un roman magnifique, l’un des plus beaux qui nous soient donnés à lire… À découvrir ou à redécouvrir sans plus attendre.
Une supernova, Briareus Delta, explose à 3000 années-lumière de la Terre ; triple résultat : nouvelle ère glaciaire ; stérilisation de tous les habitants ; apparition de mutants Zétas, doués de pouvoirs télépathiques. Trois thèmes traditionnels de la SF (catastrophique ou non), ici mêlés de façon très adroite, ce qui permet à l'auteur de jouer avec bonheur sur plusieurs tableaux : naturaliste-documentaire pour ce qui est de la survie dans la neige et la glace ; socio-politique quand il s'agit de décrire la traditionnelle chasse aux mutants par les gouvernements (ou ce qu'il en reste) ; humanisme-philosophie pour parler de la fin possible de l'humanité. A quoi on peut ajouter une double intrigue sentimentale touchante et « vraie », et bien sûr ce fameux réalisme à l'anglaise dont l'éloge n'est plus à faire, et ici transcendé par des situations et des personnages forts. Une seule fausse note : le mysticisme diffus et plutôt obscur qui baigne la fin du récit (l'explosion stellaire aurait répondu à on ne sait quel plan cosmique perpétré par on ne sait quelle entité supérieure). Mais, sur un sujet (voire des développements) identique ou presque à celui d'Inferno (même collection, n° 204). Cowper se montre bien supérieur à Hoyle, consacrant la victoire attendue du poète sur le scientifique.
Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantesAnnick Béguin : Les 100 principaux titres de la science-fiction (liste parue en 1981)