Dan SIMMONS Titre original : Flashback, 2011 Première parution : Reagan Arthur Books / Little, Brown, juillet 2011ISFDB Traduction de Patrick DUSOULIER
POCKET
(Paris, France), coll. Thriller n° 15580 Dépôt légal : octobre 2013, Achevé d'imprimer : novembre 2017 Retirage Roman, 800 pages, catégorie / prix : 11 ISBN : 978-2-266-23884-7 Format : 10,8 x 17,7 cm✅ Genre : Science-Fiction
Photo Philip James Corwin/Corbis. Conception graphique www.headdesign.co.uk.
2035. Les États-Unis ne sont plus que les vestiges d'un passé glorieux. Un passé devenu le refuge d'une population sans espoir : une nouvelle drogue, le flashback, permet de revivre des souvenirs parfaits.
Nick Bottom était inspecteur avant de devenir accro. Avant le décès de son épouse, Dara. Aujourd'hui, il n'est plus rien. Pourtant, un milliardaire japonais lui demande d'enquêter sur le meurtre de son fils, six ans plus tôt. Pour découvrir la vérité, Nick va avoir besoin du flashback, qui lui permettra aussi de revoir Dara. Sauf qu'elle ne devrait pas se trouver dans ce passé-là...
« Un thriller apocalyptique haut de gamme. » Marianne
« À la fois enquête et dystopie, Flashback est un roman qui échappe, en les dépassant, aux conventions du genre. » Le Huffington Post
Critiques
2035 : le monde est dans un état désastreux – enfin, selon nos critères d’Occidentaux, car le Japon et les pays musulmans règnent. Une Europe islamisée suite à l’arrivée continue d’immigrés et à la faiblesse des gouvernements. Une Chine en pleine déliquescence. Que dire des USA ? Leur territoire est divisé, aux mains des différents groupes ethniques, comme les Spaniques, mais aussi les « nègres et les chinetoques ». Les GPS sont programmés pour éviter les lieux victimes des attentats suicides quotidiens. Toute l’économie part à vau-l’eau. De toute façon, l’essentiel de la population est constitué de drogués au flashback, substance permettant de revivre des scènes du passé de manière criante de vérité. C’est le rêve et le seul recours de ceux qui, déboussolés, pensent que c’était mieux avant et redoutent d’affronter une réalité vraiment pas rose.
De ce pays en pleine décrépitude, l’ancien inspecteur Nick Bottom est un parfait représentant. Complètement anéanti depuis la mort accidentelle de son épouse, il passe son temps à retourner, grâce à la drogue, à une vie enfuie depuis longtemps. Il travaille juste ce qu’il faut pour récupérer des doses. Incapable de s’occuper désormais de son fils, il l’a confié à son beau-père. Nick Bottom est une épave, tout juste bonne à ressasser des regrets sur l’ancienne grandeur de sa nation, avant l’arrivée de tous ces immigrés. Malgré cela, un haut dignitaire japonais l’engage pour enquêter sur la mort de son fils, plusieurs années auparavant. Chose étrange, c’est Nick qui avait déjà mené les recherches, à l’époque, pour le compte de la police. En vain. Pourquoi donc faire appel à lui, tant de temps après, alors qu’il n’est plus que l’ombre de lui-même ?
Flashback est un thriller, pas de doute. Dan Simmons a conçu un scénario raisonnablement complexe qui tient la route, avec ses fausses pistes et une fin à multiples rebondissements. La structure du roman permet de maintenir le suspens : on y suit en alternance Nick, son fils et son beau-père. L’auteur, en vieux routier, sait utiliser ces multiples trames pour obtenir un rythme qui pourrait être haletant. Car, au fil des pages, un doute s’installe : on en vient à se demander si Dan Simmons veut juste nous raconter une histoire, s’il n’a pas une autre idée en tête. Souvent, on se retrouve devant un grand déballage sur l’état du monde façon café du commerce plutôt que dans un thriller.
Dans un récit, de surcroît de SF, il est normal de poser les bases et dresser le décor. Ici, on a affaire à un étalage répétitif et, à force, lourdingue – quand bien même on partagerait le point de vue de l’auteur. L’action est trop souvent interrompue par des pages et des pages de réflexions plus ou moins étayées – avec Shakespeare comme garant intellectuel –, de descriptions de la société imaginée par l’écrivain. Une société américaine (et européenne – occidentale, en somme) victime de son accueil généreux des étrangers, qui finissent par pourrir le système de l’intérieur et en prendre le pouvoir, mais aussi de son système de répartition de richesses et d’aide aux soins. Dan Simmons ne s’y montre pas partisan de toute forme d’assistance étatique. Là n’est pas le problème. Chacun a ses opinions et peut les partager dans un récit, d’autant que celles de cet auteur ne sont pas cachées. Le souci ? La mesure. Dans Flashback, Simmons la dépasse allègrement, transformant certaines pages en pamphlet long et indigeste. Dégraissé d’une bonne partie de cette critique sociale, ce roman serait un divertissement efficace, aux rouages classiques mais bien huilés. Une plongée inquiétante dans un avenir digne des cauchemars d’un partisan de Donald Trump face à une Amérique fantasmée version Bernie Sanders.
2035. L'Amérique a connu de profonds bouleversements, en comparaison desquels la guerre d'Indépendance fait figure d'aimable partie de croquet disputée entre gentlemen anglais et colons mal dégrossis. Mais dans tous les cas, de vrais Anglo-saxons. Les étrangers sont aux portes du pays, mais côté propriétaires. Les Russes sont des gangsters très cruels, les Latinos tiennent le Nouveau-Mexique dans l'élan de la Reconquista et taguent les églises. Alors que jusqu'alors les gominés étaient croyants, tout se perd. La palme revient cependant aux Japonais qui contrôlent tous les postes clefs. Et les porte-clés aussi, vu qu'ils ont accès à tout. Les nyakoués sont habillés de superbes costumes à la mode des années 60, font montre d'arrogance, s'expriment d'une voix suave et évoluent dans un environnement composé de shôji et de tansu. Ce dès la première page ; on repassera pour la traduction. Lorsqu'apparaît le mot tatami, le lecteur respire, il se retrouve en territoire connu, et pour le rassurer il y a même un jardin de gravier. On évoquera par la suite les attendus bushidô et seppuku.
Dans ce futur pas si lointain, en fait notre présent cauchemardé par un redneck sous méta-amphétamine, les descendants du Mayflower ne sont pas à la fête. « Les temps sont durs pour les petits entrepreneurs », c'est dire si l'on est en pleine prospective. Quant aux jeunes, ils s'expriment par « cool », « pas cool » voire « mégacool » pour les plus lettrés d'entre eux. Ils évoluent en bandes et violent à l'occasion une fillette hispanique, « une de ces mignonettes petites vierges avec juste un filet de poils au-dessus de la fente ». Val, le fils du héros, n'est pas vraiment coupable vu qu'il s'est contenté de regarder. D'ailleurs, il reviendra dans le droit chemin lorsque son papa lui offrira un gant de base-ball, véritable relique d'une Amérique disparue.
Et puis il y a le flashback. Une drogue qui permet de revivre, au choix, n'importe quel événement du passé dans ses moindres détails. La substance est sévèrement prohibée ici et ailleurs. Au point que dans le nouveau Califat Global sa possession entraîne la décapitation immédiate. Cela arrive suffisamment souvent pour que le réseau d'al-Jazira diffuse les exécutions en continu.
Dans ce merdier ambiant, un détective privé est engagé par le puissant Nakamura pour reprendre l'enquête non résolue relative à la mort de son fils. Nick Bottom avait suivi l'affaire du temps où il appartenait à la police de Denver. Mais depuis il travaille pour son compte. Il est mal sapé et exhibe un trou dans sa chaussette devant l'élégant Japonais. Nick a une caisse pourrie, il est en indélicatesse avec les flics officiels, sa femme est morte. Depuis il est accro au flashback, ce qui pourrait présenter un atout dans la reconstitution des faits. Nick Bottom accepte le contrat et se lance, assisté de Sato le colosse, bras droit de Nakamura. Comme dans toute buddy story, les deux partenaires ne peuvent pas se piffrer mais ils finiront par mieux se connaître.
Le roman Flashback suscite deux réflexions. D'une part il atteste clairement des vues de Dan Simmons. Après avoir résisté durant des décennies, l'Amérique est tombée sous les coups de boutoir assénés par Marx, Le Che, Marcuse, Oussama Ben Laden et la prolifération des migrants attirés par tous les droits qu'offre le pays sans en respecter les devoirs. Ce niveau de lecture est une réussite, dans la mesure où il traduit la pensée politique de l'auteur, celle amplement diffusée sur son site. Hasard de l'actualité éditoriale, Flashback apparaît comme l'équivalent du ArmageddonRagde George R. R. Martin, toutefois à l'opposé du prisme politique. Ici les films des années 40 et 50 remplacent les disques des années 60 et 70, et chacun profère une nostalgie de l'Amérique. Pas la même, c'est certain. Une analogie entre Martin et Simmons qui ne tient que si l'on excepte la qualité d'écriture...
D'autre part, le succès de la confession politique recouvre un complet ratage, celui de l'intrigue et de la narration. Tout, absolument tout a déjà été lu et vu mille fois. A commencer par le personnage principal, ce qui est ennuyeux, détective privé forcément vêtu comme un clochard, déchiré à l'alcool la drogue, incapable de faire le deuil d'un traumatisme qui lui a brisé sa vie, en conflit avec la police mais drôlement futé. Echec complet y compris pour le flashback, substance permettant de revisiter son passé, a priori une excellente idée. Sauf que l'auteur ne parvient pas à faire mieux que ce qui est déjà un lieu commun, à savoir les souvenirs continuellement ressassés par les privés depuis Hammett et Chandler.
Alors la quatrième de couverture a beau invoquer Hypérion, Terreur et Drood (mais curieusement, pas L'Echiquierdumal), façon méthode Coué, nous n'avons affaire ici qu'au meilleur Michael Crichton écrit depuis sa mort. On l'aura compris, ce roman, mettant en scène le détective Bottom dont le nom sonne juste, est une merde liquide expulsée au travers d'un amas d'hémorroïdes.