Le mystère n’est jamais si opaque que lorsqu’il est à portée de main, derrière une porte, dans la chambre voisine ou dans la pièce du fond. William Chambers Morrow, journaliste à San Francisco à la fin du XIXe siècle, prend plaisir à jouer de ce paradoxe. Son goût pour l’étrange et la manière dont il le marie à la modernité, sous l’influence d’Edgar Poe et d’Ambrose Bierce, l’amène à inventer ce que l’on pourrait appeler le fantastique policier. L’un des premiers, il a l’intuition de quelques-uns des grands thèmes qui baliseront la littérature de genre du XXe siècle : l’angoisse urbaine, la folie meurtrière, l’inquiétant comportement d’un proche.
W.C. Morrow pourrait être le grand-père de Stephen King. Les neuf nouvelles rassemblées ici le prouvent.
Et on reparle de William Chambers Morrow après la critique de Le Singe, l'idiot et autres gens in Bifrostn°34. Tout comme l'ouvrage de chez Phébus, Dans la pièce du fond est un recueil de nouvelles, mais ce coup-ci tous les textes sont inédits en langue française. A la dernière page on apprend que ce livre a été « achevé d'imprimer une effrayante et glaciale nuit de décembre MMIII sur les mystérieuses presses de Plein Chant à Bassac (Charente) ». Ambiance. Voilà un magnifique objet — tête de mort et végétation maléfique en couverture — qui réserve quelques frissons au fil de ses neuf nouvelles (vingt pages en moyenne), parmi lesquelles on découvre une pendule reproduisant une pendaison miniatures tous les soirs à 11h30, un automate hanté et cette fameuse (car terrifiante) femme dans la pièce du fond... Ma nouvelle préférée restant « Un Mystère à South Park », où l'on assiste à l'arrivée d'un étrange bateau et de sa capitaine à San Francisco à la fin du XIXe siècle. Neuf bijoux à l'écriture ciselée, fort bien traduits, qu'apprécieront tout particulièrement les lecteurs d'Edgar Allan Poe et les fans de littérature gothique.