L’humanité a quitté la Terre, devenue inhabitable, voilà mille ans. Elle vit aujourd’hui dans d’immenses stations spatiales, conçues et gérées par des multinationales, et se déplace entre les étoiles par la Poche, une contraction de l’espace et du temps. Quelques semaines dans la Poche se traduisent par des années, voire des décennies en temps réel, condamnant ceux qui y transitent à une vie de solitude. C’est le cas de Nia Imani, capitaine d’un cargo assurant la liaison entre Umbai-V et la station Pélican. Un jour, une capsule d’origine inconnue s’écrase à la surface d’Umbai-V. À son bord, un enfant, indemne mais muet, que Nia accepte de ramener aux autorités compétentes. Au fil de leur voyage, et malgré le silence, un lien très fort se tisse entre la femme et le garçon. Pourtant, le mystère de ses origines demeure. Ne risque-t-elle pas de commettre une terrible erreur en le livrant à ses employeurs ?
"Vous allez m'aider à effacer les distances entre les étoiles."
Cantique pour les étoiles est un space-opera passionnant de bout en bout, avec une structure narrative originale prenante ! Son titre VO est The Vanished birds, j'adore. En un mot comme en cent, un coup de cœur.
Le roman commence par un premier chapitre magnifique. J'ai versé ma larme à l'issue de ces pages qui pourraient être lues comme une nouvelle indépendante, mais se révèlent le début d'une aventure passionnante à travers les étoiles et le temps.
"Prends ma journée, mais laisse-moi la nuit."
Dans ce fameux premier chapitre, Kaeda, enfant de la planète Umbaï-V, grandit en rêvant du vaisseau spatial sortant de la Poche (contraction de l'espace et du temps) tous les quinze ans pour emmener les récoltes vers une destination lointaine, la station Pélican. Il rêve surtout à sa commandante, Nia. Pour elle, seulement 18 mois s'écoulent, contre quinze ans entre chaque visite du vaisseau pour Kaeda dont elle fait la connaissance... Devenu adulte, il recueille un enfant mutique semblant venu du ciel de façon inexplicable. Il sera le centre de l'intrigue, une fois confié à Nia.
Parallèlement, nous faisons la connaissance de Fumeko, une scientifique géniale de la Terre. Elle a été élevée par sa mère pour être exceptionnelle, et elle changera effectivement la face non pas du monde mais de l'univers en inventant les stations spatiales. Vous l'avez compris, les timelines se mêlent et s'entrecroisent, pour notre plus grand plaisir.
Simon Jimenez a opté pour une narration originale qui transcende l'espace et le temps, une façon très dynamique de nous dévoiler la vie de ses personnages. Il décale notre regard pour donner du relief aux événements, tantôt en sautant dans l'espace et/ou le temps, tantôt en écrivant quelques chapitres comme un journal intime. Certains l'estiment décousu, personnellement j'ai trouvé cela fascinant, et au contraire de décousu, très construit.
Dans ce roman, l'auteur aborde un sujet très douloureux : la maltraitance infantile. Le parcours de l'enfant rappelle celui, chaotique, des enfants maltraités et placés... Et celui de Fumeko, dont la mère a choisi de la faire venir au monde très laide pour l'obliger à briller autrement. Cette partie du roman m'a d'ailleurs rappelé la nouvelle La Fille en lambeaux de Hirotaka Tobi dans l'anthologie La Machine à indifférence et autres nouvelles publiée chez L'Atelier Akatombo.
Cantique pour les étoiles est un cheminement. Simon Jimenez vous raconte une histoire. Sensible, touchant, vertigineux, ce récit m'a vraiment marquée, à l'instar d'un feu d'artifices spatial. Si vous cherchez un space-opera atypique, n'hésitez plus, foncez ! "
L’Humanité, ou du moins ses représentants les plus riches et privilégiés, ainsi que leurs employés, a fui il y a mille ans une Terre en proie à un effondrement écologique et une montée des océans, s’établissant sur de luxueuses stations spatiales et exploitant de façon rapace des mondes-ressources. Le déplacement entre les étoiles se fait via la Poche, dimension alternative parcourue de courants générant des flux temporels différents. Pour les équipages des vaisseaux, le voyage entre deux systèmes représente quelques semaines, alors que pour l’univers extérieur, des années ou des décennies s’écoulent. Nia, capitaine de cargo, ramène vers la civilisation un enfant mutique dont la capsule s’est écrasée sur un monde primitif. Un personnage important va alors lui demander de le cacher aux confins de l’espace régi par les corporations, car elle pense qu’il possède le don de Saut, la translation instantanée et sans machinerie entre deux points de l’espace, une faculté que les multiplanétaires convoiteraient avidement…
La quatrième de couverture souligne une parenté avec les œuvres de David Mitchell et Gabriel Garcia Márquez, mais omet la comparaison qui, à la lecture, crève pourtant les yeux : celle avec le cycle des « Cantos » de Dan Simmons. Le premier chapitre est ainsi un décalque de l’histoire de Siri et Merin, en inversant les rôles : ici, c’est Nia qui est une Siri qui ne vieillit pas et voyage dans les étoiles, puis qui devient, pour l’enfant, exact reflet d’Énée (c’est son sang qui donnera à l’Humanité le don de Saut spatial instantané), au genre près, une version féminine de Raul. Et les parallèles ne s’arrêtent pas là, même si la place nous manque pour développer. À un point tel qu’on frôle la réécriture (progressiste : les thématiques écologiques et anticapitalistes sont omniprésentes).
Si on ajoute à cela une narration qui varie les modes (y compris épistolaire), les points de vue, les personnages et les ambiances, parfois radicalement différentes, d’un chapitre à l’autre, on se retrouve devant un roman qui, sans être mauvais (la dernière partie étant la meilleure, la plus poignante), notamment sur le plan du style, invariablement agréable et occasionnellement traversé d’impressionnantes fulgurances, pose question quant à l’intérêt à lui accorder. L’admirateur de Simmons n’y trouvera ni la virtuosité ni l’impact émotionnel ni la singularité de l’œuvre du Maître ; le débutant sera plus inspiré de lire l’original plutôt que l’ersatz ; seul, peut-être, l’allergique aux positions idéologiques de Simmons trouvera-t-il de la valeur dans cette réécriture sans grande saveur (à part sur la fin, on l’a dit, sans pour autant avoir l’impact du sort d’Énée), agréable à lire mais presque aussi vite oubliée, d’un des plus grands chefs-d’œuvre de la SF.
APOPHIS (site web) Première parution : 1/10/2021 Bifrost 104 Mise en ligne le : 7/1/2025