Tade THOMPSON Titre original : The Murders Of Molly Southbourne, 2017 Première parution : États-Unis, New York : St Martins Press, 3 octobre 2017ISFDB Cycle : Molly Southbourne vol. 1
BÉLIAL'
(Saint-Mammès, France), coll. Une Heure-Lumière n° 18 Dépôt légal : juin 2020, Achevé d'imprimer : juin 2020 Réédition Novella, 136 pages, catégorie / prix : 9,90 € ISBN : 978-2-84344-949-9 Format : 12,0 x 18,0 cm✅ Genre : Science-Fiction
Couverture à rabat. Dépôt légal à parution. Existe aussi en numérique, aux formats ePub (ISBN : 978-2-84344-868-3) et PDF (ISBN : 978-2-84344-867-6) au prix de 4,99 €.
MOLLY EST FRAPPÉE par la pire des malédictions. Aussi les règles sont simples, et ses parents les lui assènent depuis son plus jeune âge : Si tu vois une fille qui te ressemble, cours et bats-toi.
Ne saigne pas.
Si tu saignes, une compresse, le feu, du détergent.
Si tu trouves un trou, va chercher tes parents.
Molly se les récite souvent. Quand elle s’ennuie, elle se surprend à les répéter sans l’avoir voulu... Et si elle ignore d’où lui vient cette terrible affliction, elle n’en connaît en revanche que trop bien le prix. Celui du sang...
« Un déferlement de chair et de tension audacieux,
à la fois horrifiant et familier... »
THE NEW YORK TIMES
Les Meurtres de Molly Southboume, finaliste des prix BSFA 2017 et Shirley Jackson 2017, est lauréat du prix Nommo 2018, Julia Verlanger 2019 et Grand Prix de l'Imaginaire 2020
Molly Southbourne est une petite fille presque comme les autres. Aimée par ses parents qui l’instruisent à la maison, elle doit juste obéir à quelques règles strictes : « Si tu vois une fille qui te ressemble, cours et bats-toi. Ne saigne pas. Si tu saignes, une compresse, le feu, du détergent. Si tu trouves un trou, va chercher tes parents ». Règles qui évidemment, à la puberté, deviennent plus compliquées pour une fille.
Tade Thompson fait partie des quelques auteurs dont on parle beaucoup dans le milieu SF anglo-saxons depuis un an ou deux. Son premier roman, Rosewater, est d’abord passé un peu inaperçu chez un petit éditeur, Apex, en 2016, avant de gagner le Nommo Award du meilleur roman lors de la première édition de ce prix dédié à la SF africaine, puis d’être republié par Orbit aux Etats-Unis et au Royaume-Uni en 2017. Cette même année, il publie Les Meurtres de Molly Southbourne, nommé aux BSFA (prix de la SF britannique), au prix Shirley Jackson spécialisé en horreur et vainqueur du Nommo 2018 en catégorie novella.
Encore inconnu du public français, ces deux œuvres sortent ici le même mois : Rosewater, un hallucinant récit d’invasion extra-terrestre au Nigeria parait chez J’ai Lu tandis que Les Meurtres de Molly Southbourne arrive dans la collection de novella du Bélial’, Une Heure-Lumière.
Nommé au prix Shirley Jackson ? Effectivement, la lecture commence par un chapitre plutôt éprouvant : un personnage se réveille nu, accroché à un mur avec des chaînes, rongé par la douleur. Son tortionnaire, une femme appelée Molly Southbourne, va lui raconter sa vie, et la novella passe de l’horreur au récit à suspense, puis à la science-fiction. En une centaine de pages, Tade Thompson déroule cette histoire au croisement de plusieurs genres. Molly, de tortionnaire passe à victime, découvre les souffrances liées au sang, donne la vie et la reprend. De la première à la dernière phrase, le récit impressionne ; pas un mot n’est en trop, pas un effet n’est inutile, et si l’auteur fait preuve d’érudition, ce n’est jamais gratuit, on sent que chaque phrase, chaque citation a été choisie avec soin.
D’une efficacité rare, Les meurtres de Molly Southbourne est un récit qui happe le lecteur, qui l’empêche de respirer jusqu’à sa conclusion. Sa virtuosité le place sans aucun doute comme l’un des meilleurs titres de la collection, directement aux cotés de L’Homme qui mit fin à l’histoire de Ken Liu. Ajoutons que le Bélial’ a complété le livre d’un très intéressant entretien d’une dizaine de pages avec l’auteur et que la couverture d’Aurélien Police est magnifique et vous comprendrez qu’il ne faut pas passer à côté de Tade Thompson !
Depuis sa petite enfance, Molly suit le commandement de ses parents : « Ne saigne pas. » Et si cela advient, elle doit éliminer son sang par le feu ou les détergents, avant que n’apparaissent les mollys, des doubles d’elle-même qui cherchent à la tuer. Ainsi, « son propre sang » désigne à la fois l’enfant que les parents protègent, et Molly qui doit se protéger d’elle-même. Pour se faire, un père pragmatique, et une mère qui semble issue des forces spéciales soviétiques, vont lui apprendre à survivre, autrement dit à se battre. Et puis il y a la vie, les rencontres, des hommes et quantité de mollys qui vaudront à l’héroïne nombre de rapports, faits de méfiance et d’interrogations, parfois autoérotiques, tous soldés par la violence.
La collection « Une heure-lumière » a cette qualité rare de proposer des textes courts qui, imprimés dans la mémoire, laissent un souvenir aussi fort que nombre de romans. Cette fois, la barre est placée à ce point haut que seule l’athlète nigériane Doreen Amata est capable de la franchir, ou, dans la compétition littéraire, l’écrivain et psychologue Tade Thompson.
Avec Les Meurtres de Molly Southbourne, l’auteur parvient en effet à donner une compréhension inédite à des expressions ordinaires, telles « Tu es ton pire ennemi », ou « Méfie-toi de toi-même ». Avec ici, une écriture nerveuse, qui alterne scènes d’action et moments réflexifs. Les doubles de Molly, par définition intimement proches, se tiennent dans une altérité radicale, et l’on pense au mot de Paul Valéry : « Aime ton prochain comme tu t’aimes toi-même, si le moi est haïssable, deviens une atroce plaisanterie. »
Par ailleurs, l’auteur appartient à l’ethnie yoruba, qui connaît le plus haut taux de naissances gémellaires au monde. On ne s’étonnera donc pas que la gémellité en soit un repère symbolique majeur. De fait, dans la culture yoruba, les jumeaux partagent une même âme, la mort de l’un d’eux met en danger le survivant, c’est pourquoi l’on confectionne l’ibeji, figurine destinée à recevoir l’esprit du défunt, et qui est élevée avec le jumeau restant. À titre d’hypothèse, peut-être Tade Thompson s’est-il inspiré de cette riche tradition qui est la sienne pour produire une œuvre originale et forte, un texte fascinant et indispensable, sans préjuger de la suite annoncée.
Il y a un avant et un après Tade Thompson dans l’Imaginaire.
Xavier MAUMÉJEAN Première parution : 1/7/2019 Bifrost 95 Mise en ligne le : 15/10/2023