Alastair REYNOLDS Titre original : Thousandth Night, 2005 Première parution : New York, USA : Science Fiction Book Club, décembre 2005 (dans One Million A.D., anthologie composée par Gardner DozoisISFDB Cycle : La Maison des Soleils vol. 1
Dans plusieurs millions d'années...
Ayant essaimé à travers l'ensemble de la Galaxie, l'humanité s'est divisée en une myriade de cultures et civilisations adaptées à des contraintes environnementales et des modes de vie aux variétés pour ainsi dire sans limites. Ainsi en est-il de la Lignée Gentiane, mille clones immortels ou presque, issus d'une souche unique, qui arpentent les étoiles depuis des centaines de milliers d’années. Si, au fil du temps, chaque membre de la Lignée s’est singularisé, explorant et poursuivant ses intérêts propres, tous les deux cent mille ans, selon une antique tradition œcuménique, l’étrange fratrie se réunit pour partager ses expériences, souvenirs et projets – des célébrations grandioses qui culminent lors de la Millième Nuit. Jusqu’à ce qu’un grain de sable ternisse les dernières retrouvailles… Un détail, une anomalie insignifiante derrière laquelle pourrait bien se cacher un complot à l’échelle proprement astronomique…
« Reynolds est l’un des auteurs contemporains de hard SF les plus doués. »
PUBLISHERS WEEKLY
[texte du premier rabat de couverture]
Né en 1966 au Pays de Galles, Alastair REYNOLDS mène longtemps une double carrière, celle d’écrivain et d’astrophysicien au sein de l’Agence Spatiale Européenne, avant de se consacrer à la seule écriture en 2004. Au fil de ses premiers écrits, il brosse une fresque futuriste sans pareille qui l’installe bientôt au pinacle des créateurs d’univers : le Cycle des Inhibiteurs, immense succès de librairie. Hors cycle, on lui doit depuis divers recueils et une vingtaine de romans – dont le tout dernier, l’ébouriffant Eversion, paraîtra prochainement aux éditions du Bélial’.
L'Humanité a essaimé dans toute la Voie lactée et occupe cinquante millions de mondes différents. Afin de pouvoir les visiter, certains humains se sont dupliqués. C'est le cas d'Abigail Gentian, qui envoie ses mille clones, quasiment immortels, arpenter la Galaxie. Tous les 200 000 ans, ils se retrouvent tous afin de partager leurs souvenirs.
Au cours de l'un de ses rassemblements, qui doit durer mille jours et mille nuits, deux incarnations de Gentian, Campion et Purslane, suspectent l'un des leurs de dissimuler des informations, voire, crime suprême, de mentir aux autres membres de la Lignée. Leur enquête les conduira à découvrir un projet qui pourrait bouleverser à jamais la Galaxie entière.
L'histoire se déroule en huis-clos, durant les quelques jours où s'achèvent les Retrouvailles de la Lignée Gentiane. Au milieu de mondanités un peu ennuyeuses, les deux héros décident de jouer aux détectives amateurs. Le début de la novella prend la tournure d'une enquête policière menée par de lointains cousins futuristes et post-humains de Tommy et Prudence Beresford. La naïveté et la désinvolture dandy avec laquelle Campion et Purslane débutent leur enquête est pleine d'humour. Mais qu'on ne s'y trompe pas, derrière la légèreté qui règne dans les premières pages, c'est bien de hard-science qu'il s'agit.
Échelle de temps vertigineuse, intrigue à la dimension d'une galaxie, humains transformés, démesure technologique (les plus petits vaisseaux spatiaux mesurent au minimum un kilomètre), la matière qui obéit au doigt et à l'œil aux personnages, des armes anciennes capables d'anéantir des systèmes solaires en un instant... et toujours la vitesse de la lumière comme limite infranchissable. On est clairement dans du Alastair Reynolds : une description de l'Univers, de sa richesse et de sa beauté, de tout ce que les Humains peuvent y accomplir qui provoque l'émerveillement sans jamais effacer une certaine angoisse cosmologique. L'univers est peuplé de millions de civilisations différentes, on terraforme des planètes, on déplace des étoiles, mais l'impression qui prédomine est celle du vide, de la solitude de l'Homme dans l'immensité galactique, au sein de ces « espaces infinis » qui effrayaient Pascal. Reynolds sait mieux que quiconque faire ressentir les dimensions inhumaines du cosmos.
Et puis surtout, le cœur de La millième nuit est construit sur une idée sidérante par sa simplicité, à la fois inattaquable sur le plan scientifique et d'une démesure qui crée le sense of wonder caractéristique du maître du space-opera. Avec cette novella, Reynolds transporte en quelques pages le lecteur d'un huis-clos plein de légèreté à un complot galactique qui engage le destin de l'Humanité toute entière. Un voyage vivement recommandé !
Faut-il présenter Alastair Reynolds ? Faut-il rappeler que l’auteur, astrophysicien de formation et longtemps de carrière, écrit des space operas épiques tant dans les distances parcourues que dans les échelles de temps qu’il convoque, que ce chantre de la hard SF respecte la barrière ultime – celle de la vitesse de la lumière – sans inventer d’astuce pour passer outre ? Avec La Millième nuit, il nous convie, dans un format court et un temps de narration resserré, le tout sur une seule et même planète, mille jours et nuits, pas un de plus, à une enquête dont les tenants et les aboutissants s’étalent d’un bout à l’autre de la galaxie, et la mise en œuvre du mobile poussant au crime se mesure en millions d’années. Eh oui, La Millième nuit est un cosy mystery qui se cache sous les dehors du space opera, ou bien une aventure stellaire à découvrir au coin du feu avec un bon thé ou un bon porto/ whisky, suivant les penchants alcooliques ou non du lecteur.
Précision : ce récit est un texte indépendant qui sert de prélude au roman House of Suns, non encore traduit en français. Dans cet univers, l’humanité a essaimé à travers l’univers, s’installant dans des milieux très divers (planète océanique, vide stellaire ou au cœur d’étoiles), quitte à radicalement faire évoluer ses caractéristiques physiques, voire génétiques. Chaque sous-espèce est coupée des autres par les distances entre étoiles, et les civilisations se font et se défont sans cesse. Au sein d’icelles errent les lignées – des humains clonés et reclonés à partir d’un seul individu (même si les clones peuvent avoir un genre différent de l’original) — passant d’un système à l’autre pour observer et enregistrer les évolutions de l’Humanité. Dans ce court roman, nous assistons aux retrouvailles de la lignée Gentiane, dont chaque membre montre aux autres, nuit après nuit, les événements saillants de ses pérégrinations lors des deux cent mille dernières années. Quand l’un d’entre eux s’aperçoit qu’une de ces retransmissions a été falsifiée, débute alors une enquête étonnante au sein de cette famille qui l’est tout autant.
Simple avant-goût d’un monde plus vaste, La Millième nuit se suffit pourtant à elle-même. Mais par l’esquisse d’un monde exotique gigantesque peuplé de créatures rares, ce court roman donne envie d’en savoir bien plus. Et reste longtemps en tête.