1836. Dans un petit village de Prusse, Hanne, enfant de la nature, sent son destin de femme peser sur elle comme un fardeau. Entre corvées, sermons et injonctions, comment ne pas dépérir dans cette communauté rigoriste où tout lui rappelle sans cesse sa différence ? Mais par un jour de neige et de brume émerge une silhouette. Thea sera un coup de foudre, une révélation. Deux âmes soeurs qui se trouvent, un amour qui se scelle.
Et pour Hanne, une planche de salut. Cette harmonie est cependant brisée par une annonce qui bouleverse l'existence de tous : le roi a consenti à l'exode de ces luthériens depuis longtemps persécutés. Exode lointain, sur des terres encore vierges, celles du sud de l'Australie. L'interminable traversée n'est pas sans danger, et l'avenir de la communauté est semé d'incertitudes. Malgré le lien indéfectible qui les unit, Hanne et Thea parviendront-elles au bout de l'aventure ?

Au milieu du 19^e siècle, dans le royaume de Prusse, Hanne vit avec ses parents au sein d'une congrégation luthérienne opprimée par le pouvoir pour avoir refusé de rejoindre l’église du roi Frédéric Guillaume III. Trop grande et disgracieuse, elle est solitaire jusqu’au jour où une nouvelle famille rejoint la congrégation. Hanne devient amie avec Thea, la fille unique de ces nouveaux-venus dont le reste du village se méfie car la mère serait une sorcière et posséderait un livre interdit. Lorsque les membres de la communauté obtiennent enfin des passeports, un long voyage en bateau vers l’Australie est organisé pour leur permettre de fonder un village à l’autre bout du monde et pratiquer librement leur culte.

Ce qui commence comme un récit réaliste sur la naissance d’un amour interdit entre deux jeunes filles dans une communauté intégriste bascule en son milieu dans le fantastique d’une manière totalement inattendue. Si Hannah Kent s’attache à nous décrire la vie austère de ce groupe, remplie d’interdits et de postures ultrareligieuses n’empêchant pas les comportements les plus mesquins, son utilisation du fantastique est là pour contrebalancer ce rigorisme, pour apporter de la douceur, pour créer une relation apaisée avec les animaux et la nature, mais aussi entre les êtres humains, permettant de contourner la rigidité de la doctrine.

Incandescentes est un récit d’histoire et de voyage, une description minutieuse de certaines communautés et de l’oppression qu’elles ont subie et qui les a forcées à fuir, mais aussi un rappel que la colonisation de l’Australie s’est faite au dépend de sa population première, pas forcément dans la violence, mais toujours dans la spoliation et dans l’effacement de leur existence.

Hannah Kent dédicace le roman à sa femme Heidi ; la loi australienne sur le mariage entre personnes du même sexe de 2017 a fait partie des déclencheurs de l’écriture du roman, aussi les portraits de deux femmes du récit, Hanne et Thea, brillent-ils d’un bout à l’autre. Hanne est dotée de synesthésie, elle entend la nature, tandis que Thea, à l’opposé du reste de la communauté religieuse, est dans une famille aimante et joyeuse. Leur histoire d’amour est simple et radieuse ; elle s’exprime de manière tout à fait originale grâce au fantastique, et fait d’Incandescentes un récit formidable d’un bout à l’autre, chargé d’histoire, de nature et d’amour, aussi intelligent qu’émotionnellement fort.