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Mémoires de l'ombre

Marcel BÉALU


Illustration de (non mentionné)

MARABOUT - GÉRARD (Verviers, Belgique), coll. Bibliothèque Marabout - Fantastique précédent dans la collection n° 402 suivant dans la collection
Dépôt légal : 1972
Première édition
Recueil de nouvelles, 256 pages, catégorie / prix : 2
ISBN : néant
Format : 11,5 x 18,0 cm
Genre : Fantastique

Sous-titré : Cent vingt récits brefs.
Dépôt légal belge : 1972/0099/45


Quatrième de couverture
     Cent vingt récits brefs sont regroupés dans ce recueil. Chacun plonge d'emblée au cœur du fantastique le plus délirant, au milieu des ténèbres, des monstres, de l'immoralité, de l'incongruité... S'il y a ici des références à notre monde quotidien, c'est surtout pour le mettre en question, pour montrer à quel point il renferme des ambiguïtés et des paradoxes. Pour Marcel Béalu, la réalité sort de l'ombre et la liberté passe par le territoire des songes.
     Ce livre, le critique Edmond Jaloux l'a salué comme « une des œuvres importantes de notre temps, une de celles que la postérité devra retenir ».
Sommaire
Cacher les différentes éditions des textes
1 - Jean-Baptiste BARONIAN, Marcel Béalu ou les raisons de l'irrationnel, pages 5 à 11, préface
Inédit.
Première parution en 1972 (non référencée dans nooSFere).

2 - Plusieurs enfances, pages 13 à 69, recueil de nouvelles
Inédit.
Première parution en 1972 (non référencée dans nooSFere).

3 - Chaque chose était une serrure, pages 15 à 16, nouvelle
Inédit.

4 - La Chambre aérostat, pages 17 à 18, nouvelle
1 autre édition de ce texte dans nooSFere :
- in Fiction n° 67 (OPTA, 1959)
Première parution en 1944 (non référencée dans nooSFere).

5 - L'Autobus sans retour, pages 19 à 20, nouvelle
1 autre édition de ce texte dans nooSFere :
- in L'Aventure impersonnelle et autres contes fantastiques (MARABOUT - GÉRARD, 1966)
Première parution en 0 (non référencée dans nooSFere).

6 - Une lettre importante, pages 21 à 21, nouvelle
Inédit.

7 - Prix unique, pages 21 à 23, nouvelle
Inédit.

8 - Vie manquée, pages 24 à 25, nouvelle
Inédit.

9 - Le Château, pages 26 à 27, nouvelle
Inédit.

10 - Vieille noblessse, pages 28 à 28, nouvelle
Inédit.

11 - Un peintre intuitif, pages 29 à 30, nouvelle
Inédit.

12 - Vie souterraine, pages 31 à 32, nouvelle
Inédit.

13 - Photographe, pages 33 à 34, nouvelle
Inédit.

14 - Feu des enchères, pages 35 à 36, nouvelle
Inédit.

15 - Le Portrait, pages 37 à 38, nouvelle
Inédit.

16 - Amour du métier, pages 39 à 40, nouvelle
Inédit.

17 - L'Oiseau, pages 41 à 42, nouvelle
Inédit.

18 - La Rage, pages 43 à 44, nouvelle
Inédit.

19 - Les Statuettes, pages 45 à 45, nouvelle
Inédit.

20 - La Place, pages 46 à 47, nouvelle
1 autre édition de ce texte dans nooSFere :
- in L'Aventure impersonnelle et autres contes fantastiques (MARABOUT - GÉRARD, 1966)
Première parution en 0 (non référencée dans nooSFere).

21 - Une bonne farce, pages 48 à 49, nouvelle
Inédit.

22 - La Gloire facile, pages 50 à 50, nouvelle
Inédit.

23 - Grand Œuvre, pages 51 à 52, nouvelle
Inédit.

24 - L'Illusionniste sincère, pages 53 à 54, nouvelle
Inédit.

25 - Le Banquet, pages 55 à 55, nouvelle
Inédit.

26 - Les Deux voix, pages 56 à 57, nouvelle
Inédit.

27 - Chiromancie, pages 58 à 59, nouvelle
Inédit.

28 - L'Inventeur, pages 60 à 61, nouvelle
Inédit.

29 - La Petite fille de cire, pages 62 à 63, nouvelle
Inédit.

30 - Seul maître à bord, pages 64 à 65, nouvelle
Inédit.

31 - Soupe aux anges, pages 66 à 67, nouvelle
Inédit.

32 - Soleil du Mépris, pages 68 à 69, nouvelle
Inédit.

33 - Elles et elle, pages 71 à 130, recueil de nouvelles
Inédit.
Première parution en 1972 (non référencée dans nooSFere).

34 - En plus mes petites amies, pages 73 à 74, nouvelle
Inédit.

35 - La Fleur rouge, pages 75 à 76, nouvelle
Inédit.

36 - L'Inconnue du métro, pages 77 à 78, nouvelle
1 autre édition de ce texte dans nooSFere :
- in Fiction n° 67 (OPTA, 1959)
Première parution en 1944 (non référencée dans nooSFere).

37 - L'Alliance vendue, pages 79 à 80, nouvelle
Inédit.

38 - Une femme incomplète, pages 81 à 82, nouvelle
Inédit.

39 - Beauté du diable, pages 83 à 84, nouvelle
Inédit.

40 - Morte d'avance, pages 85 à 86, nouvelle
Inédit.

41 - Bouquet de pâquerettes, pages 87 à 88, nouvelle
Inédit.

42 - La Lettre, pages 89 à 90, nouvelle
1 autre édition de ce texte dans nooSFere :
- in Fiction n° 67 (OPTA, 1959)
Première parution en 1944 (non référencée dans nooSFere).

43 - La Morte, pages 91 à 92, nouvelle
1 autre édition de ce texte dans nooSFere :
- in Fiction n° 67 (OPTA, 1959)
Première parution en 1944 (non référencée dans nooSFere).

44 - Refaire sa vie, pages 93 à 94, nouvelle
Inédit.

45 - Une mort à refaire, pages 95 à 96, nouvelle
Inédit.

46 - La Femme jalouse, pages 97 à 97, nouvelle
Inédit.

47 - L'Amour dans le sommeil, pages 98 à 99, nouvelle
Inédit.

48 - Sourire de cadavre, pages 100 à 101, nouvelle
Inédit.

49 - Mariage, pages 102 à 102, nouvelle
Inédit.

50 - Regard de morte, pages 103 à 104, nouvelle
Inédit.

51 - L'Empreinte, pages 105 à 106, nouvelle
Inédit.

52 - Au rendez-vous des noyés, pages 107 à 108, nouvelle
Inédit.

53 - Le Verrou, pages 109 à 110, nouvelle
Inédit.

54 - Ménage...rie, pages 111 à 112, nouvelle
Inédit.

55 - Femme aux griffes, pages 113 à 114, nouvelle
Inédit.

56 - Toujours et jamais, pages 115 à 116, nouvelle
Inédit.

57 - La Transformation, pages 117 à 118, nouvelle
Inédit.

58 - Bibliogynie, pages 119 à 120, nouvelle
Inédit.

59 - Trois en une, pages 121 à 122, nouvelle
Inédit.

60 - La Maison silencieuse, pages 123 à 124, nouvelle
Inédit.

61 - Amoureux des racines, pages 125 à 126, nouvelle
Inédit.

62 - Le Cygne, pages 127 à 128, nouvelle
Inédit.

63 - La Substitution, pages 129 à 130, nouvelle
Inédit.

64 - Théâtre souterrain, pages 131 à 185, recueil de nouvelles
Inédit.
Première parution en 1972 (non référencée dans nooSFere).

65 - Comme le poisson enfermé dans sa rivière, pages 133 à 133, nouvelle
Inédit.

66 - Les Trois bouches, pages 135 à 135, nouvelle
Inédit.

67 - La Mouche, pages 136 à 137, nouvelle
1 autre édition de ce texte dans nooSFere :
- in Fiction n° 67 (OPTA, 1959)
Première parution en 1944 (non référencée dans nooSFere).

68 - L'Enjeu, pages 138 à 139, nouvelle
1 autre édition de ce texte dans nooSFere :
- in Fiction n° 67 (OPTA, 1959)
Première parution en 1944 (non référencée dans nooSFere).

69 - Curieux compagnon, pages 140 à 141, nouvelle
Inédit.

70 - L'Anneau, pages 142 à 143, nouvelle
2 autres éditions de ce texte dans nooSFere :
- in Histoires fantastiques d'aujourd'hui (CASTERMAN, 1965)
- in Histoires fantastiques d'aujourd'hui (CASTERMAN, 1971)
Première parution en 0 (non référencée dans nooSFere).

71 - Entre deux clins d'œil, pages 144 à 144, nouvelle
Inédit.

72 - Vieux beau, pages 145 à 145, nouvelle
Inédit.

73 - Le Bocal, pages 146 à 147, nouvelle
2 autres éditions de ce texte dans nooSFere :
- in Fiction n° 67 (OPTA, 1959)
- in L'Aventure impersonnelle et autres contes fantastiques (MARABOUT - GÉRARD, 1966)
Première parution en 0 (non référencée dans nooSFere).

74 - La Chatte, pages 148 à 148, nouvelle
2 autres éditions de ce texte dans nooSFere :
- in Lunatique n° 44 (LUNATIQUE, 1969)
- in Magie Rouge n° 40/41 (Suzane VANINA, 1993)

75 - Le Fils singulier, pages 149 à 150, nouvelle
Inédit.

76 - Le Talisman, pages 151 à 151, nouvelle
Inédit.

77 - L'Amateur d'oiseau, pages 152 à 153, nouvelle
1 autre édition de ce texte dans nooSFere :
- in Horizons du fantastique n° 4 (EKLA, 1968)

78 - Fausse alerte, pages 154 à 154, nouvelle
1 autre édition de ce texte dans nooSFere :
- in Magie Rouge n° 40/41 (Suzane VANINA, 1993)
Première parution en 0 (non référencée dans nooSFere).

79 - Le Chien, pages 155 à 156, nouvelle
Inédit.

80 - Le Double, pages 157 à 158, nouvelle
Inédit.

81 - L'Étranger, pages 159 à 159, nouvelle
Inédit.

82 - Le Jardin, pages 160 à 161, nouvelle
Inédit.

83 - Les Vagabonds horribles, pages 162 à 163, nouvelle
1 autre édition de ce texte dans nooSFere :
- in Fiction n° 67 (OPTA, 1959)
Première parution en 1944 (non référencée dans nooSFere).

84 - Voyageur endormi, pages 164 à 165, nouvelle
Inédit.

85 - La Corde, pages 166 à 167, nouvelle
Inédit.

86 - La Bulle verte, pages 168 à 169, nouvelle
Inédit.

87 - Plume joyeuse, pages 170 à 171, nouvelle
Inédit.

88 - Avarice, pages 172 à 173, nouvelle
Inédit.

89 - Cheveu musical, pages 174 à 175, nouvelle
Inédit.

90 - L'Hôte abusif, pages 176 à 177, nouvelle
Inédit.

91 - Le Petit homme, pages 178 à 179, nouvelle
Inédit.

92 - Le Disque, pages 180 à 181, nouvelle
Inédit.

93 - Cinq têtes, pages 182 à 183, nouvelle
Inédit.

94 - La Terrrasse, pages 184 à 185, nouvelle
Inédit.

95 - Le Dormeur debout, pages 187 à 242, recueil de nouvelles
Inédit.
Première parution en 1972 (non référencée dans nooSFere).

96 - La Trouvaille d'un ingénieur, pages 189 à 190, nouvelle
Inédit.

97 - Mécanicien nocturne, pages 191 à 191, nouvelle
Inédit.

98 - La Promenade, pages 192 à 193, nouvelle
Inédit.

99 - Crime en rêve, pages 194 à 194, nouvelle
Inédit.

100 - Les Pierres, pages 195 à 196, nouvelle
Inédit.

101 - Les Bonnes raisons, pages 197 à 198, nouvelle
Inédit.

102 - La Bête, pages 199 à 200, nouvelle
Inédit.

103 - Le Passager de l'abîme, pages 201 à 202, nouvelle
Inédit.

104 - Dernier métro, pages 202 à 203, nouvelle
Inédit.

105 - Une vieille folle, pages 204 à 205, nouvelle
Inédit.

106 - Hôtel du silence, pages 206 à 207, nouvelle
Inédit.

107 - La Soirée, pages 208 à 209, nouvelle
Inédit.

108 - La Calèche, pages 210 à 211, nouvelle
Inédit.

109 - Regret des oiseaux, pages 212 à 213, nouvelle
Inédit.

110 - Le Bal, pages 214 à 215, nouvelle
1 autre édition de ce texte dans nooSFere :
- in Fiction n° 67 (OPTA, 1959)
Première parution en 1944 (non référencée dans nooSFere).

111 - Le Sixième mur d'ombre, pages 216 à 217, nouvelle
Inédit.

112 - Le Tambour du soir, pages 218 à 219, nouvelle
Inédit.

113 - L'Archange aux flambeaux, pages 220 à 221, nouvelle
1 autre édition de ce texte dans nooSFere :
- in L'Aventure impersonnelle et autres contes fantastiques (MARABOUT - GÉRARD, 1966)
Première parution en 0 (non référencée dans nooSFere).

114 - Profils, pages 222 à 223, nouvelle
Inédit.

115 - L'Architecte, pages 224 à 225, nouvelle
Inédit.

116 - Foule familière, pages 226 à 227, nouvelle
Inédit.

117 - Faux témoin, pages 228 à 228, nouvelle
Inédit.

118 - Les Cartes, pages 229 à 230, nouvelle
Inédit.

119 - Paroles en l'air, pages 231 à 232, nouvelle
Inédit.

120 - Le Cimetière, pages 233 à 234, nouvelle
Inédit.

121 - La Coupe de larmes, pages 235 à 236, nouvelle
Inédit.

122 - Le Vestiaire, pages 237 à 239, nouvelle
Inédit.

123 - La Meule, pages 239 à 240, nouvelle
Inédit.

124 - Le Pont, pages 241 à 241, nouvelle
Inédit.

125 - (non mentionné), Bibliographie des principales œuvres en prose de Marcel Béalu, pages 243 à 244, bibliographie
Inédit.
Première parution en 1972 (non référencée dans nooSFere).

126 - (non mentionné), L'Amour de l'ombre, pages 256 à 256, dictionnaire d'auteurs
Inédit.

Critiques
     Avec les cent vingt récits brefs qui composent ces Mémoires de l'ombre, Marcel Béalu nous donne à écouter comme autant de petites pièces d'une rare musique nocturne qui ne nous rentrerait dans l'œil que pour mieux s'infiltrer, se répandre dans notre oreille en minces ruisselets cristallins. La musique de Béalu est trop jolie pour être vraiment inquiétante ; elle est trop brève, en chacun de ses morceaux, pour nous effrayer totalement : elle fait comme si, et à peine a-t-on le temps de se pelotonner dans l'attente du frisson que les notes se sont déjà diluées dans l'air ; à peine a-t-on dans la tête une douzaine de phrases au rythme harmonieux, qui sont comme autant de. portées de notes limpides, que l'enchanteur est déjà parti. Mais attention : il nous attend au tournant, à l'aube du récit suivant. Si on veut bien se donner la peine...
     La musique de Béalu est jouée sur une harpe fantôme pincée par un Harpo lunaire, sur un violon transparent qui fait un angle bizarre entre une épaule et un menton d'ombre, sur un piano mélancolique dont les touches, frappées par des doigts spectraux, reluisent doucement dans la grimace figée d'un rire rectiligne. Oui : la musique de Béalu est une musique de cordes — d'instruments à cordes et de cordes pour se pendre en douceur, des cordes en boyaux de chats qui font les meilleurs instruments et les meilleurs pendus peut-être... mais que dire des chats ?
     Que dire de plus, d'ailleurs, qui serait trahir Béalu ? Béalu dont on ne peut guère parler qu'en regardant ailleurs, dont on ne peut guère parler qu'en étant autour, à l'extérieur, en faisant un peu du à la manière de...
     Essayons pourtant, en arpentant avec de gros sabots ces portées de chats-dont-on-fait-des-cordes.
     Cent vingt contes en quatre parties, comme les quatre saisons d'une vie : Plusieurs enfances, Elle et elle, Théâtre souterrain et (qui fait penser à Cocteau ou à Apollinaire) Le dormeur debout. .
     Sélections assez arbitraires mais qui, si on veut bien se donner la peine de plonger dans leur eau, révèlent tout de même une volonté phréatique d'organiser les contours, la trajectoire d'une existence, à travers cent vingt moments qui seraient comme arrachés au hasard dans la chair molle de la vie ; en somme un vrai roman pointilliste, alternatif, dont les multiples chapitres auraient la brièveté du temps qui passe, du soupir qu'on laisse échapper, des images fantasques qu'organisé dans une tête une pupille mangée de soleil.
     Plusieurs enfances, c'est — l'auriez-vous cru ? — l'enfance et ses troubles verts, acidulés, inquiets, merveilleux, et les contes appartiennent justement à un insolite merveilleux bien mal définissable, dont le charme tient précisément à ce qu'il échappe à toute définition. Les récits de Plusieurs enfances sont aussi ceux des illusions perdues ; comme si le conteur, se souvenant, longtemps après, des rêves qui l'avaient habité garçonnet, prenait un aigre plaisir à leur tordre le cou, à clouer par les pieds des aventures et des destinées imaginaires ou qui tournèrent court, ou qui sombrèrent dans le dérisoire — comme dans Une- bonne farce, où le narrateur, qui croit être invité chez des gens du monde, découvre sous les beaux masques les visages bien connus du boucher, de la concierge, ou encore comme dans La gloire facile, où le génie n'est reconnu au petit acteur local que lorsqu'il aborde le rôle de l'ours.
     Elle et elle, c'est l'adolescence, la jeunesse et les amours qu'on rencontre, qu'on découvre, qui vous découvrent et le plus souvent vous broient... à moins que tout simplement elles ne vous tirent la langue. Les récits sont alors fantastiques, parce que la Femme, c'est l'Ogresse, la Nymphe, la Fée, la Gorgone, toutes créatures très incarnées, très répertoriées. Les chutes alors sont plus brutales, plus décisives, plus définitives, se font en somme d'une plus grande hauteur, font plus mal... comme un amour peut faire mal. Guetter un ravissant profil longtemps derrière une vitre, s'enhardir au bout de plusieurs semaines à pénétrer dans une chambre et se rendre compte finalement qu'on a fait l'amour à un cadavre, ce n'est pas drôle (Morte d'avance) ; mais épouser une femme qui se multiplie un jour par trois (Trois en uns), est-ce bien préférable ?
     Théâtre souterrain, c'est l'âge mûr, le théâtre da l'honorabilité et des apparences... apparences qui sont bien vite percées, s'effritent comme un manteau de brouillard sous le vent des sarcasmes et laissent la corps — pardon, l'âme — dans sa triste nudité. Les récits se font alors symboliques, sont comme autant de portes secrètes dont le conteur ne nous donne pas toujours la clé. Se pencher sur la blonde ravissante qu'on a espérée toute une vie et voir soudain dans un miroir un visage de vieillard qui est son propre visage (Vieux beau) ; croire tenir la clé de la porte du plus grand amour et se retrouver poisson doré dans un bocal (Le bocal) ; marcher sur une route au milieu de passants terriblement défigurés et s'apercevoir qu'ils vous regardent avec la même horreur que celle qu'ils vous inspirent (Les vagabonds horribles), voilà les métaphores de désillusions d'autant plus cruelles que la jeunesse n'est plus là pour les adoucir, et que les lendemains qui permettent tous les recommencements se rétrécissent à l'horizon.
     Le dormeur debout, enfin, c'est le sommeil lourd qui est l'antichambre de la mort , ce sont ces rêveries qui défilent alors que ce corps que le dormeur croit encore vertical a déjà atteint une définitive horizontalité. Contes oniriques donc, sans queue ni tête et sans autre signification que leur propre existence d'images renflouées. Les chutes y sont moins amères — II n'y a plus rien à perdre — et ne sont que glissades, dans le temps, comme dans La calèche, où le dormeur retrouve le climat d'un passé défunt, ou dans l'espace, comme dans Hôtel du silence, où il est trop tard pour qu'il puisse s'arrêter. La dernière glissade est celle qui conduit à l'ultime destination, celle où il est difficile de se rendre debout sur sas jambes. C'est aussi le dernier récit du recueil (Le pont). En voici la fin, où Béalu se permet son seul clin d'œil — vers Nosferatu :
     « Et maintenant il y avait ce pont à traverser, ce seul pont jeté sur le fleuve pour atteindre une rive invisible. Qu'allez-vous faire au-delà ? dirait l'autre voix plus terrible encore. Car ce pont est une frontière et cette autre rive un autre monde. Et pour passer du l'un à l'autre je devais affronter les deux sentinelles qui se confondaient de plus en plus au brouillard et à la nuit. D'où je venais je le savais, mais ce que je voulais au-delà, comment le dire ?
     Ainsi soliloquant j'approchai de l'entrée du pont et me trouvai bientôt à deux pas des gardes dont la silhouette grandissante et la complète immobilité commençaient à me rassurer. N'était-ce pas de simples statues de pierre ? Combien j'avais eu tort de m'effrayer ! Et plus grand tort encore sans doute de tant me soucier à propos de l'autre rive. Tandis que l'avançais d'un pas allègre, sous l'effet de ce nouveau courage, la brume tout à coup se dissipa pour faire place à la nuit étincelante, et, dès que j'eus traversé le pont, les fantômes vinrent à ma rencontre.« 

 

     Quel meilleur passeport pour Béalu que son propre texte ? Et foin des décortications ! Il suffit de passer le pont, oui, et Béalu vient à notre rencontre ; si au bout de chaque conte le pied nous manque, c'est que la chute fait partie du jeu, est le jeu. La chute, c'est le petit silence qui ponctue chaque phrase musicale, qui nous permet de reprendre notre souffle. Et la réflexion peut attendre.

 

     Les Mémoires de l'ombre, en tout cas, horripileront certains, enchanteront beaucoup d'autres, dont je suis ; ce qui est sûr, c'est que cette musique ne peut laisser place à la demi-mesure. Aussi, pour prolonger encore le plaisir des doux rêveurs à qui je souhaite quelques entrées en songe sous ce porche, voici pour terminer quelques lignes encore (achevant le récit titré Le château), qui forment des accords dont la résonance peut englober, et définir, et résumer, le climat de l'œuvre tout entière.
     Bientôt, la poussière recouvrit les planchers de son tapis d'ouate grise et la végétation, débordant du jardin, envahit les hautes pièces abandonnées, dressant entre le monde et moi un écran de plantes sauvages au travers duquel je ne perçais qu'un secret passage. Et quand je pénétrais dans mon habitation il me semblait parfois rejoindre, hors du temps, le domaine habité par mon ombre.
     Merci, Marcel Béalu.

 

Jean-Pierre ANDREVON (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/8/1972 dans Fiction 224
Mise en ligne le : 17/3/2002

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