A TRAVERS LES TEMPS QUI COURENT (EN TOUS SENS)
L'auteur est bien connu dans le domaine de la SF, qu'il fréquente depuis longtemps. Il a réalisé de nombreuses interviews (Galaxie) et a écrit quelques nouvelles, dont l'une directement en américain pour la revue OMNI qui l'a publiée en début d'année. C'est, à ma connaissance, le premier auteur français à qui échoit cet honneur. Voici donc, en attendant le prochain titre, à paraître in Press-Pocket, son premier roman publié. Le prologue est très accrocheur, l'intrigue — d'une sophistication à faire envie à Van Vogt lui-même — est très travaillée ; avec ses jeux de miroir, ses échanges de rôles, ses inversions de causalité. C'est là-dessus que Duvic a fait porter son effort, et c'est, de ce point de vue, une réussite.
Reste qu'il garde un certain nombre de défauts dont il est prévisible qu'il se débarrassera, et qui sont inhérents à la majorité des premiers romans d'auteurs français. Je citerai le plus visible : l'abus d'explications non intégrées à l'action (par ex. pp. 25, 38, 69, 93, 105). On a envie, comme le dit l'un des personnages, de lancer amicalement à Duvic : « belle tirade pour un amateur » (p. 168).
Cela étant, les personnages sont aussi crédibles qu'il est possible, dans un univers qui se veut fait de truquages, et où les points de vue sont systématiquement perturbés. J'avoue aimer l'emploi de ces « hommes caméra » ainsi que certaines « coupures » qui font passer du récit au lyrisme pur par des astuces de montage. C'est un hommage volontaire à W. Burroughs, mais il fallait l'oser. J'attends avec intérêt ses prochains romans.
Roger BOZZETTO
Première parution : 1/2/1980 dans Fiction 306
Mise en ligne le : 11/7/2009