Kate WILHELM Titre original : Somerset Dreams and Other Fictions, 1978 Première parution : Harper & Row, avril 1978 Traduction de Sylvie AUDOLY Illustration de Stéphane DUMONT
DENOËL
(Paris, France), coll. Présence du futur n° 299 Dépôt légal : 2ème trimestre 1980 Première édition Recueil de nouvelles, 224 pages, catégorie / prix : 2 ISBN : néant Format : 11,0 x 18,0 cm Genre : Science-Fiction
Quatrième de couverture
Dans le petit village de Somerset, Janet participe à des expériences sur les rêves, où le passé s'empare des mémoires et réveille chez les habitants la pulsion de mort... tandis que le jeu cruel retransmis en direct à la télévision permet à Lottie et Butcher de transférer leurs instincts violents sur les protagonistes sans quitter leur fauteuil...
Quant aux deux magnifiques chiens qui escortent inlassablement Rose Ellen, ne sont-ils pas là pour lui rappeler son père ? En les éliminant, n'est-ce pas son oedipe qu'elle tente de tuer ?
Huit nouvelles surréalistes, où l'insolite est purement psychologique. Huit contes troublants, où le quotidien fait frémir, dans un climat envoûtant que Kate Wilhelm a déjà si bien su créer dans Hier les oiseaux et dans Le Village.
1 - R. GLENN WRIGHT, Préface (Foreword, 1978), pages 7 à 15, préface, trad. Sylvie AUDOLY 2 - Quand Somerset rêvait (Somerset Dreams, 1969), pages 17 à 69, nouvelle, trad. Sylvie AUDOLY 3 - La Rencontre (The Encounter, 1970), pages 71 à 101, nouvelle, trad. Sylvie AUDOLY 4 - Une histoire de planète (Planet Story, 1975), pages 103 à 120, nouvelle, trad. Sylvie AUDOLY 5 - Mrs. Bagley va sur Mars (Mrs. Bagley Goes to Mars, 1978), pages 121 à 131, nouvelle, trad. Sylvie AUDOLY 6 - Symbiose (Symbiosis, 1972), pages 133 à 155, nouvelle, trad. Sylvie AUDOLY 7 - Mesdames et Messieurs, cette crise est la vôtre (Ladies and Gentlemen, This Is Your Crisis, 1976), pages 157 à 174, nouvelle, trad. Sylvie AUDOLY 8 - Les Chiens (The Hounds, 1974), pages 175 à 206, nouvelle, trad. Sylvie AUDOLY 9 - L'État de grâce (State of Grace, 1977), pages 207 à 218, nouvelle, trad. Sylvie AUDOLY
Critiques
Les œuvres de Kate Wilhelm se situent pour la plupart en marge de la SF, sur la frontière sans cesse mouvante qui sépare celle-ci de la littérature dite générale. C'est peut-être pour cela que sa reconnaissance en tant qu'auteur fut plutôt tardive (vers la fin des années soixante, alors qu'elle avait déjà dix ans de carrière d'écrivain derrière elle).
Et pourtant, Kate Wilhelm est l'une des quatre ou cinq grandes dames de la SF américaine, comme Ursula Le Guin, Joanna Russ, Tiptree/Sheldon, et aussi Carol Emshwiller, que l'on oublie trop souvent, sans doute parce qu'elle n'a publié que des nouvelles, et qui présentent presque toujours un caractère expérimental. Quoi qu'il en soit, Kate Wilhelm a à son actif une douzaine de romans (dont deux en collaboration avec Theodore Thomas) et quatre recueils qui sont tous d'excellente tenue 1.
Le lecteur aura quelque difficulté à trouver dans Quand Somerset rêvait quelques bonnes grosses ficelles propres à la science-fiction (mais pourquoi en chercherait-il ?). Certes, dans Une histoire de planète, il s'agit à première vue d'un thème ultra-classique de la SF (examen des conditions d'une planète pour savoir si la vie humaine y est possible), mais derrière la découverte de cet éden, de cette perfection, se cachent la résignation, la sensation de l'abouti, du fini, et le désir de mort. Et le voyage sur Mars, puis sur Ganymède, de Mrs Bagley (Mrs Bagley va sur Mars) n'est qu'une tentative répétée d'échapper à sa condition de femme au foyer, de sortir du moule « féminin », comme celle des deux femmes de la nouvelle de James Tiptree Jr, The women men don't see 2. Tentatives identiques de révolte de la femme devant sa condition de femme soumise dans Les chiens (l'une des plus belles nouvelles du recueil) et dans L'état de grâce, où Kate Wilhelm, usant ici du mode humoristique, et là d'une symbolique quasi-surréaliste, crée pour ses protagonistes un inconscient, un imaginaire, tantôt insurmontables, tantôt salvateurs, mais ne pouvant que mener à la névrose, comme dans La rencontre (un texte que Freud aurait, aimé écrire et que Hitchcock ou Polanski auraient pu mettre en scène). Heureusement qu'il y a la bonne vieille télé, merveilleuse thérapie du couple qui peut s'y projeter dans un processus libérateur d'identification (Mesdames et messieurs, cette crise est la vôtre).
Mais derrière cette révolte, ces fuites, ces refus, dans les cocons moelleux de ces rêves, le désir de mort est toujours là, qui peut s'emparer d'un village entier (Quand Somerset rêvait), à moins que, pire encore, s'acharne la réalité, quotidienne et tenace — la maison, les enfants — qui vous bouffe, vous bouffe... (Symbiose).
Avec ce recueil (probablement le meilleur qui sera publié en France cette année) 3, Kate Wilhelm donne à la SF une œuvre forte et profondément originale, et non seulement à la SF mais aussi à la littérature tout court. Mais, au regard de ces huit textes, qui oserait y voir une différence ?
Notes :
1. Ont été publiés en français pour l'instant un seul roman. Hier les oiseaux (1976) chez Denoël (en attendant la prochaine sortie de Jupiner time) — alors que Margaret and I (1971) et The Clawiston test (1976) mériteraient une traduction — et deux recueils, également chez Denoël, celui-ci et Le village (1975). 2. Parue dans Nouvelles Frontières 1 (Fiction Spécial 24) sous le titre Vol 727 pour ailleurs. 3. Quand Somerset rêvait est le seul ouvrage « de SF » à figurer dans la liste de l'American Library Association des 50 meilleurs livres publiés aux U.S.A. en 1978.