Troisième volume d'une série aux mailles lâches, Vers l'âge d'or peut se lire comme un roman indépendant. Le titre, très jeuryen puisqu'il semble promettre une exploration de l'utopie, peut laisser sur sa faim : car, plus que les précédents ouvrages de l'auteur au Fleuve, celui-ci est typiquement un roman d'aventures, avec poursuites, bagarres, enlèvements, dans le cadre d'une Terre où le Moyen Age (arbalètes et caves suintantes) jouxte la technologie (astronefs et lasers) — donc proche de l'heroic fantasy. Et c'est tant mieux : souvent les Jeury du Fleuve restent trop serrés dans une intrigue confuse, un vocabulaire compliqué valables chez « Ailleurs et demain », mais qui peuvent désorienter le lecteur moyen de la collection... Ici l'auteur s'est épuré, s'est débarrassé de ses tics, qui sont sa marque, mais peuvent se révéler encombrants à l'usage ; et même le dos de l'ouvrage (« un jour on s'était mis à compter les années à l'envers ») est faussement dickien : ce n'est pas le temps qui rebrousse, seulement l'Histoire — ce qui voudrait peut-être bien dire, à la suite de l'intrigue, que l'utopie ce n'est pas pour demain, ni même pour avant-hier.
Si Jeury (qui se déclare aujourd'hui incapable d'écrire des nouvelles, où il se sent trop à l'étroit), reste encore piégé dans les 300000 signes d'un Fleuve (certains passages du récit sont mis en ellipse, ou résumés), sa narration lisse, qui colle à la quête d'un adolescent, coule comme... un Fleuve. Descendons-le, non pas en flammes, mais ensemble.
Jean-Pierre ANDREVON (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/2/1984 dans Fiction 348
Mise en ligne le : 1/12/2005