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L'Âge de diamant

Neal STEPHENSON

Titre original : The Diamond Age, 1995
Première parution : Bantam, 1995
Traduction de Jean BONNEFOY
Illustration de MANCHU

LIVRE DE POCHE (Paris, France), coll. SF (2ème série, 1987-) n° 7210
Dépôt légal : septembre 1998
Roman, 636 pages, catégorie / prix : 15
ISBN : 2-253-07210-9
Format : 11,0 x 18,0 cm
Genre : Science-Fiction



Ressources externes sur cette œuvre : quarante-deux.org
Ressources externes sur cette édition de l'œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture
     Un monde de l'avenir bardé de nanotechnologies, d'univers virtuels, de réseaux neuronaux et d'intelligences qui s'efforcent d'être le plus artificiel possible.
     Une petite fille qui reçoit une éducation singulière grâce à un Livre Mentor qui raconte des histoires.
     Et tout cela dans une Chine de l'avenir partagée entre les territoires des sectes, les enclaves des multinationales et les espaces électroniques.
     Dans la foulée de William Gibson, Neal Stephenson a écrit avec ce roman, après Le Samouraï virtuel, son second chef-d'oeuvre.
     L'Âge de diamant a obtenu le Prix Hugo 1996.
Critiques
     Nous sommes en plein XXIe siècle. L'heure est aux nanotechnologies, qui permettent tout, ou presque. Le centre économique du monde s'est déplacé vers la Chine. Dans un contexte d'importantes disparités sociales et culturelles, Hackworth, un programmeur de génie, est chargé par un riche industriel de concevoir pour sa fille un Manuel illustré d'éducation pour jeunes filles. Cet ouvrage doit proposer, sous l'apparence désuète d'un épais volume relié de cuir, une méthode d'éducation interactive et révolutionnaire. Par l'effet du hasard, trois fillettes vont se trouver en possession d'un exemplaire de cet étrange manuel. L'une d'entre elles, Nell, issue d'un milieu défavorisé, est à mille lieues des sphères où évoluent les vickies, les élites occidentales néo-victoriennes auxquelles appartient la destinataire originelle du Manuel. Et c'est pourtant entre les mains de Nell que ce livre va prendre une dimension insoupçonnée...


     Deux axes principaux se dégagent nettement de L'Âge de diamant, prix Hugo 1996. Le premier, un argument techno-scientifique qui laisse la part belle aux nanotechnologies, aux réseaux et aux réalités virtuelles, n'a rien de neuf pour les familiers de l'univers de Neal Stephenson. Le second est plus surprenant, ou tout du moins plus inattendu dans sa collision avec le premier : c'est une référence permanente à la culture victorienne, ressuscitée jusque dans ses traits les plus caricaturaux par les élites occidentales, comme un retour nécessaire vers les valeurs morales, et peut-être aussi comme un réflexe régressif vers une époque révolue où l'occident exerçait une domination sans partage sur le globe — de toutes les façons possibles (économique, politique, culturelle, militaire...).

     Avouons-le, avec la meilleure volonté prospective du monde, on a un peu du mal à croire sincèrement à une société future où les jeunes filles portant crinoline et voilette (nanotechnologiques, cela va de soi) éconduiront leurs soupirants trop empressés d'une cinglante réplique telle que : « Il me semble, monsieur, que vous poussez trop loin votre avantage ». Ce mélange un peu curieux devrait, à première vue, jouer contre le roman.

     Pourtant, le fait que l'appareil ne soit pas homogène n'est pas automatiquement synonyme de ratage dans ce cas précis. Il semble acquis que Neal Stephenson a voulu illustrer dans L'Âge de diamant une certaine inclination pour l'époque victorienne, dans la mesure où le roman lui adresse de nombreux clins d'œil, notamment littéraires (par exemple l'intitulé des chapitres sous la forme d'un résumé ; l'histoire, quant à elle, se réfère plus ou moins explicitement à Wordsworth, Dickens et Lewis Carroll, entre autres). Après tout, pourquoi ne pas essayer de concilier, le temps d'un roman, deux thématiques a priori difficilement conciliables ? Outre son intérêt ludique du point de vue de la construction, l'approche choisie par Neal Stephenson peut également se justifier du point de vue du public élargi qu'il vise : chacun pourra ainsi saisir le roman par la poignée qui lui semblera la plus commode. En somme, avec ce texte, Stephenson s'adresse aussi bien au lecteur-type de SF (le jeune urbain, de sexe masculin et de préférence ingénieur), qu'à celui qui n'aurait pas l'idée d'en lire (les filles, les « purs » littéraires, les réfractaires à l'ordinateur).

     Ceci procure selon moi à L'Âge de diamant un net avantage sur d'autres romans de l'auteur, tels ceux de la trilogie Cryptonomicon, pourtant postérieurs. D'un simple point de vue de lecteur, j'avoue m'être senti exclu de tels romans. Ce ne fut pas le cas ici. Certes, par les multiples influences qui le gouvernent, L'Âge de diamant semble partir dans tous les sens en même temps, et figure une manière de fourre-tout — quête initiatique, roman d'apprentissage, techno-thriller, prospection sociale insolite. C'est parfois pesant, et l'intrigue s'en ressent toujours un peu. Mais il est manifeste qu'en écrivant son roman, Neal Stephenson a cherché à se faire plaisir, et son plaisir est souvent communicatif : lorsque l'auteur laisse la parole au Manuel d'éducation pour jeunes filles, il sait notamment se montrer poétique, tendre, drôle ou émouvant, ce qui tempère efficacement les scènes plus techniques ou violentes, et donne à l'ensemble un relief et une variété agréables.

     En résumé, L'Âge de diamant, sans être le mieux ficelé des romans (loin de là), est un texte où la majorité des lecteurs devraient trouver leur bonheur, à un moment ou à un autre. Ce ne sera peut-être pas avant les trois quarts du volume, et ça ne durera peut-être pas jusqu'au point final, mais tout de même, c'est une garantie que tous les livres n'offrent pas...

Julien RAYMOND (lui écrire)
Première parution : 18/2/2005 nooSFere


     Dans l'enclave néo-victorienne de Shanghai, un Lord actionnaire commande la fabrication d'un Manuel d'éducation illustré pour jeunes filles, compendium encyclopédique et interactif, fruit de la plus raffinée des technologies de l'information. Ce digne pair du Royaume de Victoria II s'interroge avec inquiétude sur les effets débilitants d'une éducation conformiste poussée à l'extrême ; il veut offrir à sa petite-fille plus qu'un livre, un compagnon qui l'aidera à former un jugement sûr. Malheureusement, le livre est volé et se retrouve accidentellement dans les mains d'une fillette des classes populaires. Guide de survie, professeur, miroir de l'enfance, il remplira sa fonction à merveille : révéler un destin d'envergure, car les princesses et les reines n'incarnent-elles pas l'enjeu ou la récompense d'une Quête ? Mais à quels idéaux la petite Nell, trop vite grandie sous l'influence de son étonnant mentor électronique, devra-t-elle se consacrer, bousculée par la récurrence de l'histoire dans une Chine futuriste écartelée entre néo-confucéens et néo-maoïstes ? À quelle quête, sinon celle de sa propre identité ?
     Jouissif et jubilatoire, ce gros roman d'apprentissage, fractionné en une multitude de petits chapitres aux liaisons parfois très lâches, et dont le fil conducteur le plus cohérent demeure l'histoire dont la petite fille est l'actrice, ressemble à un kaléidoscope phénoménologique, un feuilleton populaire et moral dans lequel les tenants de la ligne claire narrative s'abstiendront de plonger. C'est qu'un excès de métaphores et de personnages y passe à trop grande vitesse pour laisser une trace durable dans la mémoire du lecteur, si ce n'est sous la forme de rémanences, à l'image des bestioles nanotechnologiques dont le récit est truffé, et qui infestent le sang et le cerveau.
     Tout se réduit à l'échange, au commerce des corps et des signes, et aux attributs de la reconnaissance sociale dans le monde en miettes du siècle prochain décrit par Neal Stephenson. Les États-Nations ont éclaté en tribus d'allégeances diverses plus exotiques les unes que les autres  ; elle colonisent les territoires urbains sous la réglementation d'un Protocole Économique Commun, aboutissement logique des politiques de la globalisation et des accords multilatéraux sur l'investissement ; les modes de production les plus sophistiqués des compilateurs de matière y côtoient les paysans sans terre et les artisans traditionnels. Ce monde est déjà le nôtre, la technologie y brille de tous les feux de la magie, c'est l'Âge de Diamant.
     Mélange de styles et de genres littéraires, provocateur, impertinent, ce roman de science-fiction brouillon, machinique et théâtral conviendra par tranches éclectiques with a cup of tea aux curieux de sept a soixante dix-sept ans.

Christo DATSO (lui écrire)
Première parution : 1/3/1999 dans Galaxies 12
Mise en ligne le : 25/6/2000


     Imaginez un instant un monde où la nanotechnologie (vous savez, cette « science du minuscule » qui est capable de produire des robots d'une taille atomique) est omniprésente et offre des possibilités quasi illimitées. Ne serait-ce pas formidable ? Ce n'est visiblement pas l'avis de Neal Stephenson. Car à la lecture de L'Age de diamant, il devient très vite évident que la société qu'il y décrit, fort plausible au demeurant, est loin d'être une douce utopie.

     Dans une Chine devenue mondialement dominante et un Shanghai plus cosmopolite que jamais, les ethnies se côtoient avec plus ou moins de bonheur. On rencontre ainsi la tribu des Ashantis, très soudée et susceptible, ou bien encore les néo-Victoriens mordus du mode de vie anglais fin XIXe, mais bardés de technologie. John Hackworth, ingénieur néo-Victorien justement, doit livrer à son employeur, Finkle-McGraw, Lord actionnaire de la puissante Machine-Phase System Limited, le fruit de son labeur : un livre à la pointe de la technologie, véritable usine à enseigner miniature que McGraw destine à sa fille. Lors d'une tentative de vol d'une copie du livre afin de l'offrir à son propre enfant, aidé en cela par l'énigmatique Dr X, Hackworth est victime d'une agression. Et voilà que le « Manuel illustré d'éducation pour jeunes filles » atterrit dans les bas-fonds, et plus précisément entre les mains de Nell, fillette en butte aux agressions sexuelles de son « beau père ». Et les pages magiques commencent bientôt à raconter des contes de fée...
     Sur fond de mouvements minuscules des millions de machines nanotech en guerre, et de ceux des gigantesques aéronefs des multinationales, la jeune fille s'éveille à la vie au travers d'univers virtuels de plus en plus élaborés générés par le livre. Mais le Dr X a gardé le code source de l'ouvrage, et il compte bien s'en servir. Et comme « à bonnes connaissances, rien d'impossible », tout finira par changer, jusqu'à embraser la société entière.

     C'est sûr, l'auteur s'en donne à cœur joie et ses trouvailles technologiques ne sont rien moins que vertigineuses (vraiment, la nanotech, ça sert à tout !). A mentionner, pour mémoire : les « mites » (entendez les nanotechs) se déployant en un nuage sous copyright appelé le « toner » et dont il faut se méfier comme de la peste ; des implants frontaux lançant des micro-projectiles ou bien rendant les coups de boules mortels ; le papier rnédiatron animé, dont on peut même faire des paquets cadeaux... Mais Stephenson ne tombe pas dans le piège grossier d'une énumération de trouvailles science-fictives sans fondement, bien au contraire. Si son univers est riche, ses personnages le sont tout autant et rivalisent de réalisme. On s'attache, on aime ou déteste. Enfin, l'aspect du « livre dans le livre » ajoute un autre niveau de lecture et confère une dimension nouvelle au récit.
     Seule ombre au tableau : si le développement narratif du récit est fort justement mené, la fin du texte est quelque peu décevante et certaines trames développées auparavant ont du mal à trouver leur conclusion. Mais qu'on se rassure : le contenu global de L'Age de diamant fait vite oublier ce bémol et sa lecture reste incontestablement jubilatoire. Somme toute un bien beau prix Hugo 1996, doublé pour la présente édition de poche française d'une superbe couverture signée Manchu. A lire.

Jean-Félix LYON
Première parution : 1/2/1999 dans Bifrost 12
Mise en ligne le : 20/2/2004

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition RIVAGES, Futur (1996)

    Snow crash! En jargon informatique, cela désigne un plantage total du système "à un niveau si fondamental qu'il fragmente la partie de l'ordinateur qui gère le faisceau électronique du moniteur et cause une explosion sur l'écran, éparpillant l'agencement parfait des pixels en un blizzard tourbillonnant". Snow crash, c'est aussi le titre original d'un roman de Neal Stephenson (son quatrième pour être précis) qui, lors de sa sortie en 1992 aux USA, mit les mondes de la science-fiction et de l'informatique en ébullition. La presse se confondit en louanges : "Le livre le plus influent depuis Neuromancien", "Le roman capture les nuances et le rythme du nouveau monde si parfaitement qu'on croit déja y être", "Le trop proche futur conçu avec autorité", jusqu'à Gibson lui-même qui s'y colle, qualifiant Snow Crash de "Rapide, très rapide, un livre d'avant-garde culte pour les lecteurs du XXIème siècle".
    Inutile de dire que Snow crash - devenu en français Le samouraï virtuel - était donc attendu avec une impatience certaine. Ne faisons pas régner le suspense inutilement : le roman est à la hauteur de sa réputation, magnifié par une brillantissime traduction de Guy Abadia. Et pourtant, comment ne pas reconnaître qu'il est fort mal ficelé! Des digressions explicatives multiples alourdissent le récit comme au bon vieux temps de la SF de grand-papa, des scènes de bagarre (très improbables) alternent avec des dizaines de pages de réflexions de très haut niveau sur, entre autres, les écrits sumériens et la neurolinguistique, la fin est passablement désinvolte... bref c'est bavard et chaotique, mais qu'importe, oui, qu'importe, tant le roman fourmille d'inventions toutes plus délirantes les unes que les autres (de la planche à roulettes aux roues intellligentes à la fabuleuse réalité virtuelle du Métavers peaufinée dans ses moindres détails en passant par les ratchos, ces chiens-chiens de garde cyborgs), brosse un contexte social hyper-réaliste (Mafia omniprésente, Côte Ouest balkanisée en franchulats) et surtout stupéfie par son audace intellectuelle!
    Car il fallait oser relier le mythe de Babel à une Apocalypse de l'Information (ou Infocalypse), comparer les nam-shubs sumériens (c'est-à-dire des discours dotés de pouvoirs magiques ou encore des incantations) à la structure imaginaire faite de langage codé du Métavers ou de toute autre réalité virtuelle, démontrer que la civilisation est au départ une sorte de contamination par un métavirus neurolinguistique et faire du dieu sumérien Enki le premier des hackeurs!
    Et le plus ahurissant c'est que le roman, porté par un humour ravageur (il faut dire que les héros sont Y.T., une blonde et délurée kourière de 15 ans redoutable sur sa planche à roulettes et Hiro Protagoniste, le plus grand sabreur du monde, hackeur de génie et ... livreur de pizzas), se dévore dans un état second d'ébahissement intellectuel. Mais finalement, qu'est-ce au juste le Snow Crash: un virus, une drogue ou une religion? A vrai dire, existe-t-il une différence?
    Les hasards de l'édition française font que le roman suivant de l'auteur, L'âge de diamant, paru en janvier 1995 aux USA sort quasiment en même temps. Toujours le XXIème siècle, mais côté chinois cette fois : une Chine rétro-futuriste gangrenée par les nanotechnologies, menacée par les enclaves néo-Victoriennes (pour Stephenson, une société néo-Victorienne dans le futur est non seulement plausible, mais inévitable!) et les rebelles intégristes. Sous-titré "Le manuel illustré d'éducation pour jeunes filles", L'âge de diamant est structuré comme un Bildungsroman, et raconte comment, grâce à son livre interactif, la petite Nell parvient à surmonter les embûches de l'existence et accéder à la sagesse et au pouvoir.
    Hélas, cette fois la magie ne prend pas et le roman ne laisse apparaître que ses défauts : intrigue sans grand intérêt et complètement diluée dans des digressions incessantes, personnages insipides (hormis la petite Nell), monde opaque et sans humour. Les fulgurantes hypothèses intellectuelles de l'auteur se sont crashées dans ce monde steamo-cyberpunk incroyablement confus et indigeste qui avait pourtant tout, à priori, pour séduire le lecteur. A trop négliger les lois romanesques les plus élémentaires, l'auteur a fourvoyé ses talents - réels - de visionnaire.

Denis GUIOT
Première parution : 1/6/1996
dans Galaxies 1
Mise en ligne le : 1/1/2000

Prix obtenus
Hugo, Roman, 1996
Locus, Roman de Science-Fiction, 1996
Science Fiction Chronicle, Roman, 1996


Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantes
François Rouiller : 100 mots pour voyager en science-fiction (liste parue en 2006)

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